Les inconvénients d’un projet (ici ligne ferroviaire à grande à vitesse Poitiers-Limoges) sont-ils nature à lui faire perdre son caractère d’utilité publique ?
Oui si les inconvénients du projet l’emportent sur ses avantages. Le Conseil d’Etat annule ainsi le décret du 10 janvier 2015 déclarant d’utilité publique et urgents les travaux nécessaires à la réalisation de la ligne à grande vitesse Poitiers-Limoges. En effet les inconvénients du projet sont supérieurs à ses avantages (contribuer au développement économique et au désenclavement du Limousin, et en particulier de l’agglomération de Limoges, et indirectement des départements du Cantal, du Lot et de la Dordogne) :
– le coût de construction de la ligne ferroviaire, dont le financement n’est pas assuré, est évalué à 1,6 milliard d’euros ;
– les temps de parcours affichés font l’objet d’incertitudes résultant de la complexité de gestion d’une voie à grande vitesse unique assortie d’ouvrages d’évitement ;
– l’évaluation de la rentabilité économique et sociale du projet est inférieure au niveau habituellement retenu par le Gouvernement pour apprécier si une opération peut être regardée comme utile, en principe, pour la collectivité ;
– si le projet est principalement justifié par des considérations d’aménagement du territoire, la liaison qu’il prévoit se présente comme un simple barreau se rattachant au réseau ferroviaire à grande vitesse, dont il n’est pas envisagé le prolongement ;
– sa mise en œuvre aura, en outre, selon toute vraisemblance, pour effet un report massif de voyageurs de la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse vers la ligne à grande vitesse, impliquant une diminution de la fréquence du trafic sur cette ligne et donc une dégradation de la desserte des territoires situés entre Orléans et Limoges.
– enfin, en déclarant d’utilité publique et urgents les travaux de construction, dont l’engagement est envisagé entre 2030 et 2050, le Gouvernement n’a pas satisfait à la réserve formulée par la commission d’enquête tendant à ce que ces travaux soient programmés à un horizon suffisamment rapproché.
Ainsi, l’adoption immédiate du décret porte une atteinte très importante aux droits des propriétaires des terrains dont la déclaration d’utilité publique autorise l’expropriation dans un délai de quinze ans.
Conseil d’État, 15 avril 2016, N° 387475