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Hygiène et sécurité dans les collectivités : en finir avec la culture de l’oral.

Cass. crim. 16 mai 2006 n°05-84944

Un consigne donnée oralement à un agent au détour d’un couloir peut-elle valoir transfert de responsabilité pénale en cas d’accident ?

Les faits

Le 5 décembre 1998 un jeune pisteur secouriste employé depuis 15 jours par un syndicat de communes exploitant une station de ski, est chargé d’effectuer, avec un quad, des tournées de surveillance des canons à neige.
Dans la soirée, ses proches, ne le voyant pas rentrer, donnent l’alerte. Il est retrouvé quelques heures plus tard, sans vie, sous le véhicule renversé.
Selon les constatations médicales, la mort résulte tant de ses blessures que de l’immobilisation dans le froid.
Le syndicat de communes, personne morale, le président de celui-ci, le directeur d’exploitation, et le responsable des canons à neige sont poursuivis pour homicide involontaire.


La procédure et les peines prononcées

Le 5 août 2004, soit 6 ans après les faits, le tribunal correctionnel déclare les prévenus coupables des faits qui leur sont reprochés et les condamne solidairement à verser plus de 55 000 euros de dommages-intérêts.

Les prévenus sont condamnés à :

 6 mois d’emprisonnement avec sursis et 800 euros d’amende pour le responsable des canons à neige

 1 an d’emprisonnement avec sursis et 2 500 euros d’amende pour le président du syndicat intercommunal.

 8 mois d’emprisonnement avec sursis et 1 500 euros d’amende pour le directeur d’exploitation

 7 500 euros d’amende pour le syndicat de communes, personne morale.

La Cour d’appel de Chambéry (7 juillet 2005) confirme le jugement du tribunal correctionnel concernant la culpabilité du président de la structure intercommunale, du responsable des canons à neige et du syndicat mais relaxe le directeur d’exploitation, ce qu’approuve la Cour de cassation dans son arrêt du 16 mai 2006.


Les constatations de l’enquête

 La victime, titulaire du diplôme de pisteur secouriste de premier degré, et tout juste âgé de 20 ans, avait pour mission de contrôler en quad les canons à neige. Il avait reçu la consigne de s’équiper d’un émetteur-récepteur radio de type PTI qui émet un signal de détresse sur les récepteurs de la station lorsque son titulaire reste en position horizontale plus d’une minute. Lorsque la victime a été découverte, l’appareil émettait encore des signaux mais sa batterie était faible. L’expert a conclu à son bon fonctionnement sous réserve que les récepteurs des signaux d’alerte soient réglés sur le même canal, que sa batterie soit suffisamment chargée et qu’il soit positionné avec une horizontalité suffisante.

 Le quad mis en circulation en 1996 était en bon état. Les enquêteurs relèvent en revanche que son usage, potentiellement dangereux, nécessite une bonne formation.
Outre qu’il n’était pas adapté à une circulation sur le domaine skiable, il avait été équipé d’un coffre volumineux de bois installé sur le porte-bagages le rendant moins maniable. Le manuel d’utilisation qui contenait des mises en garde portant notamment sur le port du casque obligatoire, sur les règles à respecter en terrain pentu, et sur la formation nécessaire à son maniement, était rédigé en langue anglaise. Enfin, alors que le quad était utilisé par l’ensemble du personnel et qu’il se renversait fréquemment, aucun des utilisateurs n’avait reçu de formation, n’avait consulté le mode d’emploi, ou n’avait été informé de la nécessité de porter un casque et des dangers liés à son utilisation.

 Le syndicat intercommunal n’avait pas désigné, comme il en avait l’obligation, d’agent chargé des fonctions d’inspection (ACFI). Il n’avait pas évalué les risques (document unique) et n’avait pas assuré à son personnel une formation pratique à la sécurité et à la santé.


Les motifs de relaxe du directeur d’exploitation

Bien que n’ayant aucune délégation en matière de sécurité, le directeur d’exploitation, particulièrement attentif aux questions de sécurité et conscient des risques auxquels étaient exposés les agents évoluant sur le domaine skiable, avait mis en place un plan de prévention sécurité et une veille radio avec système PTI.

Il assurait une permanence radio 24 heures sur 24 et disposait d’un équipement radio qui, même à l’état de veille, se déclenchait en cas de signal de détresse.
Le jour de l’accident, il avait dû s’absenter de la station. “Au détour d’un couloir”, il informait le responsable des canons à neige et un autre agent de son absence en leur demandant de le remplacer sans leur remettre pour autant son récepteur plus performant.

Ces derniers ne s’opposèrent pas à cette demande mais sous-estimèrent les responsabilités qui en résultaient puisque l’un des agents quittait la station pour des raisons personnelles, et l’autre ne prenait pas la peine de s’équiper d’un récepteur. C’est d’ailleurs pourquoi le tribunal correctionnel avait condamné le directeur d’exploitation.
Telle n’a pas été l’analyse des magistrats de la Cour d’appel approuvés par ceux de la Cour de cassation : à leurs yeux le fait pour le directeur d’exploitation de ne pas avoir été plus précis dans ses instructions et de ne pas avoir confié son propre poste radio plus facile d’accès ne constitue pas une faute qualifiée au sens de la loi du 10 juillet 2000.