Un trésorier qui a outrepassé ses prérogatives en opérant des placements financiers hasardeux peut-il être tenu de réparer personnellement les pertes subies par l’association ?
Oui. Si l’établissement bancaire a pu commettre une faute en ne vérifiant pas que l’intéressé avait bien le pouvoir d’engager l’association, il reste que cette négligence ne justifie pas pour autant une condamnation de la banque à couvrir l’intégralité des pertes subies par l’association (109 000 euros en l’espèce). En effet le trésorier ayant outrepassé ses pouvoirs en souscrivant les placements litigieux, il a nécessairement contribué à la réalisation du préjudice financier subi par l’association et ne peut être relevé par la banque de l’intégralité de sa condamnation.
Le trésorier d’une association départementale des amis et parents d’enfants inadaptés (ADAPEI) ouvre dans un établissement bancaire un compte-titre et signe le même jour les ordres de souscription de divers OPCVM. Des placements qui se révéleront très hasardeux : les cours des titres souscrits baissent et causent une perte nette pour l’association de près de 110 000 euros...
L’association reproche au trésorier d’avoir outrepassé ses fonctions et obtient sa condamnation à réparer son préjudice financier. En effet les statuts de l’association ne donnaient pas au trésorier le pouvoir d’ouvrir un compte au nom de l’association et ne lui confiaient pas davantage un mandat général de gestion des finances de l’association, le seul pouvoir d’exécuter les dépenses et de procéder à l’encaissement des recettes n’emportant pas le pouvoir de définir et de mettre en œuvre une stratégie d’investissement des avoirs disponibles.
Par sécurité, l’association demande à ce que l’établissement bancaire soit condamné à garantir l’intéressé du paiement de l’indemnité. En effet selon l’ADAPEI la banque a commis une négligence en ne s’assurant pas que le trésorier avait été dûment habilité pour effectuer les opérations de placement litigieuses.
La cour d’appel de Nancy fait droit à la requête de l’association et condamne l’établissement financier. Il appartient en effet à une banque, lors de l’ouverture du compte d’une personne morale, de vérifier la conformité des pouvoirs de ses représentants à la loi et aux statuts de cette personne morale. Or les statuts de l’association ne donnaient pas au trésorier le pouvoir d’ouvrir un compte et ne lui confiaient pas davantage un mandat général de gestion de ses finances. Ainsi en s’abstenant de vérifier que le trésorier avait été dûment habilité pour effectuer les opérations de placement litigieuses, la banque a manqué à son devoir de vigilance ce qui a eu pour effet de permettre à l’intéressé sans habilitation pour ce faire, d’engager la trésorerie de l’association sur des placements qui se sont avérés malheureux.
La Cour de cassation censure cette position : le trésorier ayant outrepassé ses pouvoirs en souscrivant les placements litigieux, il a nécessairement contribué à la réalisation du préjudice financier subi par l’association. Il ne peut, en conséquence, être relevé par la banque de l’intégralité de sa condamnation à réparer ce préjudice.
Autrement dit la Cour de cassation ne conteste pas que l’établissement bancaire ait pu commettre une négligence justifiant son appel en garantie mais cette faute ne saurait couvrir intégralement l’abus de pouvoir du trésorier de l’association qui doit assumer financièrement au moins en partie les conséquences de ses erreurs. Il appartiendra à la cour d’appel de renvoi de statuer à nouveau et de dire dans quelle proportion la banque doit garantir le trésorier imprudent.
Cour de cassation, chambre commerciale, 11 février 2014, N° 13-10067
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