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Poursuites pénales contre un fonctionnaire : l’absence de service fait prime sur la présomption d’innocence

Cour administrative d’appel de Marseille, 13 janvier 2014, N° 13MA03870

Une collectivité est-elle tenue, au nom de la présomption d’innocence, de maintenir le traitement d’un fonctionnaire poursuivi pénalement et qui n’est plus en mesure d’accomplir ses missions ?

Non : si dans le cadre d’une suspension de fonction, le fonctionnaire poursuivi pénalement a droit au maintien de son traitement pendant 4 mois, et à 50 % au delà de ce délai, encore faut-il qu’il ne fasse pas l’objet de mesures privatives de liberté l’empêchant de poursuivre l’exécution de ses missions. La collectivité est en effet tenue de tirer les conséquences comptables de l’absence de service fait et ce en dehors même de toute procédure disciplinaire. Ainsi un agent municipal qui, au titre d’une mesure de contrôle judiciaire, se voit interdire la poursuite de son activité professionnelle et l’accès aux locaux de la mairie, ne peut plus percevoir de traitement. Peu importe qu’il soit encore à ce stade présumé innocent et qu’il puisse, au final, bénéficier d’un non lieu ou d’une relaxe.

Dans le cadre d’une instruction, un agent communal est placé sous contrôle judiciaire par le juge des libertés et de la détention. Au titre de cette mesure, il lui est interdit d’exercer son activité d’agent assermenté au service de l’urbanisme, ni même de paraître dans les locaux de la mairie.

Constatant l’absence de service fait, la commune arrête de verser le traitement au fonctionnaire poursuivi. Celui-ci invoque le principe de la présomption d’innocence et reproche à la commune de ne pas avoir mis en œuvre une procédure de suspension de fonction conformément aux dispositions de l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983. En effet aux termes de ce dispositif, le fonctionnaire poursuivi a droit au maintien de son traitement pendant 4 mois et à la moitié de la rémunération au-delà.

La cour administrative d’appel de Marseille écarte cette argumentation en objectant que la commune n’était pas tenue de prononcer la suspension de l’agent. Au contraire :

 "elle était en revanche tenue de tirer les conséquences comptables de l’absence de service fait imposée par l’interdiction d’exercer résultant d’une mesure de contrôle judiciaire" ;


 "dans ces conditions, les moyens tirés du fait qu’il devrait bénéficier de la présomption d’innocence et qu’il se trouve privé des garanties liées à la procédure disciplinaire et à la procédure de suspension dont bénéficierait un fonctionnaire ayant commis des fautes caractérisées dans l’exercice de ses fonctions, sont inopérants".

Ainsi l’agent qui dans le cadre de poursuites pénales fait l’objet de mesures de privation de liberté (contrôle judiciaire, détention provisoire) qui l’empêchent de continuer à exercer ses fonctions ne peut plus percevoir de traitement nonobstant les dispositions de la loi de 1983 relatives à la suspension de fonction : la commune est en effet tenue de tirer les conséquences comptables de l’absence de service fait.

Cour administrative d’appel de Marseille, 13 janvier 2014, N° 13MA03870

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[1Photo : © Helder Almeida