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Défenestration d’un pensionnaire d’un foyer d’hébergement médico-social : l’association tenue d’une "obligation de moyen de très haut niveau"

Cour d’appel d’Angers, 31 octobre 2013, n°12/01524

Un foyer médico-social non médicalisé est-il tenu d’une obligation de sécurité de résultat à l’égard des personnes handicapées ayant une certaine autonomie ?

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Non : ce type d’établissement n’est soumis qu’à une obligation de moyens. Cependant cette diligence exigée peut être d’un "très haut niveau en fonction de la prévisibilité du risque nécessitant une surveillance et la mise en œuvre de moyens de prévention adaptés". Une association gérant un foyer de vie est ainsi déclarée responsable de la défenestration d’un pensionnaire qui avait manifesté des signes de perturbation nécessitant une attention toute particulière. Ainsi la dégradation du comportement du pensionnaire perceptible par tous au sein de la structure aurait dû conduire l’établissement à demander expressément au psychiatre de venir le consulter plus tôt que prévu, et non de se contenter de procéder sur ses conseils téléphoniques à une modification de son traitement médicamenteux, ou de solliciter du médecin une prise en charge plus spécialisée.

Un jeune placé sous tutelle dans un foyer d’hébergement médico-social en raison d’une pathologie neurologique lourde se défenestre alors qu’il était seul dans sa chambre. Sa mère estimant que l’établissement n’a pas mis en œuvre tous les moyens à sa disposition afin d’éviter un tel accident recherche la responsabilité de l’association qui gère le centre.

Pour sa défense l’association fait observer :

 qu’elle n’a vocation qu’à accueillir les personnes handicapées disposant d’une certaine autonomie et que l’orientation des pensionnaires dans telle ou telle catégorie d’établissement est déterminée par la commission des droits l’autonomie des personnes handicapées ;

 que le foyer n’est pas médicalisé et n’est tenu qu’à une obligation de sécurité de moyens et non de résultat.

Le TGI d’Angers retient néanmoins la responsabilité de l’association sur le fondement de l’article 1147 du code civil en considérant que cette dernière a manqué à son obligation de sécurité lui incombant.

La cour d’appel d’Angers confirme la condamnation de l’association.

Si elle reconnaît que ce type d’établissement n’est soumis qu’à une obligation de moyens, elle précise que "cette diligence exigée peut être d’un très haut niveau en fonction de la prévisibilité du risque nécessitant une surveillance et la mise en œuvre de moyens de prévention adaptés".

Or :

 si le jeune n’avait jamais révélé de tendances suicidaires, il présentait depuis un an des attitudes agressives et violentes ;

 le soir du drame, en raison d’une perturbation évidente dans son comportement, des dispositions avaient été prises au niveau de sa surveillance mais qui se sont révélées insuffisantes ;

 l’événement n’était pas imprévisible et inévitable car l’enfant s’était déjà échappé de l’enceinte de l’établissement l’après-midi et la veilleuse de nuit l’a surpris deux fois hors de sa chambre manifestant ainsi qu’il ne désirait pas y rester (ce qui pouvait conduire à une initiative plus adaptée que la simple reconduite dans la chambre) ;

 avant d’être placé en foyer de vie, l’enfant avait été suivi en maison d’accueil spécialisé (MAS) pendant deux ans ce qui laissait supposer que, s’il n’avait plus besoin d’un accompagnement constant, il nécessitait tout de même une attention particulière.

Et les juges d’en conclure que la dégradation du comportement du pensionnaire perceptible par tous au sein de la structure aurait dû conduire l’établissement à demander expressément au psychiatre de venir le consulter plus tôt que prévu, et non de se contenter de procéder sur ses conseils téléphoniques à une modification de son traitement médicamenteux, ou de solliciter du médecin une prise en charge plus spécialisée.

Ainsi "eu égard à une absence de prise de décision adaptée au handicap mental" présenté par la victime, l’association a manqué à ses obligations.

En revanche la cour estime que cet établissement, compte-tenu de sa catégorie, n’avait pas d’obligation de prendre au niveau du bâtiment de mesures particulières pour la sécurité des personnes hébergées (type barreaux aux fenêtres). Peu importe à cet égard que les fenêtres aient été sécurisées après le drame, la commission communale de sécurité n’ayant pas fait de recommandation sur ce point.

Cour d’appel d’Angers, 31 octobre 2013, n°12/01524

[1Photo : © Tomasz Trojanowski