Un canoéiste qui se noie en aidant un membre du groupe en difficulté à récupérer son matériel est-il considéré comme collaborateur du service public engageant la responsabilité sans faute de la collectivité ?
Non, la théorie du collaborateur occasionnel du service public ne peut être invoquée s’agissant de secours aux biens, ne présentant par ailleurs aucun caractère d’urgence ou de nécessité. En l’espèce, l’intervention de la victime avait pour but non de sauver son ami de la noyade, mais de récupérer le canoë de location de ce dernier pris dans les remous. La responsabilité sans faute de la commune ne peut être reconnue, ni même celle de l’Etat ou du syndicat intercommunal en charge de l’entretien et de l’exploitation du domaine fluvial. L’accident ne peut être imputable qu’à la faute d’imprudence de la victime qui avait par ailleurs été informée des consignes de sécurité et des dangers du lieu.
Un groupe d’amis effectue une sortie en canoë-kayak sur le Cher. Arrivés devant une écluse, l’un d’entre eux décide de la franchir en empruntant le déversoir du barrage malgré la signalisation indiquant le danger et les consignes reçues par le club lors de la location du matériel. Happé par les remous, il réussit néanmoins à se dégager et décide de se rendre de nouveau vers le déversoir pour dégager son canoë-kayak, aidé par un autre membre du groupe. Happés par les remous, ils se noient tous les deux.
La famille de la victime ayant porté secours à son ami recherche la responsabilité sans faute de la commune, de l’Etat et du syndicat intercommunal chargé de l’entretien et de l’exploitation du domaine fluvial, sur le fondement de la théorie du collaborateur occasionnel du service public.
La demande est rejetée. Les juges estiment en effet que la victime est allée aider son ami, qui avait réussi à s’extraire des remous du déversoir, non pas pour le sauver de la noyade, mais pour récupérer le canoë-kayak bloqué dans le déversoir. Cette intervention, qui ne consistait pas à secourir une personne, ne présentait donc aucune urgence ni nécessité et n’avait pas été requise par les autorités. La théorie du collaborateur occasionnel du service public ne peut s’appliquer.
L’accident n’est dû qu’à l’imprudence des victimes qui ont décidé de franchir l’écluse malgré la signalisation indiquant le danger et les consignes de sécurité reçues au moment de la location du matériel par la direction du club.
A noter que les ayants-droits ont tenté deux actions en responsabilité. La première contre la commune où se situe le barrage [1], la seconde contre la commune où se situe l’écluse [2]. Les deux actions, fondées sur le même axe de défense, sont rejetées.
Les juges d’appel confirment le jugement de première instance en refusant de reconnaître la qualité de collaborateur du service public aux victimes dont l’intervention n’était pas motivée par l’urgente nécessité de porter secours à une personne en détresse, mais par leur intérêt propre tenant à la récupération du bien loué.
Tribunal administratif d’Orléans, 29 janvier 2015, N° 1403359Tribunal administratif d’Orléans, 17 avril 2014, N° 1302810
Cour administrative d’appel de Nantes, 18 février 2016, N° 14NT01505