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Inscription d’une condamnation au casier judiciaire d’un fonctionnaire : pas de compétence liée du maire pour prononcer la radiation des cadres

Cour administrative d’appel de Lyon, 15 mars 2016, N° 14LY01493

Le maire a t-il compétence liée pour prononcer la radiation des cadres d’un agent condamné pénalement pour détention d’images pédopornographiques si la peine est portée au casier judiciaire alors que l’intéressé a déjà été sanctionné disciplinairement pour les mêmes faits ?

Non : le maire n’est pas en situation de compétence liée pour prendre une telle mesure qui présente le caractère d’une révocation impliquant la mise en œuvre d’une procédure disciplinaire. Il appartient à l’autorité territoriale d’apprécier, sous le contrôle du juge, l’incompatibilité des faits à raison desquels l’intéressé a fait l’objet des condamnations inscrites à son bulletin n° 2 avec l’exercice de ses fonctions. Or, en l’espèce, le cadre territorial avait déjà été sanctionné disciplinairement pour ces mêmes faits par une exclusion temporaire de deux ans. Il ne pouvait donc plus être sanctionné pour les mêmes faits (il en aurait été différemment si le juge avait prononcé contre le cadre une peine de privation des droits civiques laquelle entraîne ipso facto la perte de la qualité de fonctionnaire en dehors de toute procédure disciplinaire). Quant à l’insuffisance professionnelle invoquée par la commune pour justifier le licenciement, elle n’est pas plus jugée caractérisée, les manquements avancés n’étant pas établis ou non imputables au cadre territorial. Le licenciement est en conséquence annulé et la commune condamnée à réparer les préjudices matériel (perte de rémunération) et moral de l’agent résultant de son éviction illégale.

Un directeur général des services (DGS) est poursuivi pénalement après la découverte d’images pédopornographiques sur son ordinateur professionnel. Le maire (commune de 1800 habitants) prend à son encontre une sanction disciplinaire d’exclusion temporaire de deux ans.

Postérieurement à cette sanction, l’agent est définitivement condamné au pénal à huit mois d’emprisonnement avec sursis et deux ans de mise à l’épreuve. Le maire prononce alors la révocation de l’intéressé en invoquant :

 à titre principal, une insuffisance professionnelle caractérisée par des erreurs dans la passation de marchés publics ou dans des dossiers d’urbanisme et par des difficultés relationnelles avec les agents ;

 à titre subsidiaire, les faits de détention d’images pédopornographiques ;

 enfin la compétence liée de l’autorité territoriale suite à l’inscription de la peine prononcée contre l’agent au au bulletin n°2 de son casier judiciaire, laquelle est incompatible avec l’exercice de ses fonctions de secrétaire général de la commune.

Aucun de ces motifs ne trouve grâce devant le juge administratif qui invalide la sanction :

 les insuffisances professionnelles invoquées [1] ne sont pas établies ou ne sont pas imputables au cadre territorial et n’apparaissent pas ainsi de nature à fonder légalement un licenciement pour insuffisance professionnelle ;

 les faits de détention d’images pédopornographiques ont déjà été sanctionnés disciplinairement par une exclusion temporaire de deux ans, et ne peuvent pas faire l’objet d’une deuxième sanction ;

 enfin "le maire n’était pas en situation de compétence liée pour prendre une telle mesure qui présente le caractère d’une révocation impliquant la mise en œuvre d’une procédure disciplinaire, à l’occasion de laquelle il appartient à l’autorité compétente d’apprécier, sous le contrôle du juge, l’incompatibilité des faits à raison desquels l’intéressé a fait l’objet des condamnations inscrites à son bulletin n° 2 avec l’exercice de ses fonctions".

C’est donc à bon droit que le tribunal administratif a annulé l’arrêté de licenciement et a condamné la commune à indemniser l’agent de ses préjudices matériel (perte de rémunération ) et moral résultant de son éviction illégale.

Cour administrative d’appel de Lyon, 15 mars 2016, N° 14LY01493

[1La commune prétendait que le DGS avait commis plusieurs erreurs dans la passation et l’exécution de marchés publics ou dans la gestion de dossiers d’urbanisme et avait des difficultés relationnelles avec les agents.