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Une médiation musclée

Ce maire d’une commune bretonne (1500 habitants) dont la médiation était sollicitée par un agriculteur en conflit avec un propriétaire au sujet d’un chemin rural, n’a pas hésité à sortir des sentiers battus pour régler le conflit à sa manière. Conjuguant fermeté, convivialité et publicité, la méthode n’a cependant pas convaincu la justice.

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Un agriculteur sollicite la médiation du maire dans le cadre d’un conflit qui l’oppose à un septuagénaire dont la propriété est riveraine d’un chemin rural. Il reproche à ce dernier d’avoir placé deux poteaux en limite de propriété pour empêcher le passage des engins agricoles et plus spécialement des tonnes à lisier. Le maire évoque la question en conseil municipal. Il est décidé un transport sur les lieux pour tenter une médiation.

Conscient néanmoins du risque de débordements et informé du caractère peu conciliant de l’administré, le maire demande l’assistance d’un huissier de justice et de la brigade de gendarmerie.

De son côté, l’agriculteur invite une trentaine de ses collègues à se joindre à l’expédition munis... de masses et de scies. La presse locale est convoquée pour immortaliser l’événement à l’issue duquel une distribution de sandwichs et de boissons est prévue !

Le jour J, soit le lendemain du premier tour des élections, le propriétaire ne se laisse pas intimider. Après que l’huissier ait dressé constat, le maire, sans doute galvanisé par le résultat du scrutin de la veille, prend la pose fièrement devant les poteaux avant de demander aux agriculteurs de procéder à leur destruction.

Ceux-ci s’exécutent en prenant tout de même préalablement le soin, sous l’œil bienveillant de la maréchaussée, d’évacuer sans ménagement le propriétaire qui s’était agrippé avec force à l’un des poteaux.

Le devoir accompli, les participants prennent ensuite leur collation tandis que le septuagénaire, pris d’un malaise, est examiné par un médecin.

Ce dernier diagnostique un hématome et une ecchymose.

Une semaine plus tard, se plaignant de troubles d’anxiété et d’insomnies, le septuagénaire obtient un certificat médical fixant une ITT de quinze jours sur la base duquel il porte plainte pour violences en réunion avec préméditation sur personne vulnérable suivies d’une incapacité supérieure à huit jours et destruction de biens appartenant à autrui.

Le maire est condamné, avec trois agriculteurs, par le tribunal correctionnel à 1500 euros d’amende ce que confirme la Cour d’appel de Rennes : il se devait « en sa qualité d’officier de police judiciaire, sous les yeux duquel se commettaient en flagrance les délits de violences volontaires et destruction de biens d’autrui, de mettre un terme aux infractions dont il était témoin ».

Des gendarmes, présents sur les lieux, il n’en est en revanche point question dans l’arrêt...

jean.duverdier@sfr.fr

[1Dessin : © Jean Duverdier