Le portail juridique des risques
de la vie territoriale & associative

Marché public d’assurance : l’acte d’engagement prime sur la note de couverture

Cour administrative d’appel de Douai, 4 juin 2013, N° 11DA01474

Une commune est-elle contractuellement liée par une note de couverture contenant un prix supérieur à celui figurant dans l’acte d’engagement faute d’avoir réagi dès réception du document adressé par l’assureur ?

 [1]


Non : une note de couverture adressée par un assureur à son assuré ne constituant pas le contrat d’assurance, le silence de l’assuré en réponse ne peut contractuellement l’engager auprès de l’assureur. C’est le prix figurant sur l’acte d’engagement qui prime. Si cette différence de prix traduit une erreur purement matérielle d’une nature telle qu’il serait impossible à l’une des parties de s’en prévaloir de bonne foi, le juge du contrat, saisi de conclusions en ce sens, a le pouvoir de procéder à la modification du prix stipulé afin de réparer cette erreur. Mais une simple erreur de calcul sur le prix ne constitue pas un vice d’une particulière gravité affectant les conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement et ne saurait, par suite, entraîner la nullité du contrat litigieux.

Une commune [2] retient la candidature d’une mutuelle d’assurance [3] pour l’attribution d’un marché d’assurances couvrant les risques statutaires du personnel. L’assureur adresse à la commune une note dite de couverture décrivant les risques couverts et mentionnant un taux global de tarification de 6,05 % de la masse salariale.

Or l’acte d’engagement signé par le maire mentionne un taux inférieur d’un point à celui indiqué dans la note de couverture. Mais la commune ne s’en aperçoit que deux mois plus tard, sans doute à l’occasion d’un appel à cotisations.

L’assureur refuse de rectifier le taux appliqué et suspend la garantie. La commune le met en demeure de se conformer aux obligations découlant de la signature de l’acte d’engagement du marché.

Le tribunal administratif de Lille, approuvé par la cour administrative d’appel de Douai, donne raison à la commune : la note de couverture adressée par un assureur à son assuré ne constituant pas le contrat d’assurance, le silence de l’assuré en réponse ne peut contractuellement l’engager auprès de l’assureur et donc conférer au taux contesté de 6,05 % un caractère contractuel par acceptation implicite de la commune.

La demande de l’assureur tendant à déclarer la nullité du contrat sur le fondement de l’article 1110 du code civil, faute de rencontre de la volonté des deux parties, est également rejetée. Pour les juges administratifs en effet il y a concordance entre l’offre décrite à l’acte d’engagement et le choix de la commune indiqué dans sa lettre informant la mutuelle que le marché lui est attribué.

En outre aucune des irrégularités susceptibles d’affecter la procédure d’attribution du marché à son titulaire alléguées par la mutuelle et tirées soit du défaut d’accord des volontés des cocontractants, alors que l’acte d’engagement souscrit par la mutuelle a été accepté et signé par le maire, soit de l’erreur sur le prix, ne saurait être regardée comme un vice d’une gravité telle que le juge doive écarter le contrat comme inexistant et que le litige qui oppose les parties ne doive pas être tranché sur le terrain contractuel.

De même, la simple erreur de calcul sur le prix, eu égard aux circonstances dans lesquelles elle a été commise, ne constitue pas un vice d’une particulière gravité affectant les conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement et ne saurait, par suite, entraîner la nullité du contrat en cause.

Tout au plus, poursuit la cour administrative d’appel, l’assureur aurait pu présenter une demande tendant à rectifier le prix figurant au contrat. En effet si le caractère définitif des prix stipulés au marché s’oppose en principe à toute modification unilatérale ultérieure, ce principe ne saurait recevoir application dans le cas exceptionnel où il s’agit d’une erreur purement matérielle et d’une nature telle qu’il serait impossible à l’une des parties de s’en prévaloir de bonne foi. Dans un tel cas, le juge du contrat, saisi de conclusions en ce sens présentées par l’un des cocontractants, a le pouvoir de procéder à la modification du prix stipulé afin de réparer cette erreur.

Aucune demande n’ayant été présentée en ce sens, le contrat doit recevoir pleine et entière application, la demande reconventionnelle de la commune tendant à la résiliation judiciaire étant également rejetée [4].

Cour administrative d’appel de Douai, 4 juin 2013, N° 11DA01474

[1Photo : © Dolnikov Denys

[2Coudekerque-Branche (59), 25 000 habitants

[3Concurrente à la SMACL

[4Faute pour la commune d’avoir mis en œuvre la procédure de résiliation aux torts du titulaire prévue par les articles 24 et 28 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de fournitures courantes et de services (CCAG-FCS).