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Une collectivité territoriale peut financer la rénovation d’un lieu de culte à l’étranger

Conseil d’État, 17 février 2016, N° 368342

Une collectivité territoriale peut-elle au titre de la coopération décentralisée participer financièrement aux travaux de rénovation d’un lieu de culte (ici une basilique) ?

Oui dès lors que l’édifice bien qu’affecté à l’exercice du culte, est aussi un important lieu de rendez-vous pour la population de la ville et un monument historique qui reçoit chaque année de très nombreux visiteurs. Il s’inscrit ainsi dans le patrimoine culturel du pays. Le projet de rénovation d’un tel bâtiment auquel participent plusieurs Etats, collectivités territoriales et entreprises, entre bien dans le champ des conventions de coopération décentralisée de l’article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales. Peu importe que la convention de coopération soit également signée par une association diocésaine. La loi de séparation des églises et de l’Etat ne s’oppose pas à ce qu’une telle action de coopération soit menée, celle-ci n’ayant pas pour objet de salarier ou de subventionner un culte.

En octobre 2010, le conseil régional de la région Rhône-Alpes approuve un projet de convention entre la région, la ville de Saint-Etienne, la wilaya d’Annaba (collectivité territoriale algérienne), la commune d’Annaba et l’association diocésaine d’Algérie, ayant pour objet la restauration de la basilique Saint-Augustin d’Hippone à Annaba (Algérie) et prévoyant la participation de la région au financement des travaux.

Sur recours de l’association de libre pensée, le tribunal administratif de Lyon annule pour excès de pouvoir cette délibération, ce que confirme la cour administrative d’appel de Lyon : la convention approuvée par la délibération attaquée ne pouvait constituer une convention de coopération décentralisée au sens des dispositions de l’article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales, dès lors qu’elle devait être signée non seulement par une autorité locale algérienne, mais aussi par l’association diocésaine d’Algérie, qui assurerait la maîtrise d’ouvrage du projet de restauration.

Une convention de coopération conclue avec une autorité locale étrangère peut également être signée par d’autres personnes, françaises ou étrangères, de droit public ou de droit privé.

Le Conseil d’Etat censure cette position et donne raison à la région : dans le cadre d’actions de coopération ou d’aide au développement, les collectivités peuvent conclure des conventions avec des autorités locales étrangères précisant l’objet des actions envisagées et le montant prévisionnel des engagements financiers. S’il leur est interdit dans ce cadre (sauf pour créer un groupement européen de coopération territoriale) de contracter avec un Etat étranger, "aucune disposition ni aucun principe n’interdisent qu’une convention de coopération conclue avec une autorité locale étrangère soit également signée par d’autres personnes, françaises ou étrangères, de droit public ou de droit privé, y compris par la ou les personnes qui seront chargées de la réalisation du projet qui fait l’objet de l’accord". Peu importe donc qu’en l’espèce l’association diocésaine d’Algérie soit aussi signataire de la convention.

Un édifice cultuel qui s’inscrit dans le patrimoine culturel du bassin méditerranéen

Sur le fond, le Conseil d’Etat considère que la basilique Saint-Augustin d’Hippone d’Annaba, construite en 1881 sur les plans de l’architecte français Joseph Pougnet, "tout en constituant un lieu de culte pour un certain nombre de fidèles de la région (...) est aussi un important lieu de rendez-vous pour la population de la ville et un monument historique qui reçoit chaque année de très nombreux visiteurs". En outre "elle abrite une bibliothèque ouverte à tous et accueille de nombreuses manifestations culturelles".

Bref une nouvelle illustration de la distinction entre le cultuel et le culturel qui avait aussi été avancée dans le cadre du débat sur la légalité de l’installation de crèches de Noël dans des lieux publics.

De fait le Conseil d’Etat poursuit en relevant que la restauration de ce monument " s’inscrit dans le patrimoine culturel du bassin méditerranéen". Ainsi le projet qui associe plusieurs Etats, collectivités territoriales et entreprises [1], entre bien dans le champ des conventions de coopération décentralisée de l’article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales.

Quant aux dispositions de l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des églises et de l’Etat en vertu desquelles " la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ", elles "ne font pas obstacle à ce qu’une telle action de coopération, qui ne peut être regardée comme ayant pour objet de salarier ou de subventionner un culte, soit menée".

Conseil d’État, 17 février 2016, N° 368342

[1Le projet de restauration de ce monument très endommagé, engagé à l’initiative et sous la maîtrise d’ouvrage de l’association diocésaine d’Algérie, propriétaire du bâtiment, et autofinancé à hauteur de 20 %, a recueilli le soutien de nombreuses collectivités publiques algériennes et étrangères, qui assurent 40 % du financement des travaux, notamment de la wilaya d’Annaba, de la commune d’Annaba, de la République française, de la République fédérale d’Allemagne, de la région Rhône-Alpes et de la ville de Saint-Etienne, qui est jumelée avec la ville d’Annaba. En outre de nombreuses entreprises, algériennes et européennes, notamment d’importantes entreprises françaises, contribuent au financement du projet, sous forme de mécénat, à hauteur de 40 % du montant des travaux également. Enfin des entreprises françaises, notamment des entreprises installées dans la région Rhône-Alpes, ont été sollicitées pour la réalisation de certains travaux de restauration ainsi que pour des actions de formation