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La jurisprudence de la semaine du 7 au 11 décembre 2015

Dernière mise à jour le 31/05/2016

Ecoles / Fonction publique / Informatique et libertés / Marchés publics et contrats / Pouvoirs de police / Urbanisme

Budget, fiscalité et finances publiques

 Les abattements sur la taxe d’habitation votés par un conseil municipal pour l’année N+1 sont-ils remis en cause, si les pouvoirs budgétaires de la commune sont suspendus pour l’année N ?

Non : l’interdiction faite à l’organe délibérant de se prononcer en matière budgétaire ne concerne que les délibérations ayant une incidence sur le budget de l’année au titre de laquelle la chambre régionale des comptes a été saisie. Il en est de même, pour la décision par laquelle le représentant de l’Etat règle, le cas échéant, ce budget et le rend exécutoire : celui-ci ne peut produire d’effets qu’au titre de l’année en cause. Or une délibération d’une collectivité territoriale instituant les abattements prévus à l’article 1411 du CGI en matière de taxe d’habitation ne saurait s’appliquer à l’année en cours et doit être prise avant le 1er octobre pour être applicable l’année suivante. Ainsi la suspension des pouvoirs budgétaires du conseil municipal ne peut produire d’effets qu’au titre de cette année et ne peut remettre en cause une délibération adoptée cette même année par le conseil municipal et instituant un abattement à la base de la taxe d’habitation.

Conseil d’État, 9 décembre 2015, N° 387630

Ecoles

 Le fait pour une commune de réaliser, après un accident, des travaux de sécurité dans une école primaire constitue-t-il une reconnaissance implicite de responsabilité ?

Non dès lors que :

 l’ouvrage à l’origine de l’accident ne présentait pas, à raison de sa conception et de son état, un caractère dangereux pour les enfants nécessitant la prise de précautions particulières ;

 ni le personnel enseignant, ni la commission de sécurité n’avaient signalé l’existence d’un risque lié à cet équipement.

Lors de la récréation, une jeune enfant âgée de neuf ans, avait été victime d’un accident, son pouce de la main gauche ayant étant écrasé contre le mur par la poignée de la porte vitrée à double battant d’accès à la cour de l’école qui avait été brutalement poussée par l’un des camarades de la victime, alors que celle-ci jouait avec d’autres enfants à pousser et à tirer ladite porte. Les parents recherchaient la responsabilité de la commune lui reprochant l’absence l’absence d’une butée de porte qui a été installée après l’accident. Ils sont déboutés :

 ni les personnels enseignants, ni la commission de sécurité lors de ses visites de l’école, n’ont jamais relevé ni signalé l’existence d’un risque lié à une telle absence ;

 aucun accident n’avait été enregistré auparavant ;

 la circonstance que le directeur de l’école, à la suite de cet accident, a appelé l’attention de la mairie sur la porte en cause, laquelle a été munie, par la suite, d’un " ferme-porte " et d’une butée, n’est pas de nature, à elle seule, à démontrer de manière rétroactive le caractère dangereux de cet ouvrage ;

 la porte en cause était conforme à sa destination et ne présentait pas, à raison de sa conception et de son état, un caractère dangereux pour les enfants nécessitant la prise de précautions particulières.

Ainsi la ville apporte la preuve, qui lui incombe, de l’entretien normal de l’ouvrage public et sa responsabilité ne peut être engagée.

Cour administrative d’appel de PARIS, 7 décembre 2015, N° 14PA05325

Fonction publique

 La délibération d’un conseil de discipline est-elle viciée si le fonctionnaire poursuivi n’a pas été mise à même de prendre la parole en dernier ?

Oui : Les principes généraux du droit disciplinaire impliquent que, lors de l’audience, la personne poursuivie soit mise à même de prendre la parole en dernier. A défaut la délibération du conseil de discipline est irrégulière. Tel est jugé le cas d’une délibération d’une chambre disciplinaire nationale de l’ordre des sages-femmes, la présidente ayant refusé de redonner la parole à une sage-femme avant la mise en délibéré de l’affaire.

Conseil d’État, 7 décembre 2015, N° 376387

 Le personnel d’un syndicat mixte dissous a-t-il droit au maintien des droits acquis en cas de reprise du service par une ou plusieurs collectivités membres ?

Oui : les personnels du syndicat mixte dissous doivent être replacés en position d’activité dans un emploi de même niveau, en tenant compte de leurs droits acquis. Lorsqu’un syndicat mixte régi par l’article L. 5721-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) est dissous, sans que le service pour lequel il avait été constitué ne soit préalablement supprimé, et au cas où ce service est repris par un ou plusieurs membres du syndicat, il appartient à ces derniers, en l’absence de dispositions législatives ou réglementaires spécifiques, de reprendre les agents employés par le syndicat pour la mise en œuvre du service, en fonction de la nouvelle répartition des personnels employés au sein de ce dernier entre les anciens membres du syndicat. Lorsque le service est repris par un seul des membres du syndicat, cette obligation lui incombe en totalité. Ainsi le maire d’une commune qui reprend en totalité le service (en l’espèce une cantine) d’un syndicat mixte dissous ne peut proposer à un agent, qui occupait un emploi à temps complet au sein du syndicat, d’intégrer le personnel communal à temps partiel.

Conseil d’État, 10 décembre 2015, N° 361666

 Un fonctionnaire peut-il être radié des cadres pour abandon de poste pendant un arrêt maladie ?

Oui si l’agent a refusé de se soumettre, sans justification, ni circonstances particulières (liées notamment à la nature de la maladie pour laquelle l’agent a obtenu un congé), à une contre-visite médicale à laquelle il a été régulièrement convoqué. Encore faut-il que l’intéressé ait bien été mis en demeure par courrier de se soumettre à la contre-visite et explicitement informé qu’un refus de sa part l’exposait à une radiation des cadres.

Conseil d’État, 11 décembre 2015, N° 375736

 Un agent public d’une collectivité territoriale licencié peut-il percevoir les allocations de perte involontaire d’emploi bien que son licenciement soit postérieurement annulé par les juridictions administratives ?

Oui : en vertu des articles L. 5422-1 et L. 5422-2 du code du travail, applicables aux agents publics des collectivités territoriales, toute personne privée involontairement d’emploi a droit, dans les conditions définies par ces articles, au versement de l’allocation d’assurance. L’intéressé ne saurait être privé de ce droit au seul motif que la décision prononçant son licenciement a été postérieurement annulée par le juge administratif.

En l’espèce le maire d’une commune avait, avant la fin du stage en vue sa titularisation, licencié une adjointe administrative. Trois ans plus tard l’intéressée avait obtenu l’annulation de son licenciement et sa réintégration dans la commune. La commune avait parallèlement été condamnée à verser à l’agent les allocations d’assurance pour perte involontaire d’emploi. La cour administrative d’appel avait annulé cette condamnation au motif que le licenciement avait depuis été annulé. Le Conseil d’Etat censure cette position : l’agent licencié ne saurait être privé de ses allocations de perte involontaire d’emploi au seul motif que la décision prononçant son licenciement a été postérieurement annulée par le juge administratif.

Conseil d’État, 11 décembre 2015, N° 386441

Informatique et libertés

 La désinstallation d’un logiciel sur un poste de travail peut-elle caractériser le délit de modification frauduleuse de données dans un système de traitement automatisé ?

Oui. Est ainsi condamnée pour modification frauduleuse de données dans un système de traitement automatisé, la collaboratrice d’un cabinet d’avocat qui a volontairement désinstallé "Pack office" d’un poste de travail. La Cour de cassation confirme sa condamnation à six mois d’emprisonnement avec sursis. En revanche, la Cour de cassation désapprouve les juges du fond d’avoir reçu la constitution de partie civile de l’informaticien chargé d’assurer les opérations de maintenance du système informatique altéré : n’étant pas le propriétaire des données atteintes par les agissements de la prévenue , il n’a en effet pas subi un préjudice personnel découlant directement du délit prévu par l’article 323-3 du code pénal.

Cour de cassation, chambre criminelle, 9 décembre 2015, N° 14-87835

Marchés publics et contrats

  Le maître d’ouvrage peut-il rechercher la responsabilité d’un sous-traitant avec lequel il n’a pas de lien contractuel ?

Oui mais uniquement sur un terrain quasi-délictuel et dans le cas où la responsabilité du cocontractant ne pourrait pas être utilement recherchée [1]. Le maitre d’ouvrage peut ainsi mettre en cause, sur le terrain quasi-délictuel, la responsabilité des participants à une opération de construction avec lesquels il n’a pas conclu de contrat de louage d’ouvrage, mais qui sont intervenus sur le fondement d’un contrat conclu avec l’un des constructeurs. Le maître d’ouvrage peut à ce titre invoquer notamment, la violation des règles de l’art ou la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires par le sous-traitant. Deux limites importantes à cette action :

 le maître d’ouvrage ne peut se prévaloir de fautes résultant de la seule inexécution, par les personnes intéressées, de leurs propres obligations contractuelles ;

 alors même qu’il entend se placer sur le terrain quasi-délictuel, le maître d’ouvrage ne peut rechercher la responsabilité de participants à l’opération de construction pour des désordres apparus après la réception de l’ouvrage et qui ne sont pas de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination.

En l’espèce une commune invoquait des désordres dans les travaux de réfection de l’isolation de la couverture du toboggan de la piscine municipale. Son action contre l’entreprise sous-traitante est rejetée dès lors que la commune se bornait à invoquer la méconnaissance du contrat conclu entre ce sous-traitant et l’entrepreneur.

Conseil d’État, 7 décembre 2015, N° 380419

Pouvoirs de police

 Un maire qui, dans le cadre de la police des publicités et enseignes, met en demeure, sous astreinte, une entreprise de supprimer un panneau publicitaire agit-il au nom de la commune ?

Non : il agit alors au nom de l’Etat et ce même si, en cas de liquidation de l’astreinte, le produit de celle-ci est affecté à la commune. Il en résulte notamment que la commune ne peut présenter de conclusions devant les juridictions administratives en cas de contestation, par l’entreprise, des titres exécutoires émis à son encontre. En l’espèce le maire d’une commune avait mis en demeure une EURL de démonter une installation publicitaire de 12 mètres carrés mise en place sur un bâtiment. La société n’ayant pas procédé au retrait du panneau litigieux, le maire avait pris un nouvel arrêté. Sans plus de succès. Le maire avait alors émis un titre exécutoire, pour un montant de 2 918,65 euros, correspondant à la liquidation de l’astreinte. Un contentieux s’en était suivi devant les juridictions administratives. Le Conseil d’Etat reproche aux juges d’appel d’avoir reçu les conclusions de la commune, alors que le maire agissait, dans le cadre de ces pouvoirs, au nom de l’Etat.

Conseil d’État, 9 décembre 2015, N° 386992

Urbanisme

 Faut-il attendre l’achèvement des travaux pour pouvoir poursuivre un pétitionnaire pour violation d’un permis de construire (en l’espèce construction de logements en rez-de-chaussée en zone inondable malgré les prescriptions d’un PPRI) ?

Non : l’achèvement des travaux n’est pas une condition de la poursuite pour construction en violation d’un permis de construire. Une société peut ainsi reconnue coupable d’exécution de travaux non autorisés par un permis de construire sans attendre leur achèvement : compte tenu de l’emplacement du terrain, situé en zone inondable, le rez-de-chaussée ne pouvait prévoir aucun nouveau logement, ceci conformément au plan de prévention des risques d’inondations en vigueur, annexé au plan d’occupation des sols. De fait le permis de construire délivré autorisait uniquement la transformation de locaux d’activités en habitation et la modification de la typologie des logements existants au premier étage de l’immeuble.

Cour de cassation, chambre criminelle, 8 décembre 2015, N° 14-85548

 Une décision implicite de non-opposition à des travaux peut-elle résulter de l’illégalité d’une demande de l’administration au pétitionnaire tendant à la production d’une pièce complémentaire ?

Non : l’illégalité d’une demande de l’administration au pétitionnaire tendant à la production d’une pièce complémentaire qui ne peut être requise est simplement de nature à entacher d’illégalité la décision tacite d’opposition prise en application de l’article R. 423-39 du code de l’urbanisme. Elle ne saurait, en revanche, avoir pour effet de rendre le pétitionnaire titulaire d’une décision implicite de non-opposition.

Conseil d’État, 9 décembre 2015, N° 390273

 Un plan local d’urbanisme peut-il fixer des limitations de puissance des antennes relais de téléphonie mobile sur certaines parties de la commune (ex : à proximité des écoles) pour des raisons de santé publique ?

Non, un plan local d’urbanisme (PLU) ne peut légalement, pour des motifs tirés de la protection du public contre les effets des ondes émises par les antennes relais de téléphonie mobile, réglementer les conditions d’émission de ces antennes à proximité de certains lieux en fixant des seuils maxima d’exposition du public aux champs électromagnétiques qui relèvent de la police spéciale des communications électroniques confiée à l’Etat. En l’espèce, un maire avait prévu dans le PLU de la commune de soumettre l’implantation d’antennes relais dans certains périmètres (secteurs proches des écoles, hôpitaux ou maisons de retraite), à la condition que l’intensité maximale du champ électrique soit inférieure à un certain seuil [2]. Or, les modalités d’implantation des stations radioélectriques sur le territoire national ainsi que les mesures de protection du public contre les effets des ondes qu’elles émettent relèvent d’une police spéciale des communications électroniques confiée à l’Etat. La commune ne peut se prévaloir non plus du principe de précaution [3] qui, s’il est applicable à toute autorité publique dans ses domaines d’attributions, ne saurait avoir ni pour objet, ni pour effet de permettre à une autorité publique d’excéder son champ de compétence et d’intervenir en dehors de ses domaines d’attributions. La société Orange France obtient ainsi l’annulation des dispositions litigieuses du PLU.

Cour administrative d’appel de Versailles, 10 décembre 2015, N° 14VE00726

[1En principe le maître d’ouvrage, qui souhaite obtenir la réparation des conséquences dommageables d’un vice imputable à la conception ou à l’exécution d’un ouvrage, doit agir contre le ou les constructeurs avec lesquels il a conclu un contrat de louage d’ouvrage.

[2Seuil établi en-deçà des limites fixées par le décret n°2002-775 du 3 mai 2002 relatif aux valeurs limites d’exposition du public aux champs électromagnétiques émis par les équipements utilisés dans les réseaux de télécommunication ou par les installations radioélectriques.

[3Tel qu’il résulte de l’article 5 de la Charte de l’environnement à laquelle le Préambule de la Constitution fait référence en vertu de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005.