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La jurisprudence de la semaine du 2 au 6 novembre 2015

Dernière mise à jour le : 5/02/2016

Domaine public / E-réputation / Fonction publique / Pouvoirs de police / Urbanisme

Biens et domaine

 L’appartenance d’une parcelle au domaine public routier communal implique t-elle une affectation aux besoins de la circulation ?

Oui : l’appartenance d’une parcelle au domaine public routier communal implique une affectation aux besoins de la circulation terrestre. L’intention de la commune d’affecter une parcelle communale à l’usage direct du public doit être établie pour que la parcelle puisse être considérée comme affectée à cet usage et appartenant pour ce motif à son domaine public. Ainsi, une parcelle communale située à l’intersection de deux voies communales, dans le prolongement des trottoirs bordant ces voies, sans obstacle majeur à la circulation des piétons, et que des piétons ont pu, de manière occasionnelle, traverser pour accéder aux bâtiments mitoyens, n’est pas affectée à l’usage direct du public s’il ne ressort pas des pièces du dossier que la commune a procédé à une telle affectation. En outre, la configuration des lieux n’autorise pas à déduire que la parcelle litigieuse constitue un accessoire indissociable d’un bien appartenant au domaine public de la commune, au sens des dispositions de l’article L. 2111-2 du code général de la propriété des personnes publiques. Ainsi la parcelle litigieuse ne constitue pas une dépendance du domaine public de la commune mais une dépendance de son domaine privé. Dès lors, la contestation du refus du maire de prendre, à la demande d’un propriétaire riverain, des mesures permettant la conservation et l’entretien de cette parcelle, qui n’affecte ni le périmètre, ni la consistance du domaine privé communal, ne met en cause que des rapports de droit privé et relève donc de la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.

Conseil d’État, 2 novembre 2015, N° 373896

 La prescription acquisitive d’un bien peut-elle être invoquée par un tiers pour rechercher la responsabilité de celui à qui elle profite ?

Non : "seul celui qui revendique la propriété d’une parcelle peut invoquer la prescription acquisitive à son profit". En l’espèce des dommages à une maison d’habitation avaient été causés par la chute de rochers provenant d’une falaise. L’association immobilière propriétaire du fonds situé en recul des rochers cherchaient à s’exonérer de sa responsabilité en invoquant la prescription acquisitive de la falaise au profit de l’Etat sur le fondement des articles 539 et 713 du code civil. La Cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir écarté l’argument.

Cour de cassation, chambre civile 3, 5 novembre 2015, N°14-20845

E-réputation

Peut-on poursuivre le responsable d’un site internet qui met à disposition des internautes un espace d’expression personnelle dans lequel sont publiés des commentaires diffamatoires ?

Oui : le directeur de la publication d’un service de communication en ligne mettant à la disposition du public un espace de contributions personnelles, doit dès qu’il est alerté sur le contenu illicite d’un message, exercer son devoir de surveillance sur ledit commentaire et le retirer promptement. Peu importe que la fonction de modération du site ait été externalisée. Il résulte en effet de l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 que le directeur de publication d’un site mettant à disposition des internautes un espace d’expression personnelle ne peut s’exonérer que si est établi qu’il n’avait pas effectivement connaissance du message avant sa mise en ligne ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il a agi promptement pour retirer ce message.

Cour de cassation, chambre criminelle, 3 novembre 2015, N° 13-82645

Fonction publique

 La décision par laquelle l’autorité administrative, lorsqu’elle liquide le traitement d’un agent, procède à une retenue pour absence de service fait doit-elle être motivée ?

Non. Sauf dans le cas où elle révèlerait par elle-même un refus opposé à une demande tendant à la reconnaissance d’un droit à rémunération malgré l’absence de service fait, la décision par laquelle l’autorité administrative, lorsqu’elle liquide le traitement d’un agent, procède à une retenue pour absence de service fait au titre du 1° de l’article 4 de la loi du 29 juillet 1961 constitue une mesure purement comptable, qui n’a pas le caractère d’une décision refusant un avantage dont l’attribution constitue un droit au sens de l’article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979. Elle n’a donc pas à être motivée.

Conseil d’État, 2 novembre 2015, N° 372377


Pouvoirs de police

 L’obligation faite au maire d’assurer la conservation des chemins ruraux inclut-elle une obligation d’entretien de ces voies ?

Non : "il appartient au maire d’une commune propriétaire d’un chemin rural, de faire usage de son pouvoir de police afin d’assurer à la fois l’usage normal de ces chemins, notamment la libre circulation ainsi que leur conservation, sans toutefois que soit mise à la charge de la commune concernée une obligation d’entretien de ces voies". Soulignons toutefois que lorsque la commune a réalisé par exemple des travaux d’aménagement, de viabilité du chemin, la jurisprudence pourra estimer qu’elle en a accepté l’entretien et la responsabilité de la commune sera alors susceptible d’être recherchée sur le fondement du défaut d’entretien normal.
En l’espèce, le juge relève que le chemin rural était certes dégradé mais en s’appuyant sur les pièces produites, notamment photographiques, il estime que le refus du maire de prendre en urgence une mesure d’interdiction ou de restriction du trafic de véhicules notamment des 4x4 ne saurait être regardé comme entaché d’erreur manifeste d’appréciation.

Cour administrative d’appel de Marseille, 2 novembre 2015, N° 14MA03079

 Une association ayant un ressort national peut-elle attaquer un arrêté municipal interdisant la fouille de poubelles, bien que cette mesure de police n’ait, par définition, qu’une application locale ?

Oui : en principe le fait qu’une décision administrative ait un champ d’application territorial fait obstacle à ce qu’une association ayant un ressort national justifie d’un intérêt lui donnant qualité pour en demander l’annulation. Mais il peut en aller autrement lorsque la décision soulève, en raison de ses implications, notamment dans le domaine des libertés publiques, des questions qui, par leur nature et leur objet, excèdent les seules circonstances locales. C’est ainsi à tort qu’une cour administrative d’appel juge que la Ligue des droits de l’homme n’avait pas d’intérêt à agir contre un arrêté municipal interdisant la fouille des poubelles sur le territoire de la commune concernée. En effet cette mesure de police édictée par l’arrêté attaqué était de nature à affecter de façon spécifique des personnes d’origine étrangère présentes sur le territoire de la commune [1] et présentait, dans la mesure notamment où elle répondait à une situation susceptible d’être rencontrée dans d’autres communes, une portée excédant son seul objet local.

Conseil d’État, 4 novembre 2015, N° 375178


Urbanisme

 Une commune peut-elle exercer son droit préemption pour la construction de logement sociaux alors qu’elle satisfait déjà à ses obligations en la matière ?

Oui. Ainsi un projet de construction de 35 logements sociaux, eu égard à son ampleur et à sa consistance, présente par lui-même le caractère d’une action ou d’une opération d’aménagement répondant aux objets mentionnés à l’article L.300-1 du code de l’urbanisme. Un projet de construction de logements sociaux a, en effet, par nature et pour objet la mise en œuvre d’une politique locale de l’habitat qui justifie l’exercice du droit de préemption urbain. La circonstance que la commune concernée ait déjà atteint les objectifs fixés en termes de logements locatifs sociaux est sans incidence.

Conseil d’État, 2 novembre 2015, N° 374957

[1Et était donc en rapport avec l’objet social de l’association qui a pour but de combattre " l’injustice, l’illégalité, l’arbitraire, l’intolérance, toute forme de racisme et de discrimination (...) et plus généralement toute atteinte au principe fondamental d’égalité entre les êtres humains"