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La jurisprudence de la semaine du 11 au 15 janvier 2016

Dernière mise à jour le 13/04/2016

Marchés publics et contrats / Santé et sécurité au travail}

Marchés publics

 Une relation amicale entretenue par un agent public (ou un élu) avec un candidat à un marché public peut-elle caractériser une prise illégale d’intérêts en l’absence de toute rupture d’égalité de traitement entre les candidats ?

Oui : une relation amicale peut suffire à éveiller des soupçons de partialité de la décision et doit conduire le fonctionnaire (ou l’élu) intéressé à s’abstenir de toute participation à la procédure de marché public, y compris dans la phase préparatoire. Peu importe que l’égalité de traitement entre les candidats ait été respectée et que l’entreprise attributaire n’ait pas été avantagée. En l’espèce un collaborateur de cabinet d’un maire est reconnu coupable de prise illégale d’intérêts pour avoir rédigé le rapport d’analyse des offres alors qu’il entretenait une relation amicale et professionnelle de longue date avec le gérant de la société attributaire, comme le révélaient notamment leur compte Facebook et leurs échanges téléphoniques réguliers. Pour sa défense, le prévenu objectait qu’un conflit d’intérêts potentiel ne pouvait suffire à caractériser l’infraction dès lors qu’il n’a communiqué aucune information privilégiée au chef d’entreprise et qu’aucune rupture d’égalité de traitement entre les candidats n’a été constatée. La Cour de cassation écarte l’argument et confirme sa condamnation à un an d’emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d’amende : la simple participation de l’intéressé à la préparation de la décision d’attribution du marché public litigieux par la rédaction du rapport d’analyse des offres destiné à éclairer la commission d’appel d’offres (CAO) alors qu’il entretient dans le même temps une relation amicale et professionnelle avec le gérant de cette société suffit à caractériser le délit. Même si elle ne s’y réfère pas expressément la Cour de cassation est dans la droite ligne de la définition du conflit d’intérêts donnée par la loi n° 2013-707 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique et reprise par la loi déontologie des fonctionnaires (non encore promulguée au jour de la rédaction de cet article) : il n’est en effet pas exigé la preuve d’une influence effective d’un intérêt privé sur la décision publique, une apparence de situation de conflit d’intérêts suffisant.

Cour de cassation, chambre criminelle, 13 janvier 2016, N° 14-88382

Santé et sécurité au travail

 La victime d’un accident du travail peut-elle obtenir une indemnisation complémentaire à la réparation forfaitaire auprès d’entreprises tierces (ex : loueur d’un matériel défectueux) coresponsables de l’accident ?

Oui : "la victime d’un accident du travail ou ses ayants droit, en cas de partage de responsabilité de cet accident entre l’employeur et des entreprises tierces, est en droit d’obtenir de ces dernières, dans les conditions du droit commun, la réparation de son entier dommage dans la mesure où celui-ci n’est pas indemnisé par application du livre IV du code de la sécurité sociale". Sauf faute inexcusable de l’employeur, la victime d’un accident du travail ne peut pas obtenir réparation de l’intégralité de ses préjudices en engageant des actions de droit commun contre son employeur. Mais cela ne l’empêche pas de demander réparation des postes de préjudice non pris en charge par la législation sociale auprès de tiers coresponsables du dommage.

En l’espèce un apprenti âgé de 16 ans, employé par une société, a été victime d’un accident du travail du fait de sa chute au sol d’une hauteur de plusieurs mètres. Il a été très grièvement blessé et a subi d’importantes séquelles. La société qui l’employait, chargée du nettoyage du toit et des chéneaux d’une maison, utilisait un échafaudage mis à sa disposition par une société qui l’avait pris en location auprès d’une troisième société. Enfin une autre entreprise avait procédé au montage de cet équipement. Or l’enquête de police, les constatations de l’inspection du travail et le rapport de l’APAVE ont fait apparaître que certaines planches de bois qui composaient l’échafaudage étaient vétustes et dégradées. Le procureur de la République a donc cité les quatre sociétés du chef de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de trois mois, par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement. Les juges d’appel avaient estimé qu’il n’appartenait pas à la juridiction pénale de se prononcer sur le principe même de la responsabilité civile, aucune action en réparation d’un accident du travail ne pouvant être exercée, conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants droit. La Cour de cassation censure cette position, la victime conservant la possibilité d’actionner la responsabilité de tiers pour obtenir une réparation intégrale de son préjudice.

Cour de cassation, chambre criminelle, 12 janvier 2016
N° 14-84442