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La jurisprudence de la semaine du 28 mars au 1 avril 2016

Dernière mise à jour le 15/07/2016

Associations / Fonction publique / Marchés publics / Santé et sécurité au travail / Urbanisme

Associations

 Le conseil d’administration d’une association peut-il acter de la fermeture d’un site alors que la consultation du comité d’entreprise est en cours ?

Non sous peine de caractériser un délit d’entrave. En l’espèce , le conseil d’administration d’une association a approuvé le projet de plan de désengagement d’un centre sportif, a autorisé la direction générale à mettre en œuvre un processus de désengagement et a chargé le directeur général d’effectuer toutes démarches et de signer tous actes nécessaires à la réalisation de cette opération. Pour les juges cette délibération s’analyse bien en une décision définitive de fermeture du site, alors que la consultation du comité d’entreprise, était en cours et devait se poursuivre. C’est donc à bon droit que la cour d’appel a caractérisé une entrave au fonctionnement régulier du comité d’entreprise.

Cour de cassation, chambre criminelle, 30 mars 2016, N° 15-80117

Fonction publique

 Une commune peut-elle exclure tout complément de rémunération pour les agents non titulaires occupant un emploi permanent ?

Non : en application des dispositions combinées de l’article 136 de la loi du 26 janvier 1984 et de l’article 20 de la loi du 13 juillet 1983, les agents non titulaires des collectivités territoriales occupant un emploi permanent ont droit à un traitement fixé en fonction de cet emploi, à une indemnité de résidence, le cas échéant au supplément familial de traitement ainsi qu’aux indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire.

Le contrat d’une psychologue, employée en CDI par une commune, ne peut ainsi fixer une rémunération sur la base d’un taux horaire appliqué au nombre d’heures de travail effectuées en excluant le versement de tout complément de rémunération.

Conseil d’État, 30 mars 2016, N° 380616

Marchés publics

 Un candidat évincé (ici dans un marché d’assurance) peut-il exiger la communication du bordereau unitaire de prix de l’entreprise attributaire ?

Non sauf à démontrer l’existence de circonstances particulières justifiant une telle communication. En effet la communication du prix détaillé de l’offre de l’attributaire d’un marché dans le secteur des assurances, qui relève de la stratégie commerciale de l’assureur et peut en révéler les principaux aspects, est susceptible de porter atteinte au secret commercial. Si les marchés publics et les documents qui s’y rapportent, y compris les documents relatifs au contenu des offres, sont des documents administratifs au sens de l’article 1er de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 qui doivent être regardés comme communicables, en revanche, certains renseignements contenus dans les documents dont il est demandé la communication peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret industriel et commercial et faire ainsi obstacle à cette communication, en application des dispositions du II de l’article 6 de la loi précitée. Il appartient aux juges saisis d’une demande de communication d’en faire l’appréciation. S’agissant en l’espèce d’un marché public d’assurance, il a été jugé que si l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire sont en principe communicables, le bordereau unitaire de prix de l’entreprise attributaire, en ce qu’il reflète la stratégie commerciale de l’entreprise opérant dans un secteur d’activité, n’est quant à lui, en principe, pas communicable.

Conseil d’Etat, 30 mars 2016, N° 375529

Responsabilité pénale}

 Le juge pénal qui déclare un maire coupable de harcèlement moral est-il automatiquement compétent pour condamner aussi l’élu au paiement de dommages-intérêts (22 000 euros en l’espèce) en réparation du préjudice subi par les agents plaignants ?

Non : les juridictions judiciaires doivent caractériser à l’encontre de l’élu (ou de l’agent) poursuivi une faute personnelle détachable du service pour pouvoir le condamner personnellement à indemniser les victimes. En effet :

 les tribunaux répressifs de l’ordre judiciaire sont incompétents pour statuer sur la responsabilité d’une administration ou d’un service public en raison d’un fait dommageable commis par l’un de leurs agents ;

 l’agent d’un service public n’est personnellement responsable des conséquences dommageables de l’acte délictueux qu’il a commis que si celui-ci constitue une faute détachable de ses fonctions.

En l’espèce les juges d’appel, après avoir retenu la responsabilité pénale d’un maire pour harcèlement moral sur plainte de la directrice générale des services recrutée par l’ancienne majorité, l’avaient condamné à verser 22 000 euros de dommages-intérêts sur ses deniers personnels à la plaignante. Mais sans caractériser expressément à l’encontre de l’élu une faute personnelle détachable du service. D’où la censure de la Cour de cassation qui rappelle une nouvelle fois que ces règles de compétence sont d’ordre public et doivent être relevées au besoin d’office par le juge. Ce qui ne veut pas dire pour autant que l’élu ne devra pas assumer financièrement les conséquences civiles de l’infraction. La cour d’appel de renvoi pourra en décider ainsi si elle caractérise contre l’élu une faute personnelle détachable du service. De fait, dans un précédent arrêt, la Cour de cassation a déjà jugé qu’un élu pouvait être déclaré civilement responsable des agissements de harcèlement moral dont il s’était rendu coupable.

Cour de cassation, chambre criminelle, 30 mars 2016, N° 14-87528

Santé et sécurité au travail

 L’état d’ébriété d’un salarié (ou d’un agent), et son refus de porter un harnais de sécurité pour effectuer un travail en hauteur, constituent-t-ils une cause d’exonération de responsabilité de l’employeur (public ou privé) en cas d’accident ?

Non dès lors que la faute de la victime n’est pas la cause exclusive de l’accident. En l’espèce la salarié d’une entreprise privée (la solution serait la même pour un agent d’une collectivité) a été victime d’une chute alors qu’il travaillait en hauteur sur un chantier. Poursuivi pénalement son employeur invoquait un comportement fautif de sa part : un état d’ébriété doublé du refus du port d’un harnais individuel de protection pour ne pas être entravé dans ses mouvements. La Cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir néanmoins retenu la responsabilité pénale de l’employeur dès lors que les constatations faites par les policiers et par l’inspection du travail établissent l’absence de protection tant collectives qu’individuelles des salariés travaillant en hauteur alors que ces équipements sont rendus obligatoires par la réglementation du travail. Ainsi l’absence de respect de ces obligations constitue une faute qualifiée, ayant de manière indirecte, causé les blessures au salarié. Or la faute de la victime ne peut constituer une cause d’exonération de responsabilité pour l’employeur que si elle est la cause exclusive de l’accident (ce qui dans les faits est très rarement le cas car un accident est souvent la conjonction de plusieurs facteurs).

Cour de cassation, chambre criminelle, 30 mars 2016, N° 14-83652

Urbanisme

 La délibération par laquelle un EPCI arrête le dossier définitif d’un projet d’aménagement peut-il faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ?

Non : une telle délibération ne permet en effet pas, par elle-même, la réalisation des opérations d’aménagement, lesquelles ne pourront être engagées qu’à la suite de leur déclaration d’utilité publique ou d’une autre décision de les réaliser. Cette délibération revêt donc le caractère d’une mesure préparatoire, insusceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. Y compris si le requérant se borne à soulever des moyens tirés de vices dans la procédure de concertation ayant précédé l’adoption de la délibération. Il en est de même de la délibération par laquelle le conseil municipal ou l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale se borne à manifester son intention de prendre des mesures permettant de compenser les effets négatifs pour les riverains d’une opération d’aménagement : il s’agit en effet d’une simple déclaration de principe dépourvue par elle-même d’effets juridiques.

Conseil d’État, 30 mars 2016, N° 383037