Le portail juridique des risques
de la vie territoriale & associative

La jurisprudence de la semaine du 16 au 20 février 2015

Elections / Environnement / Fiscalité locale / Fonction publique territoriale / Hygiène et sécurité au travail / Voirie

(dernière mise à jour le 19/05/2015)

Assurances

 Un port non correct du casque (mal attaché) est-il de nature à limiter le droit à indemnité d’un motard victime d’un refus de priorité ?

Oui : il résulte de l’article 4 de la loi du 25 juillet 1985 que la faute commise par le conducteur a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages qu’il a subis. Des juges ne peuvent ainsi écarter la demande de partage de responsabilité soulevée par un automobiliste qui a refusé la priorité à un motard dont le casque n’était pas correctement attaché, sans vérifier si le comportement de la victime n’avait pas pu contribuer à la réalisation de son propre dommage.

Cour de cassation, chambre criminelle, 24 février 2015,
N°14-82350

Elections

 Le directeur d’un établissement public foncier local composé de collectivités territoriales (région, département, communes, EPCI) est-il éligible dans une commune relevant de sa compétence ?

Oui dès lors que cet établissement public industriel et commercial (EPIC) n’est pas assimilable à un établissement public dépendant seulement de collectivités ou établissements mentionnés par les dispositions du 8° de l’article L. 231 du code électoral ou commun à ces seuls collectivités ou établissements. Doivent être seulement regardés comme dépendant de ces collectivités ou établissements ou comme communs à plusieurs collectivités, pour l’application de ces dispositions d’interprétation stricte, les établissements publics créés par ces seuls collectivités ou établissements ou à leur demande. En revanche, il ne ressort pas de ces dispositions que l’inéligibilité qu’elles prévoient s’étende aux personnes exerçant les fonctions qu’elles mentionnent dans d’autres établissements publics que ceux qui dépendent d’une ou plusieurs des collectivités et établissements qu’elles citent ou sont communs à plusieurs de ces collectivités.

Conseil d’État, 17 février 2015, N° 383073

 Le fait pour un maire nouvellement élu de démissionner avant même la première réunion du conseil municipal est-il nécessairement révélateur d’une manœuvre destinée à tromper les électeurs ?

Non et ce même si l’intéressé avait fait part à ses colistiers de sa possible démission en cas d’élection en raison de difficultés personnelles. Si la présence de cette personnalité politique locale à la tête de la liste ayant remporté les élections a influé de façon significative sur le résultat du scrutin, il ne résulte en effet pas de l’instruction que le comportement de l’intéressé, notamment le silence qu’il a gardé vis-à-vis des électeurs sur les difficultés personnelles qui l’ont finalement conduit à démissionner, ait été, dans les circonstances de l’espèce, constitutif d’une manœuvre.

Conseil d’État, 17 février 2015, N° 383393

 Une demande d’annulation de bulletins de vote d’une liste arrivée en troisième position peut-elle conduire à l’annulation de l’ensemble du scrutin bien que celle-ci n’ait pas été sollicitée ?

Oui : dès lors que l’irrégularité commise est de nature à avoir altéré la sincérité du scrutin, il appartient au tribunal administratif de prononcer l’annulation de l’ensemble des opérations électorales quand bien même une telle annulation n’aurait pas été demandée par les protestataires. Doivent être ainsi annulées les opérations électorales dès lors que les bulletins de vote obtenues par une liste arrivée en troisième position ne contenaient pas la mention de la nationalité espagnole d’une colistière. Ironie de l’histoire, c’est le maire issu de l’élection qui a intenté un recours pour obtenir une majorité plus confortable. Mal lui en a pris...

Conseil d’État, 20 février 2015, N° 385408

Environnement

 Les juridictions judiciaires sont-elles compétentes pour condamner l’exploitant de droit privé d’une installation classée (ICPE) à dépolluer un terrain appartenant à un particulier ?

Oui : les juridictions de l’ordre judiciaire ont compétence pour se prononcer sur l’action en responsabilité exercée par le propriétaire privé d’un terrain, sur lequel une installation classée pour la protection de l’environnement est implantée, contre l’exploitant de droit privé de cette installation et qui tend à obtenir l’exécution, en nature ou par équivalent, de l’obligation légale de remise en état du site pesant sur ce dernier. Peu importe que l’administration, qui est en charge de la police des installations classées, contrôle de telles opérations, dont le contentieux est de la compétence exclusive de la juridiction administrative.

Cour de cassation, chambre civile 1, 18 février 2015, N° 13-28488

Fiscalité

 Un immeuble en cours de reconstruction et qui nécessite des travaux partiels de démolition est-il assujetti à la taxe foncière sur les propriétés bâties ?

Non dès lors que les travaux affectent le gros œuvre de l’immeuble d’une manière telle qu’elle le rend dans son ensemble impropre à toute utilisation. Il ne peut plus être considéré, jusqu’à l’achèvement de ces travaux, comme une propriété bâtie assujettie à la taxe foncière en application de l’article 1380 du code général des impôts mais doit être assujetti à la taxe foncière sur les propriétés non bâties en application de l’article 1393 du même code.

Conseil d’État, 16 février 2015, N° 369862

 Une personne morale de droit public (ici un EPCI) qui procède à des travaux de reconstruction d’un bâtiment désaffecté peut-elle être assujettie à la taxe foncière sur les propriétés bâties avant l’achèvement complet des travaux et bien que les locaux ne puissent pas encore être utilisés conformément à leur destination finale ?

Oui : un immeuble non destiné à l’habitation doit être considéré comme achevé, pour l’application de l’article 1383 du code général des impôts, lorsque l’état d’avancement des travaux, notamment en ce qui concerne le gros œuvre et les raccordements aux réseaux, permet son utilisation pour des activités industrielles ou commerciales. En l’espèce une communauté d’agglomération avait engagé des travaux de rénovation d’un hôpital psychiatrique désaffecté. Les travaux de gros œuvre ainsi que les façades, toitures et huisseries étaient achevés, les raccordements au réseau d’eau potable et au réseau d’assainissement étaient réalisés et l’électricité avait été amenée en limite extérieure des bâtiments. Si les bâtiments n’étaient pas aménagés de manière définitive, en l’absence de locataire désireux de s’implanter sur le site et si, en conséquence, ils n’étaient pas encore dans un état permettant leur utilisation aux fins auxquelles les destinait la communauté d’agglomération, ils pouvaient cependant être utilisés comme dépôt commercial, catégorie au titre de laquelle ils ont été imposés à la taxe foncière.

Conseil d’État, 16 février 2015, N° 371476

Fonction publique territoriale

  Le juge de l’excès de pouvoir doit-il sur demande d’une commune contrôler la proportionnalité de la sanction proposée par un conseil de discipline de recours statuant sur la requête d’un fonctionnaire territorial contestant sa révocation ?

Oui : il appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. Il lui appartient également de rechercher si la sanction proposée par un conseil de discipline de recours statuant sur le recours d’un fonctionnaire territorial est proportionnée à la gravité des fautes qui lui sont reprochées. Une cour administrative d’appel ne peut ainsi se borner à rechercher si le conseil de discipline de recours n’avait pas entaché sa décision d’erreur manifeste d’appréciation (en proposant de substituer une sanction d’exclusion temporaire de six mois à la sanction de révocation retenue par le maire) mais doit exercer un contrôle de proportionnalité de la mesure proposée. On peut déduire implicitement de cet arrêt que le contrôle de la proportionnalité de la sanction s’exerce dans les deux sens et peut sanctionner non seulement un excès de sévérité mais également un trop grand laxisme.

Conseil d’État, 16 février 2015, N° 369831

 Une collectivité peut-elle transformer un poste d’ingénieur territorial en poste d’attaché territorial ?

Oui, à condition que la collectivité ait fait voter en conseil municipal la suppression dudit poste et la création de l’autre, et ce, aux termes de l’article 34 de la loi du 26 janvier 1984. Par ailleurs, la suppression d’un poste doit être précédée de l’avis du comité technique paritaire (article 97 de la loi précitée). En l’espèce, un technicien territorial est promu sur un emploi d’attaché territorial issu de la transformation d’un emploi d’ingénieur territorial devenu vacant suite à un départ en retraite. Le conseil municipal, qui devait se prononcer tant sur la suppression de l’emploi de la filière technique que sur la création d’un emploi de la filière administrative, n’a pas été sollicité, de même que le comité technique paritaire. La collectivité voit ainsi son arrêté de nomination annulé par les juges pour excès de pouvoir.

Tribunal administratif de Pau, 20 février 2015, N° 1300045

Hygiène et sécurité au travail

 L’employeur est-il personnellement tenu de vérifier la stricte et constante application des dispositions réglementaires destinées à assurer la sécurité de ses salariés (ou de ses agents) ?

Oui sauf s’il démontre avoir délégué de manière certaine et non ambigüe ses pouvoirs à une personne investie par lui et pourvue de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires pour veiller efficacement au respect des consignes de sécurité sur le chantier. L’employeur ne peut invoquer une faute de la victime pour s’exonérer que s’il rapporte la preuve que cette faute est la cause unique et exclusive de l’accident. Un gérant d’entreprise est ainsi déclarée pénalement responsable de la chute mortelle d’un salarié chargé de la réfection d’une toiture : en l’absence de points d’ancrage en nombre suffisant pour arrimer les systèmes de protection individuelle des ouvriers présents sur la toiture, il appartenait à l’employeur, chargé de veiller personnellement à la stricte et constante application des dispositions réglementaires destinées à assurer la sécurité de ses salariés, de prévoir un dispositif de protection contre les risques de chute de hauteur, un tel manquement ayant contribué à la réalisation du dommage.

Cour de cassation, chambre criminelle, 17 février 2015, N° 14-80422

Voirie

 Les recettes tirées par une commune de l’exploitation de parkings payants sont-elles assujetties à la TVA même si le stationnement sur ces parkings trouve son origine directe dans les mesures de police édictées sur le reste du territoire de la commune ?

Oui : la location d’emplacements destinés au stationnement des véhicules est une activité à raison de laquelle les autorités publiques peuvent être assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu’elle est accomplie hors du cadre du régime juridique propre aux organismes de droit public. Ce n’est que lorsque les collectivités font usage de prérogatives de puissance publique (telles que celles consistant à autoriser ou à limiter le stationnement sur une voie ouverte à la circulation publique, à sanctionner par une amende le dépassement du temps de stationnement autorisé ou encore à rendre obligatoire le stationnement sur les emplacements payants) qu’elles ne sont pas assujetties à la TVA.

Mais la seule mise en œuvre, par la collectivité publique, de ses pouvoirs généraux de police pour la réglementation du stationnement sur d’autres parties du territoire de la commune que les espaces de stationnement payant ne suffit pas à lui faire bénéficier du régime dérogatoire. Et ce y compris lorsque le stationnement sur ces derniers trouve son origine directe dans les mesures de police ainsi édictées.

Doit être ainsi assujettie à la TVA une commune qui exploite
trois parkings situés sur son territoire mais en dehors de la voie publique, spécialement aménagés pour le stationnement des véhicules. En effet l’usage de chaque emplacement n’est pas limité dans le temps et ne donne pas lieu à amende en cas de non respect des conditions d’usage. Peu importe que le stationnement sur les parkings payants trouve son origine directe dans les mesures de police édictées sur le reste du territoire de la commune.

Conseil d’État, 16 février 2015, N° 364793

 Des plantations situées sur l’accotement d’une route départementale et périodiquement entretenues par la commune peuvent-elles engager la responsabilité de cette dernière en cas d’accident ?

Non. En vertu des dispositions de l’article L.131-3 du code de la voirie routière, il appartient au département de veiller à l’entretien normal de son domaine routier, et en particulier des accotements sur lesquels sont implantés des massifs de plantes, et ce, même si la commune procède périodiquement à cet entretien. En l’espèce, la commune avait été condamnée, en première instance, à indemniser l’assureur de la conductrice à l’origine de l’accident, sur le fondement du défaut d’entretien normal de l’ouvrage. Les juges d’appel annulent ce jugement rappelant que l’entretien de telles plantations incombe au département. Toutefois, la responsabilité du département n’est pas reconnue car ce massif, même s’il exigeait une vigilance accrue de la part des conducteurs, ne pouvait, eu égard à sa taille, être regardé comme constituant un défaut d’entretien normal de l’ouvrage public.

Cour administrative d’appel de Nantes, 19 février 2015, N° 13NT02983


 [1]

[1Photo : © Treenabeena