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Les trois conditions dans lesquelles une collectivité peut candidater à un marché public lancé par une autre personne publique

Conseil d’État, 30 décembre 2014, N° 355563

Une collectivité peut-elle soumissionner à un marché public lancé par une autre personne publique dans le but notamment d’amortir des équipements ?

Oui sous réserve qu’une telle candidature :

1° réponde à un intérêt public local, c’est-à-dire constitue le prolongement d’une mission de service public dont la collectivité ou l’établissement public de coopération a la charge. Tel peut-être le cas si le but est notamment d’amortir des équipements, de valoriser les moyens dont dispose le service ou d’assurer son équilibre financier ;

2° ne compromette pas l’exercice de cette mission de service public ;

3° ne fausse pas les conditions de la concurrence. En particulier le prix proposé par la collectivité territoriale ou l’établissement public de coopération doit être déterminé en prenant en compte l’ensemble des coûts directs et indirects concourant à sa formation.

En 2006 le département de la Vendée lance une procédure de passation d’un marché public portant sur le dragage de l’estuaire du Lay. Ce marché est attribué au département de la Charente-Maritime.

La société Armor SNC conteste la décision de la commission d’appel d’offres, objectant qu’une collectivité territoriale ne pouvait ainsi légalement déposer une offre dans le cadre d’un marché public exécuté en dehors de ses limites territoriales sans se prévaloir d’un intérêt public local. L’entreprise requérante est déboutée en première instance et en appel.

Son pourvoi offre l’occasion au Conseil d’Etat de rappeler les conditions dans lesquelles une collectivité peut soumissionner à un marché public lancé par une autre collectivité :

si aucun principe ni aucun texte ne fait obstacle à ce que des collectivités ou leurs établissements publics de coopération se portent candidats à l’attribution d’un contrat de commande publique pour répondre aux besoins d’une autre personne publique, encore faut-il qu’une telle candidature réponde à un intérêt public local, c’est-à-dire "constitue le prolongement d’une mission de service public dont la collectivité ou l’établissement public de coopération a la charge, dans le but notamment d’amortir des équipements, de valoriser les moyens dont dispose le service ou d’assurer son équilibre financier, et sous réserve qu’elle ne compromette pas l’exercice de cette mission".

En outre, une fois admise dans son principe, cette candidature ne doit pas fausser les conditions de la concurrence. En particulier, "le prix proposé par la collectivité territoriale ou l’établissement public de coopération doit être déterminé en prenant en compte l’ensemble des coûts directs et indirects concourant à sa formation, sans que la collectivité publique bénéficie, pour le déterminer, d’un avantage découlant des ressources ou des moyens qui lui sont attribués au titre de ses missions de service public et à condition qu’elle puisse, si nécessaire, en justifier par ses documents comptables ou tout autre moyen d’information approprié" [1].

Ainsi en l’espèce, les juges d’appel ne pouvaient valider l’attribution du marché sans vérifier que la candidature du département constituait bien le prolongement de l’une de ses missions de service public. Il appartiendra à la cour administrative d’appel de renvoi de se prononcer au regard des principes rappelés par le Conseil d’Etat.

Conseil d’État, 30 décembre 2014, N° 355563


 [2]

[1Ces règles s’appliquent sans préjudice des coopérations que les personnes publiques peuvent organiser entre elles, dans le cadre de relations distinctes de celles d’opérateurs intervenant sur un marché concurrentiel

[2Photo : © Ludovic Péron