Le portail juridique des risques
de la vie territoriale & associative

Régime général des obligations > Les modalités de l’obligation > L’obligation conditionnelle

Le rapport présentant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 constitue un véritable petit traité de droit des contrats et des obligations. Pour en faciliter sa lecture, nous l’avons mis en forme.

Retour au sommaire

DU RÉGIME GÉNÉRAL DES OBLIGATIONS

Chapitre Ier « Les modalités de l’obligation »

Section 1 « L’obligation conditionnelle »

Art. 1304.- « L’obligation est conditionnelle lorsqu’elle dépend d’un événement futur et incertain.

La condition est suspensive lorsque son accomplissement rend l’obligation pure et simple.

Elle est résolutoire lorsque son accomplissement entraîne l’anéantissement de l’obligation. »

Art. 1304-1.-« La condition doit être licite. A défaut, l’obligation est nulle.
 »

Art. 1304-2.-« Est nulle l’obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur. Cette nullité ne peut être invoquée lorsque l’obligation a été exécutée en connaissance de cause. »

Art. 1304-3.-« La condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l’accomplissement.

La condition résolutoire est réputée défaillie si son accomplissement a été provoqué par la partie qui y avait intérêt. »

Art. 1304-4.-« Une partie est libre de renoncer à la condition stipulée dans son intérêt exclusif, tant que celle-ci n’est pas accomplie. »

Art. 1304-5.- « Avant que la condition suspensive ne soit accomplie, le débiteur doit s’abstenir de tout acte qui empêcherait la bonne exécution de l’obligation ; le créancier peut accomplir tout acte conservatoire et attaquer les actes du débiteur accomplis en fraude de ses droits.

Ce qui a été payé peut être répété tant que la condition suspensive ne s’est pas accomplie. »

Art. 1304-6.- « L’obligation devient pure et simple à compter de l’accomplissement de la condition suspensive.

Toutefois, les parties peuvent prévoir que l’accomplissement de la condition rétroagira au jour du contrat. La chose, objet de l’obligation, n’en demeure pas moins aux risques du débiteur, qui en conserve l’administration et a droit aux fruits jusqu’à l’accomplissement de la condition.

En cas de défaillance de la condition suspensive, l’obligation est réputée n’avoir jamais existé. »

Art. 1304-7.- « L’accomplissement de la condition résolutoire éteint rétroactivement l’obligation, sans remettre en cause, le cas échéant, les actes conservatoires et d’administration.

« La rétroactivité n’a pas lieu si telle est la convention des parties ou si les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat. »

Titre IV Du régime général des obligations

L’article 3 de l’ordonnance introduit dans le code civil un titre consacré au régime général des obligations. En effet, actuellement, le code ne lui consacre aucune partie. Il ne contient que des dispositions disséminées, de surcroît lacunaires, sur cette question d’une importance pratique considérable. L’ordonnance crée donc un titre IV qui traite en cinq chapitres des modalités de l’obligation, des opérations sur obligations, des actions ouvertes au créancier, de l’extinction des obligations, et des restitutions.

Selon la même logique que celle retenue dans le titre II consacré aux contrats, le plan retenu permet ainsi de traduire au mieux les différentes phases de la vie des obligations : les aménagements dont elles peuvent faire l’objet depuis leur naissance ; la circulation ou les modifications auxquelles elles peuvent donner lieu ; leur protection qui en assurent l’effectivité au créancier ; l’extinction des obligations et enfin les restitutions qu’entraîne leur anéantissement.

Chapitre Ier : Les modalités de l’obligation

Ce chapitre est divisé en trois sections dédiées respectivement à l’obligation conditionnelle, l’obligation à terme et l’obligation plurale.

Section 1 : L’obligation conditionnelle

De multiples dispositions sont aujourd’hui consacrées à l’obligation conditionnelle dans le code civil, dont nombre apparaissent inutiles. La présente ordonnance s’emploie donc à simplifier les règles du code, en supprimant les dispositions tombées en désuétude et en modernisant la rédaction des textes pour faciliter leur compréhension, sans néanmoins remettre en cause les solutions jurisprudentielles acquises.

 L’article 1304 commence ainsi par donner une définition générale de l’obligation conditionnelle, qui s’inspire des textes actuels du code civil et de la doctrine majoritaire, puis définit la condition suspensive et la condition résolutoire. Ainsi, en présence d’une condition suspensive, la naissance de l’obligation est suspendue à l’accomplissement de cette condition : tant que la condition n’est pas réalisée, l’obligation conditionnelle n’existe qu’en germe, seul l’accomplissement de la condition rend l’obligation pure et simple. En présence d’une condition résolutoire, l’obligation naît immédiatement et produit tous ses effets, mais son anéantissement est subordonné à l’accomplissement de la condition. La typologie des conditions qui figure aujourd’hui dans le code civil (condition casuelle, potestative, mixte), dénuée de portée pratique, est en revanche abandonnée.

 L’article 1304-1 reprend les dispositions actuelles du code civil sur l’exigence de licéité de la condition, à peine de nullité de l’obligation. Il abandonne en revanche, à l’instar de droits étrangers, l’exigence de possibilité, superflue, voire inopportune. En effet, si la condition suspensive porte sur une chose impossible, l’obligation qui en dépend ne peut prendre naissance, faute pour la condition de pouvoir se réaliser, et elle n’est donc pas nulle, et à l’inverse, lorsque la condition résolutoire est impossible, la condition ne s’accomplira pas et les effets du contrat ne seront pas remis en cause, sans qu’une nullité de l’obligation ne se justifie.

 Les articles 1304-2 et 1304-3 reprennent les règles du code civil.

  • Le premier traite de la nullité des obligations contractées sous une condition purement potestative de la part du débiteur, qu’il s’agisse d’une condition suspensive ou résolutoire.
  • Le second considère la condition comme réputée accomplie (en cas de condition suspensive) ou défaillie (s’il s’agit d’une condition résolutoire), lorsque son accomplissement a été empêché (condition suspensive) ou provoqué (condition résolutoire) par la partie qui y avait intérêt.

 L’article 1304-4 consacre quant à lui la règle jurisprudentielle selon laquelle la partie dans l’intérêt exclusif de laquelle la condition a été stipulée, peut y renoncer tant que celle-ci n’est pas accomplie. Il en résulte a contrario qu’une renonciation ne peut intervenir après la défaillance de la condition suspensive, ce qui met fin à la controverse doctrinale et aux incertitudes jurisprudentielles sur ce point. L’ordonnance privilégie ici une conception classique et objective de la condition : le contrat est automatiquement anéanti lorsque défaille la condition suspensive, afin d’éviter la remise en question du contrat bien après cette défaillance. Bien sûr, la partie qui avait intérêt à la condition pourra toujours y renoncer après cette défaillance si elle obtient l’accord de son cocontractant.

 L’article 1304-5, précisant les droits et obligations des parties lorsque la condition est pendante, rappelle les droits du créancier prévus par l’actuel article 1180 et complète le code civil en indiquant que le débiteur obligé sous condition suspensive doit s’abstenir de tout acte qui empêcherait la bonne exécution de l’obligation. L’alinéa 2 précise, conformément au droit positif, que l’on peut demander la restitution de ce qui a été payé tant que la condition suspensive ne s’est pas accomplie, ce qui permet de distinguer la condition suspensive du terme (cf. article 1305-2 de l’ordonnance).

 L’article 1304-6 clarifie les effets de la réalisation de la condition suspensive :

  • il ne reprend pas le principe de l’effet rétroactif de la réalisation de la condition suspensive, actuellement prévu dans le code civil et source de complexité, mais prévoit au contraire que l’obligation devient pure et simple à compter de l’accomplissement de la condition, tout en rappelant que cette règle n’a qu’un caractère supplétif. Le caractère rétroactif de la condition suspensive est en effet inutile, puisque cette condition ne produit pas réellement d’effet tant qu’elle est pendante (pendante conditione) : le créancier ne dispose que d’un droit conditionnel et le débiteur se comporte en pratique comme le propriétaire, les risques de la chose demeurant à sa charge comme le rappelle l’alinéa 2.
  • Le dernier alinéa dispose explicitement, ce que ne fait pas le code civil dans sa rédaction actuelle, qu’en cas de défaillance de la condition suspensive, l’obligation est réputée n’avoir jamais existé.

 L’article 1304-7 aborde enfin les effets de l’accomplissement de la condition résolutoire, et opte à l’inverse pour sa rétroactivité, ce qui correspond à l’analyse dominante actuelle, en précisant toutefois qu’il n’affecte pas les actes conservatoires et d’administration.

  • En effet, contrairement à la condition suspensive, la condition résolutoire produit tant qu’elle est pendante les effets d’une obligation pure et simple ; la rétroactivité en cas de réalisation de cette condition permettra donc une annulation des actes passés et des restitutions, pour retrouver la situation où se trouvaient les parties avant la conclusion de l’obligation.
  • Le deuxième alinéa réserve la convention contraire des parties et écarte la rétroactivité si les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat. Cette solution est cohérente avec celle retenue à l’article 1229 relatif aux effets de la résolution du contrat.

Retour au sommaire

L’intégralité du rapport présentant l’ordonnance (source légifrance)