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Meurtre d’un adjoint par déséquilibré : la DDAS responsable ?

Cass crim 4 mars 2008 N° de pourvoi : 07-81108 Publié au bulletin

Des fonctionnaires de la DDASS peuvent-ils être rendus responsables de la mort d’un élu tué par un déséquilibré mental dès lors, que conscients de sa dangerosité, ils se sont abstenus de solliciter son hospitalisation d’office ? [1]

En septembre 1996, l’adjoint au maire d’une commune des Yvelines (600 habitants) est tué par balles par un déséquilibré mental. La procédure ouverte pour meurtre est classée sans suite : un rapport établi par un médecin psychiatre désigné par le procureur de la République conclut en effet que l’auteur des coups de feu était atteint, au moment des faits, d’un trouble psychique ayant aboli son discernement et nécessitant son hospitalisation d’office. Les ayants droit de l’élu portent plainte et se constituent parties civiles.

A l’issue de l’information judiciaire, l’irresponsabilité pénale de l’auteur principal est confirmée. Mais deux fonctionnaires de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales des Yvelines sont renvoyés devant le tribunal correctionnel du chef d’homicide involontaire. Il leur est reproché, alors qu’ils "étaient largement informés de l’état physique et mental, du caractère asocial, du refus obstiné de communiquer et de l’état délirant et armé de Robert A..." de s’être contentés de préconiser une mise sous tutelle d’urgence au lieu "de saisir immédiatement un médecin psychiatre afin de poser clairement la question de la nécessité de l’hospitalisation d’office de l’intéressé".

Les deux fonctionnaires sont relaxés en première instance. Faute d’appel du parquet, la relaxe au pénal devient définitive. Saisie par les seules parties civiles, il appartient néanmoins à la Cour d’appel de vérifier si l’infraction est caractérisée pour accorder le cas échéant des dommages-intérêts.

Dans un arrêt du 30 janvier 2007 la Cour d’appel de Versailles estime que le comportement des deux fonctionnaires est bien constitutif d’une faute pénale : "il est inacceptable que les personnes qui avaient les pouvoirs, les moyens et les compétences pour mettre en oeuvre une procédure permettant de déboucher à court terme sur l’hospitalisation de Robert A... se soient abstenues d’accomplir les diligences adéquates afin de faire cesser la situation lamentable et dangereuse dont elles avaient connaissance". Constatant néanmoins que la faute commise n’est pas détachable de l’exercice des fonctions, la Cour invite les parties civiles à mieux se pourvoir devant les juridictions administratives. La Cour de cassation casse et annule cet arrêt : pour considérer que les fonctionnaires avaient bien commis le délit d’homicide involontaire , les magistrats auraient dû "rechercher si la saisine d’un médecin psychiatre aurait nécessairement conduit à une hospitalisation d’office de Robert A...". Autrement dit le lien de causalité entre la faute commise par les fonctionnaires et la mort de l’adjoint au maire n’est pas certain.

[1Photo : © Sascha Burkard