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Marchés publics de service juridique : les avocats pénalisés ?

CE 3 septembre 2008 N° 290398

Selon l´Ordre des avocats, le décret n° 2005-1008 du 24 août 2005 modifiant le code des marchés publics est incompatible sur plusieurs points avec les règles déontologiques régissant la profession de ses membres et une rupture d´égalité avec les autres professions juridiques. Le point de vue du Conseil d´État est différent.


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Les points de divergence entre l´Ordre des avocats et le Conseil d´Etat portent sur plusieurs points.

1°/ Contrats administratifs et indépendance de l´avocat :

L´Ordre des avocats soutenait que la qualification de contrat administratif des marchés de services juridiques était incompatible avec l´indépendance de la profession.

Le Conseil d´État rejette l´argument :

 d´une part, le code des marchés publics ne comporte aucune disposition organisant la résiliation ou la modification unilatérale des marchés ;

 d´autre part « la circonstance que les difficultés d´exécution des marchés publics de prestations de services juridiques devront être portées devant le juge administratif ne saurait également porter atteinte à l´indépendance des avocats ». En effet ces dispositions « sont sans incidence sur l´application des dispositions des articles 174 à 176 du décret du 27 novembre 1991 pris en application de la loi du 31 décembre 1971 qui confient au bâtonnier, sous le contrôle du premier président de la cour d´appel, compétence pour instruire tout litige portant sur les honoraires d´avocat ».

2°/ Contrôle de la légalité et principe de confidentialité :

L´Ordre des avocats relevait que la transmission des marchés au contrôle de la légalité était inconciliable avec le principe de confidentialité auquel sont soumis les avocats en vertu de l´article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971.

L´argument ne tient pas plus au yeux du Conseil d´État : ces dispositions « ne concernent que les documents élaborés au cours de l´exécution du marché de services juridiques et non les pièces du marché lui-même ». Or, « le contrôle institué par les dispositions des articles L. 2131-2, L. 3131-2 et L. 4141-2 du code général des collectivités territoriales ne porte que sur les marchés proprement dits et ne concerne pas les documents élaborés en exécution de ces marchés, tels que les consultations adressées par un avocat à son client ».

3° Secret professionnel et rupture d´égalité :

 Les requérants invoquaient une rupture d´égalité avec les autres professions juridiques susceptibles de répondre aux marchés de service juridique compte tenu de l´obligation de secret professionnel pesant sur les avocats.

Le Conseil d´État n´est pas convaincu puisqu´en vertu de l´article 55 alinéa 3 de la loi du 31 décembre 1971 « l´obligation de secret professionnel s´applique également à toutes les professions autorisées à donner des consultations juridiques ».

- 4° Références et règles déontologiques

L´Ordre des avocats invoquait enfin une incompatibilité entre les règles déontologiques régissant la profession et la possibilité pour l´acheteur public de demander des références.

Le Conseil d´État réplique que « ne peuvent être exigés à l´appui des candidatures que des renseignements permettant d´évaluer les capacités professionnelles, techniques et financières des candidats ».
Et les magistrats d´en conclure que « ces dispositions ne sont pas de nature à conduire les candidats à méconnaître les règles légales ou déontologiques s´appliquant à leur profession » et « qu´en particulier, elles n´ont pas pour effet d´imposer à un avocat candidat à un marché public de services juridiques de fournir des renseignements comportant des mentions nominatives ou des indications permettant d´identifier les personnes pour lesquelles il a déjà fourni des prestations similaires ».

[1Photo : © Gary Blakeley