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La jurisprudence de la semaine du 5 au 11 janvier 2015

Pouvoirs de police / Hygiène et sécurité au travail / Responsabilités

(Dernière mise à jour le 20/02/2015)

Pouvoirs de police

 Une commune peut-elle être tenue responsable de la dégradation des résultats d’une exploitation agricole du fait de dommages causés par les gens du voyage installés irrégulièrement sur un terrain riverain ?

Oui estiment en l’espèce les juges reprochant au maire un usage tardif et insuffisant de ses pouvoirs de police pour mettre fin aux troubles causés par les allées et venues, sur de nombreuses années, de gens du voyage stationnés illégalement sur le terrain de sport communal et riverain de l’exploitation agricole. Peu importe que la commune ait installé des obstacles préventifs, sollicité de nombreuses expulsions et mesures de surveillance et aménagé un chemin de contournement de la propriété... L’exploitation agricole, en l’espèce une pépinière se livrant à des expérimentations d’arbres fruitiers, a subi de nombreuses dégradations (pillage de fruits, destruction des systèmes d’irrigation, présence de déjections faisant obstacle à la visite par la clientèle...) rendant impossible l’entretien normal du verger et les traitements phytosanitaires conduisant à sa contamination par un virus. La cour administrative d’appel de Lyon confirme ainsi la responsabilité de la commune retenant que la carence du maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police a fait perdre à l’entreprise une chance sérieuse d’améliorer ses résultats en tirant des ressources de l’exploitation de nouvelles variétés.

Cour administrative d’appel de Lyon, 8 janvier 2015, n° 14LY00942


Hygiène et sécurité au travail

L’employeur peut-il être tenu pénalement responsable de l’accident d’un salarié au cours de travaux à proximité d’une ligne électrique bien que la victime ait commis une imprudence en plaçant le bras de la grue qu’il manœuvrait dans l’aplomb de la ligne ?

Oui : l’absence de prise en compte du risque constitué par l’existence des lignes électriques, lequel aurait dû conduire à une déclaration d’intention de commencement de travaux en vue d’une coupure temporaire du réseau ERDF, constitue une violation majeure par l’employeur de son obligation de sécurité envers son salarié. L’imprudence commise par la victime en se plaçant à l’aplomb d’une ligne électrique pour opérer une manœuvre du bras de la grue, n’a été rendue possible que par le propre manquement de l’employeur à son obligation particulière de sécurité et ne saurait être constitutive d’une faute exclusive à l’origine de son décès.

Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 6 janvier 2015, N° 13-80268

 L’employeur qui expose ses salariés à un risque pour leur sécurité peut-il être déclaré coupable de mise en danger délibérée de la vie d’autrui en l’absence même d’accident corporel grave ?

Oui dès lors que l’employeur a violé de façon manifestement délibérée une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement et exposant ses salariés à un risque immédiat de mort, de mutilation ou d’infirmité permanente. Il n’est pas nécessaire pour la caractérisation de l’infraction qu’un accident corporel grave ait eu lieu. Il appartient en effet au juge de se prononcer non pas au regard des conséquences effectives du manquement de l’employeur mais en évaluant ses conséquences potentielles. En l’espèce le salarié d’une entreprise privée qui venait de laver un flacon ayant contenu de l’hydrogène sulfuré, a été pris d’un malaise, ayant entraîné un jour d’incapacité totale de travail, causé par l’inhalation de ce produit, dont le débit insuffisant du dispositif de ventilation équipant son local de travail n’avait pas permis la complète évacuation. Poursuivie pour mise en danger d’autrui, en raison de l’inobservation des prescriptions des articles R. 4222-20, R. 4222-22 et R. 4412-39 du code du travail, la société sollicitait sa relaxe, au motif que, nonobstant cette inobservation, son salarié n’avait pas été exposé à un risque immédiat de mort, de mutilation ou d’infirmité permanente, et qu’à supposer même un tel risque établi, l’existence d’un lien de causalité, direct et immédiat, entre celui-ci et la violation de l’obligation particulière de prudence ou de sécurité lui étant reprochée n’était pas établie. La Cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir condamné l’entreprise à 15 000 euros d’amende, estimant établie l’exposition d’autrui à un risque de mort, de mutilation ou d’infirmité permanente, en relation directe et immédiate avec la violation, manifestement délibérée et non contestée, des dispositions du code du travail visées à la prévention.
Cette solution est naturellement transposable aux collectivités territoriales en cas de manquement délibéré à la sécurité de leurs agents.

Cour de cassation, chambre criminelle, 7 janvier 2015, N° 12-86653


Responsabilité

 Diffamation publique : l’aggravation de la peine encoure liée à la qualité de fonctionnaire de la personne visée s’applique-t-elle indistinctement à tous les agents publics ?

Non : seuls sont protégés par l’article 31 de la loi du 29 juillet 1881 ceux qui accomplissent une mission d’intérêt général en exerçant des prérogatives de puissance publique. En outre la protection n’est applicable que lorsque les propos poursuivis contiennent la critique d’actes de la fonction ou d’abus de la fonction, ou encore établissent que la qualité ou la fonction de la personne visée a été soit le moyen d’accomplir le fait imputé, soit son support nécessaire.

Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 6 janvier 2015, N° 13-86330


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[1Photo : © Treenabeena