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Conditions d’acquisition d’un bar-restaurant par une commune rurale

Cour administrative d’appel de Marseille, 30 juillet 2013, N° 12MA02394

Une commune rurale peut-elle acquérir un immeuble pour l’exploitation d’un bar-restaurant afin de dynamiser le centre-bourg ?

 [1]


Uniquement en cas de carence de l’initiative privée pour assurer la création ou le maintien d’un service nécessaire à la satisfaction des besoins de la population en milieu rural. Tel n’est pas jugé le cas en l’espèce dès lors que quatre restaurants sont déjà implantés sur le territoire. Peu importe que ces établissements soient gastronomiques, la commune ne pouvant justifier l’opération par sa volonté de satisfaire une clientèle aux revenus plus modestes.

Une commune de 1400 habitants autorise, par deux délibérations consécutives, l’acquisition pour 400 000 euros d’un commerce de bar-tabac-restaurant, et la conclusion d’un prêt [2] destiné à financer l’opération.

Le but affiché est de "faire un pôle d’attraction au cœur du village". Le premier étage de l’immeuble est quant à lui destiné à accueillir une extension des bureaux de l’hôtel de ville contigu.

Une association de défense des contribuables s’oppose à cette opération et saisit le tribunal administratif. Ce dernier fait droit aux demandes de l’association et annule les deux délibérations litigieuses, ce que confirme la cour administrative d’appel de Marseille.

C’est en vain que la commune soutient que cette opération était dénuée de toute velléité d’interventionnisme économique. En effet, tranchent les magistrats, la conservation du premier étage pour une éventuelle extension de la mairie, contiguë audit immeuble, n’apparait que comme une conséquence possible et opportune de cette acquisition, les propriétaires de l’immeuble et anciens exploitants du bar-restaurant, ayant mis en vente l’intégralité de leur bien.

Pour preuve : dans ses interviews accordées à la presse régionale, le maire a insisté sur l’objectif de la commune de dynamiser le centre-bourg. En outre si l’acquisition de l’immeuble a permis dans un second temps l’extension au premier étage de l’hôtel de ville contigu, il ne résulte pas de l’instruction que cette extension présente un intérêt général pour la commune, qui dispose de locaux suffisants eu égard à ses besoins.

C’est donc bien sur le fondement de l’article L.2251-3 du code général des collectivités territoriales que doit être appréciée la légalité de l’opération. Il appartenait ainsi à la commune d’établir que la création d’un établissement de restauration familiale pratiquant des tarifs attractifs, constituait un service nécessaire à la satisfaction des besoins de sa population, et que l’initiative privée était en la matière défaillante ou insuffisante.

A cet égard la collectivité ne peut se borner à relever que les quatre autres établissements situés sur son territoire sont gastronomiques et visent donc une clientèle plus aisée. La satisfaction des clients du restaurant familial et des administrés de la commune n’est pas plus de nature à démontrer l’existence d’un intérêt général.

D’où la nullité de l’acquisition et du prêt consécutif... En tirant les conséquences la cour administrative d’appel enjoint à la commune de procéder à la :

 résolution amiable du bail de location avec l’exploitant dans les trois mois ;

 désaffectation matérielle et au déclassement juridique du domaine public du premier étage du bâtiment ;

 à la résolution amiable du contrat d’achat ainsi qu’à celle du contrat de prêt dans le délai de 6 mois.

Le tout bien entendu si un accord amiable peut être trouvé avec les différents contractants. A défaut la commune est invitée à saisir le juge des contrats afin qu’il règle les modalités financières de ces résolutions. Pas sûr donc que l’addition soit, au final, moins salée pour les contribuables...

Cour administrative d’appel de Marseille, 30 juillet 2013, N° 12MA02394

Cour administrative d’appel de Marseille, 30 juillet 2013, 12MA04828

[1Photo : © Elena Elisseeva

[2De 500 000 euros