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Dégâts collatéraux lors d’opérations de lutte contre l’incendie : le SDIS et la commune systématiquement coresponsables ?

Cour administrative d’appel de Marseille, 10 octobre 2014, N° 12MA02492

La victime de dégâts collatéraux causés par des opérations de lutte contre l’incendie peut-elle rechercher la responsabilité du SDIS sans mise en cause préalable de la commune du lieu où est subi le dommage ?

Oui : si les communes sont civilement responsables des dommages qui résultent de l’exercice des attributions de police municipale, quel que soit le statut des agents qui y concourent, il reste que les services départementaux d’incendie et de secours, établissements publics départementaux, sont responsables des conséquences dommageables imputables à l’organisation ou au fonctionnement défectueux des services et matériels concourant à l’exercice de la mission de lutte contre les incendies. La victime peut ainsi directement actionner la responsabilité du SDIS sans mettre en cause préalablement la commune. Et ce quand bien même la responsabilité de la commune demeure susceptible d’être engagée dès lors que les dommages en cause trouvent en tout ou partie leur origine dans une faute commise par les autorités de police communales dans l’exercice de leurs attributions. Ainsi l’action engagée par un exploitant agricole en réparation de son préjudice matériel résultant de la destruction de ses cultures du fait du largage par erreur, sur sa parcelle, d’un produit retardant par un canadair doit être regardée comme tendant à la mise en jeu de la responsabilité du SDIS sur le fondement d’une organisation et d’un fonctionnement défectueux de ses services.

Suite à un départ de feu signalé au SDIS de Haute-Corse, un avion tracker [1] de la sécurité civile effectue des largages de produit retardant afin de stopper l’incendie. Un exploitant agricole prétend que les largages, effectués à une cinquantaine de mètres du front du feu, ont provoqué la destruction de ses plantations de persil. Il sollicite la condamnation du SDIS de Haute-Corse à lui verser la somme de 63 755 euros.

Condamné en première instance, le SDIS relève appel en soulignant notamment :

 que la mise en cause du service départemental d’incendie ne pouvait se faire, s’agissant de police administrative, sans mise en cause préalable de la commune du lieu où est subi le dommage ;

 que la réalité du préjudice allégué n’est pas démontrée, le rapport d’expertise n’étant pas contradictoire et se basant sur une estimation théorique.

Pas de responsabilité de la commune

Les juges d’appel écartent le premier argument :

"les services départementaux d’incendie et de secours, établissements publics départementaux, sont responsables des conséquences dommageables imputables à l’organisation ou au fonctionnement défectueux des services et matériels concourant à l’exercice de la mission de lutte contre les incendies, alors même que les autorités de police communales peuvent avoir recours, pour exercer leur compétence de police générale, à des moyens et des personnels relevant de ces établissements publics et que la responsabilité des communes demeure susceptible d’être engagée dès lors que les dommages en cause trouvent en tout ou partie leur origine dans une faute commise par les autorités de police communales dans l’exercice de leurs attributions".

Ainsi en l’espèce l’action du requérant tendant à réparer son préjudice matériel résultant de la destruction de ses cultures de persil du fait du largage par erreur, sur sa parcelle, d’un produit retardant par un tracker lors de l’incendie survenu sur le territoire de la commune tend à la mise en jeu de la responsabilité du SDIS sur le fondement d’une organisation et d’un fonctionnement défectueux de ses services.

Un préjudice non avéré

En revanche, la cour administrative d’appel reçoit le second argument : à supposer même que la faute du SDIS soit établie, le requérant ne démontre pas la réalité du préjudice qu’il estime avoir subi. En effet, si le requérant se prévaut d’une attestation établie près d’un mois après le prétendu sinistre, le SDIS fait valoir sans être contredit que le lieutenant signataire de l’attestation n’était pas au nombre des effectifs en poste le jour de l’incendie et qu’il n’a donc pu constater les dégâts lui-même... Quant au rapport d’expertise établi deux mois après l’incendie, il n’a pas porté sur la réalité et l’étendue des dommages mais s’est borné, sur les déclarations de l’exploitant, à évaluer les pertes infligées.

Cour administrative d’appel de Marseille, 10 octobre 2014, N°12MA02492

[1Avion bombardier d’eau de lutte contre les incendies.