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Prise illégale d’intérêts : pas de prescription pour les ingérences clandestines

Cour de cassation, chambre criminelle, 16 décembre 2014, N° 14-82939

Un élu local ou un fonctionnaire territorial peut-il être poursuivi du chef de prise illégale d’intérêts pour des ingérences remontant à plus de trois ans et alors même qu’il n’est plus en fonction ?

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Oui si les faits qui lui sont reprochés ont été commis clandestinement et qu’il ont été découverts tardivement. En effet "si le délit de prise illégale d’intérêts se prescrit à compter du jour où la participation a pris fin, le délai de prescription de l’action publique ne commence à courir, en cas de dissimulation destinée à empêcher la connaissance de l’infraction, qu’à partir du jour où celle-ci est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant l’exercice des poursuites". Appliquée ici à un professeur d’université ayant fourni des prestations de conseil rémunérées à un groupe pharmaceutique alors qu’il était dans le même temps président de la commission d’autorisation de mise sur le marché de l’Agence française de sécurité sanitaire du médicament, cette jurisprudence est naturellement transposable aux élus locaux et aux fonctionnaires territoriaux : quand bien même ceux-ci ne seraient plus en fonction, ils peuvent être rattrapés par leur passé s’ils se sont rendus coupables d’actes irréguliers qui ont été dissimulés ou accomplis de manière occulte.

En 2011 un praticien hospitalier, professeur d’université, est mis en examen pour prise illégale d’intérêts. Il lui est reproché d’avoir fourni des prestations de conseil rémunérées, de 2004 à 2006, au bénéfice d’un groupe pharmaceutique alors que, jusqu’en 2003, il était, en sa qualité de président de la commission d’autorisation de mise sur le marché de l’Agence française de sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, chargé d’assurer la surveillance et le contrôle et d’exprimer un avis sur les opérations effectuées par les laboratoires pharmaceutiques. Sa rémunération lui était rétrocédée par une société de consultants dirigée par son épouse, qui établissait des factures à une société filiale du groupe pharmaceutique bénéficiaire des prestations...

Plus de trois ans s’étant écoulés entre les faits délictueux et les poursuites, il invoque la prescription pour échapper aux poursuites.

L’occasion pour la Cour de cassation d’appliquer sa jurisprudence élaborée initialement en matière d’abus de biens sociaux et qu’elle a depuis décliné notamment pour la répression du délit de favoritisme [2] :

"si le délit de prise illégale d’intérêts se prescrit à compter du jour où la participation a pris fin, le délai de prescription de l’action publique ne commence à courir, en cas de dissimulation destinée à empêcher la connaissance de l’infraction, qu’à partir du jour où celle-ci est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant l’exercice des poursuites".

Autrement dit, lorsque les faits sont clandestins, le délai de prescription ne commence à courir qu’à partir du jour où ils ont été découverts, notamment à l’occasion d’une plainte ou d’une dénonciation. Inutile donc de trop compter sur le temps qui passe.

Cette jurisprudence est naturellement transposable aux élus locaux et aux fonctionnaires territoriaux : quand bien même ceux-ci ne seraient plus en fonction, ils peuvent être rattrapés par leur passé s’ils se sont rendus coupables d’actes irréguliers qui ont été dissimulés ou accomplis de manière occulte.

Cour de cassation, chambre criminelle, 16 décembre 2014, N° 14-82939

[1Photo : © Pulsar75

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