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Un âne territorial

Tous les maires vous le diront : acheter un terrain à un agriculteur pour réaliser une ZAC n’est pas toujours une mince affaire. Même à l’amiable, l’opération réserve parfois des surprises. Celle-ci vaut son pesant de picotin !

Les premiers contacts avec l’agriculteur ont été très courtois. Les seconds aussi. Mais la barre était plus haute. Pas de surenchère financière pour autant. L’agriculteur était d’ailleurs de ce point de vue plutôt raisonnable.

Mais le maire n’en a pas cru ses oreilles quand son interlocuteur lui a tout simplement lâché : ’Comme je vous l’ai dit la dernière fois, Monsieur le maire, y-a pas de problème pour mon terrain. Dame oui, je peux bien vous le vendre. Seulement, voyez-vous, ça fait des années que j’ai un âne dessus et je me fais vieux. Alors, je me suis dit, qu’est-ce qu’elle va devenir la pauvre bête sans son herbe. C’est pourquoi, le terrain, je peux vous le vendre, ça oui, mais avec l’âne dessus"

Vieux roublard, le maire s’est empressé de toper là ! Sitôt l’affaire conclue, pensait-il en douce, je trouverai bien le moyen de revendre la bête.

Mais à roublard, roublard et demi. Le jour de la signature, devant le notaire, l’agriculteur a monté la barre d’un cran. Et quel ! Le notaire lui-même n’a pas pu s’empêcher de sourire devant l’embarras du maire.

"J’ai réfléchi depuis votre dernière visite, Monsieur le Maire. Oh, c’est pas que j’ai pas confiance en vous mais mon terrain, je m’en vais vous le vendre à condition que vous vous engagiez à entretenir mon âne et l’entourer de vos soins jusqu’à la fin de ses jours"

Le plus sérieusement du monde, le notaire a rappelé aux cosignataires que la condition résolutoire serait portée sur l’acte de vente et que, dès lors, elle constituait pour le maire un engagement contractuel susceptible, non seulement de casser la vente s’il n’était pas tenu, mais encore de poursuites judiciaires de la part du cosignataire trompé ou de ses ayants droit.

Cruel dilemme pour le maire qui, peu enclin à l’adoption d’un âne, a malgré tout opté pour la vente, indispensable à son projet : et voilà comment cette commune s’est enrichie d’un nouveau et fidèle serviteur. Cochon qui s’en dédit !