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Distribution de colis de Noël pendant la campagne électorale - Altération de la sincérité du scrutin - Inélégibilité du binôme

Publié le 4 janvier 2017

Un maire peut-il avant une élection cantonale à laquelle il est candidat élargir les conditions d’attribution des colis de Noël aux personnes âgées de la commune ?

Non : une telle opération constitue une manœuvre destinée à influencer les électeurs et un avantage consenti au binôme par une personne morale de droit public en violation des dispositions de l’article L. 52-8 du code électoral. C’est ainsi à juste titre qu’un tribunal administratif annule l’annulation d’un conseiller départemental et de son binôme, le centre communal d’action sociale (CCAS), dont le conseil d’administration est présidé par l’intéressé en sa qualité de maire, ayant distribué, jusqu’au 21 janvier, des colis de Noël à l’ensemble des personnes âgées de soixante-dix ans et plus de cette commune, alors que ces colis étaient auparavant distribués sous condition de ressources. Le nombre de colis distribués est ainsi passé de quatre-vingts en 2013 à... huit-cent-trente pour la période précédent les élections alors que l’écart des voix n’a été que de cent-quatre-vingt-six voix entre le binôme élu et son adversaire, et de cent-quarante-huit voix dans la commune centre où a eu lieu cette distribution massive de ces colis jusqu’à une date proche du scrutin départemental.

Le concours financier du CCAS, pour une somme d’environ 12 930,13 euros représentant 115 % du plafond des dépenses électorales, constitue un manquement substantiel aux règles de financement posées à l’article L. 52-8 du code électoral, prohibant tout don direct ou indirect de personnes morales. L’intéressé ne pouvait ignorer que les conditions de distribution de ces colis à de nombreux électeurs de sa commune étaient inhabituelles et, compte tenu du contexte électoral, anormales. Il ne peut invoquer raisonnablement la circonstance que la décision de distribuer ces colis de Noël sans condition de ressources avait été prise par le conseil d’administration du CCAS dont il assurait la présidence. Ce manquement substantiel aux règles de financement doit, eu égard notamment à sa nature, à la date à laquelle les faits se sont déroulés et au montant du dépassement du plafond des dépenses électorales, être regardé, en l’espèce, comme ayant été de nature à porter atteinte, de manière sensible, à l’égalité entre les candidats et justifie une inéligibilité pour une durée de six mois y compris pour le second membre du binôme. En effet, lorsqu’à l’occasion d’une contestation de l’élection des conseillers départementaux, le juge de l’élection est saisi de conclusions à fin d’inéligibilité d’un des membres d’un binôme de candidats en raison d’un manquement aux règles relatives au financement des campagnes électorales et qu’il constate que ce membre doit être déclaré inéligible, il doit, même d’office, tirer les conséquences de ces manquements en prononçant l’inéligibilité du second membre de ce binôme.

Conseil d’État, 13 juin 2016, N° 394675