Le portail juridique des risques
de la vie territoriale & associative

La jurisprudence de la semaine du 21 au 25 octobre 2013

Action sanitaire et sociale / Contentieux et procédure / Fonction publique et droit social / Hygiène et sécurité au travail / Maires et adjoints / Pouvoirs de police / Urbanisme / Voirie

(dernière mise à jour le 24/07/2014)

 [1]


Action sanitaire et sociale

 Peut-il être reproché à un médecin de ne pas être intervenu pour faire cesser des faits de maltraitance sur des personnes âgées bien qu’il n’ait pas d’autorité sur le personnel de l’établissement ?

Oui il peut engager sa responsabilité pénale pour non dénonciation de mauvais traitements sur personnes vulnérables ou pour omission d’empêcher une infraction. En l’espèce un médecin attaché au pôle gérontologique d’un hôpital (il en serait de même pour un médecin travaillant dans une maison de retraite) a été poursuivi pour s’être abstenu d’informer les autorités judiciaires ou administratives de mauvais traitements infligés par des membres du personnel de l’hôpital envers des pensionnaires hors d’état de se protéger. La cour d’appel a finalement requalifié les faits et déclaré le médecin coupable du délit d’omission d’empêcher une infraction prévu par l’article 223-6, alinéa 1er, du code pénal, ce qu’approuve la Cour de cassation : l’intéressé, sachant que plusieurs membres du personnel avaient un comportement maltraitant envers des pensionnaires âgés et dépendants, aurait dû intervenir auprès de l’encadrement des infirmiers, même s’il n’avait pas autorité sur le personnel soignant, afin que soient prises des dispositions, telles qu’une meilleure surveillance, tendant à prévenir le renouvellement de faits constituant des atteintes à l’intégrité de personnes hospitalisées. En cas d’échec de cette démarche, il lui appartenait de s’entretenir de la situation avec la direction de l’hôpital afin que la qualité des soins prodigués aux pensionnaires soit préservée par des mesures appropriées.

Cour de cassation, chambre criminelle, 23 octobre 2013, N° 12-80793

Contentieux et procédure

 Une commune peut-elle en sa qualité de personne morale mettre en mouvement l’action publique du chef de diffamation envers un corps constitué en cas d’inertie du ministère public ?

Jusqu’ici non, l’article 48 de la loi de 1881 sur la presse l’interdisant. Ainsi une collectivité territoriale ne pouvait obtenir réparation de son préjudice que lorsque l’action publique avait été engagée par le ministère public en se constituant partie civile à titre incident devant la juridiction pénale (constitution de partie civile par voie d’intervention). Le Conseil constitutionnel juge cette restriction contraire à la Constitution en ce qu’il méconnaît les exigences de l’article 16 de la Déclaration de 1789 aux termes duquel : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». Ainsi désormais (depuis le 27 octobre 2013 date de publication au JO de la décision du Conseil constitutionnel), les collectivités territoriales peuvent elles-mêmes déclencher l’action publique du chef de diffamation envers un corps constitué (en se constituant partie civile devant le doyen des juges d’instruction ou par voie de citation directe) sans être dépendante du parquet.

Conseil constitutionnel, 25 octobre 2013, n° 2013-350 QPC

 Le délai de prescription de trois mois en matière de diffamation est-il suspendu pendant le prononcé du délibéré ?

Oui : "si l’action publique résultant d’une infraction prévue par la loi du 29 juillet 1881 se prescrit après trois mois révolus à compter du jour où l’infraction a été commise, ou du jour du dernier acte d’instruction ou de poursuite s’il en a été fait, la prescription est suspendue pendant la durée du délibéré, les parties poursuivantes étant alors dans l’impossibilité d’accomplir un tel acte de procédure avant le prononcé du jugement".

Cour de cassation, 22 octobre 2013, N° 12-84408


Fonction publique et droit social

 La rupture d’un CDD pour inaptitude définitive constatée par le médecin du travail nécessite-t-elle un entretien préalable ?

Non : la procédure de rupture d’un contrat de travail à durée déterminée (CDD) pour inaptitude du salarié, constatée par le médecin du travail, telle que prévue à l’article L. 1243-1 du code du travail, ne doit pas donner lieu à une convocation à un entretien préalable. Ainsi une association ayant recruté sous contrat d’avenir une salariée peut rompre le CDD de l’intéressée, sans la convoquer à un entretien préalable, après celle-ci ait été déclarée définitivement inapte à son poste par le médecin du travail, l’association ne disposant pas de solutions de reclassement.

Cour de cassation, chambre sociale, 21 octobre 2013, N° 13-70006

 Le refus de l’administration de reconnaître comme imputables au service des tentatives de suicide d’un agent peut-il être considéré comme une "attaque" justifiant l’octroi de la protection fonctionnelle à l’intéressé ?

Non : le différend qui oppose l’administration à l’un de ses agents concernant l’imputabilité au service des tentatives de suicide de ce dernier ne constitue pas une menace ou une attaque au sens des dispositions de l’article 11 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983. Ce différend n’entre pas dès lors dans le champ de la protection fonctionnelle que cet article instaure.

Conseil d’Etat, 21 octobre 2013, n° 364098

 L’employeur peut-il refuser le paiement du salaire si l’employé ne rapporte pas la preuve d’avoir accompli son travail ?

Non : l’employeur est tenu de payer sa rémunération et de fournir un travail au salarié qui se tient à sa disposition. C’est à l’employeur de démontrer que le salarié a refusé d’exécuter son travail ou ne s’est pas tenu à sa disposition.

Cour de cassation, chambre sociale, 23 octobre 2013, N° 12-14237

 Un agent mis à la retraite en raison d’une incapacité évaluée par un taux global d’invalidité résultant à la fois de blessures ou maladies contractées ou aggravées en service et de blessures ou maladies non imputables au service, peut-il bénéficier de la rente viagère d’invalidité prévue par les dispositions précitées de l’article 37 du décret du 26 décembre 2003 ?

Oui mais uniquement "à la condition que les blessures ou maladies contractées ou aggravées en service aient été de nature à entraîner, à elles seules ou non, la mise à la retraite de l’intéressé". Un tribunal administratif ne peut ainsi se contenter, pour octroyer le bénéfice de la rente viagère à un agent, de relever que l’une des deux pathologies dont il était atteint avait été reconnue comme imputable au service sans rechercher si cette pathologie avait été de nature à entraîner la mise à la retraite de l’intéressé.

Conseil d’État, 23 octobre 2013, N° 346684

Hygiène et sécurité au travail

 L’obligation faite à chaque travailleur de prendre soin de sa propre sécurité exonère-t-elle l’employeur en cas d’accident ?

Non : "si l’article L. 4122-1 du code du travail, en son alinéa 1er, prévoit qu’il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité, ces dispositions sont, selon le second alinéa du même texte, sans incidence sur le principe de la responsabilité de l’employeur". Doit être ainsi condamné pour homicide involontaire le dirigeant d’une entreprise après l’accident mortel dont a été victime un salarié en procédant à la réparation d’un compresseur en mauvais état. En effet les expertises ont fait apparaître que le compresseur comportait une cuve corrodée dont l’épaisseur était insuffisante pour résister à la pression de l’air et que cet appareil, qui avait fait l’objet de réparations de fortune dans le but de colmater des fuites, aurait dû être retiré du service en application du décret du 13 décembre 1999 relatif aux équipements sous pression. L’employeur, en laissant la victime, qui n’avait reçu aucune formation à la sécurité, utiliser un compresseur non conforme dont il connaissait le très mauvais état et qu’il savait non entretenu, a commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d’une particulière gravité justifiant qu’il soit déclaré coupable d’homicide involontaire.

Cour de cassation, chambre criminelle, 22 octobre 2013, N° 11-89126

Maires et adjoints

 Le retrait de délégation de fonctions à un adjoint au maire doit-il être motivé et soumis au principe du contradictoire ?

Non. L’arrêté municipal décidant le retrait de délégation de fonctions d’un adjoint au maire ne présente pas le caractère d’une sanction. Cette décision constitue une mesure réglementaire qui n’a pas à être motivée. L’autorité administrative n’a pas non plus l’obligation de mettre l’intéressé en mesure de présenter ses observations écrites, ni de respecter le principe du contradictoire. Le maire peut, à tout moment, mettre fin aux délégations qu’il a consenties, sous réserve que sa décision ne soit pas inspirée par des motifs étrangers à la bonne marche de l’administration communale. En l’espèce, la délégation accordée à une adjointe était relative à certaines matières relevant de l’administration générale. La décision de retrait de sa délégation était consécutive à de graves difficultés apparues dans les relations que celle-ci entretenait avec les agents communaux du service de l’état civil. La décision a donc été guidée par des motifs liés à la bonne marche de l’administration communale.

Cour administrative d’appel de Douai, 24 octobre 2013, N° 12DA01948

Pouvoirs de police

 Un contrevenant verbalisé pour avoir stationné son véhicule sur un emplacement réservé aux véhicules affectés à un service public peut-il contester la légalité de l’arrêté municipal au motif que la réservation du domaine public n’a été faite que pour les seuls besoins d’un syndicat de police ?

Oui : le contrevenant est en droit de contester la légalité de l’acte administratif réglementaire fondant la poursuite. Le juge ne peut donc le condamner au paiement de l’amende sans répondre à son argument consistant à établir que la réservation du domaine public n’avait été faite que pour les seuls besoins d’un syndicat de police.

Cour de cassation, chambre criminelle, N° 13-80824

Urbanisme

 Le voisin d’une construction qui dépasse la hauteur autorisée par le plan d’occupation des sols (POS) peut-il être dédommagé malgré la délivrance au pétitionnaire d’un certificat de conformité pour les travaux ayant fait l’objet du permis de construire ?

Oui : la délivrance d’un certificat attestant de la conformité de travaux à un permis de construire, ne fait pas disparaître la faute résultant de la violation d’une règle d’urbanisme recherchée sur le fondement de l’article 1382 du code civil, qui peut être établie par tous moyens.

Cour de cassation, chambre civile 3, 23 octobre 2013, N° 12-24919

Voirie

 Un département peut-il, par le jeu des transferts de compétences, être déclaré responsable d’un défaut d’entretien d’un ouvrage public imputable à l’Etat ?

Oui : les transferts de routes nationales aux départements emportent transfert de l’ensemble des droits et obligations qui y sont attachés, y compris des actions en responsabilités exercées contre l’Etat et non définitivement jugées avant le 1er janvier 2008. Un département est ainsi déclaré responsable en 2013 d’un accident survenu en 2002 à un cycliste sur une route nationale. En effet, entre-temps, la route est devenue départementale par l’effet de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Pourtant, en l’espèce, la responsabilité de l’Etat avait été définitivement reconnue avant le transfert et le juge administratif n’avait plus à se prononcer, postérieurement à cette date, que sur l’évaluation du préjudice de la victime. Peu importe également qu’aucune des parties n’ait déposé de conclusions tendant à la condamnation du département dès lors que le moyen tiré de ce qu’une personne publique ne peut être condamnée à payer une somme qu’elle ne doit pas est d’ordre public (et peut donc être soulevé d’office par le juge).

Conseil d’État, 23 octobre 2013, N° 351610

[1Photo : © Treenabeena