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La jurisprudence de la semaine du 17 au 21 juin 2013

Associations / Biens et domaines / Fonction publique et droit social / Hygiène et sécurité au travail / Responsabilité pénale / Voirie

(dernière mise à jour le 16/12/2013)

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Associations

 Une association sportive peut-elle, en sa qualité de personne morale, être pénalement responsable du décès accidentel d’un participant survenu au cours d’une compétition dont elle est l’organisatrice même en l’absence d’identification de l’auteur des manquements à la sécurité ?

Oui si l’association n’a pas pris les mesures nécessaires pour garantir la sécurité des participants et si ce manquement a contribué à la réalisation de l’accident. Peu importe que l’auteur, personne physique, des manquements n’ait pas été identifié dès lors que l’infraction n’a pu être commise, pour le compte de l’association, que par son président, responsable de la sécurité, en l’absence de délégation. Est ainsi confirmée la condamnation d’une association sportive du chef d’homicide involontaire après le décès d’un concurrent lors d’une épreuve de vitesse chronométrée.

Cour de cassation, chambre criminelle, 18 juin 2013, N° 12-85917

Biens et domaines

 L’implantation sans titre d’un ouvrage public sur le terrain d’une personne privée caractérise-t-elle nécessairement une voie de fait ?

Non tranche le Tribunal des conflits dès lors qu’elle ne conduit pas à une extinction définitive du droit de propriété. Il s’agit là d’une définition plus restrictive de la voie de fait. La voie de fait impliquait jusqu’ici deux conditions : l’action administrative devait avoir porté une atteinte grave à la propriété privée ou à une liberté fondamentale, et cette action devait avoir revêtu un caractère manifestement illégal. Le Tribunal des conflits, tout en conservant les deux hypothèses de la voie de fait, en réserve le domaine d’application aux atteintes à la liberté individuelle et au droit de propriété, exclusivement en cas d’extinction définitive de ce droit, par analogie avec l’expropriation. Ainsi ne constitue pas une voie de fait relevant de la compétence du juge judiciaire l’implantation, même sans titre d’un ouvrage public (en l’espèce un poteau EDF) dès lors qu’un telle implantation ne procède pas d’un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose la société chargée du service public et qu’elle n’aboutit pas, en outre, à l’extinction d’un droit de propriété.

Tribunal des conflits, 17 juin 2013, N° 13-03911


Fonction publique et droit social

 L’utilisation, par un salarié (ou un fonctionnaire), de son temps de travail à des fins autres que celles pour lesquelles il est rémunéré est-elle pénalement répréhensible ?

Oui répond la Cour de cassation qui estime que les éléments constitutifs de l’abus de confiance sont alors réunis : "l’utilisation, par un salarié, de son temps de travail à des fins autres que celles pour lesquelles il perçoit une rémunération de son employeur constitue un abus de confiance". Pour sa défense l’intéressé ( salarié d’une association gérant un centre de rééducation et de réadaptation fonctionnelles) soutenait qu’il travaillait 60 heures par semaine dans les locaux du centre alors qu’il n’était rémunéré qu’à hauteur de 35 heures hebdomadaires et qu’ainsi ses activités privées avaient été réalisées en dehors de son temps de travail. L’argument n’est pas retenu par les juges qui le condamnent à dix mois d’emprisonnement avec sursis et 50 000 euros d’amende. En statuant ainsi la Cour de cassation procède à une extension notable du champ de l’abus de confiance qui réprime le "le fait par une personne de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé".

Cour de cassation, chambre criminelle, 19 juin 2013 N° 12-83031

 L’absence de mention dans un contrat de travail de la durée du travail a-t-elle une incidence juridique ?

Oui : l’absence d’écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l’emploi est à temps complet. Il incombe à l’employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part, que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur. Cette exigence légale d’un écrit s’applique non seulement au contrat initial, mais aussi à ses avenants modificatifs de la durée du travail ou de sa répartition.

Cour de cassation, chambre sociale, 20 juin 2013, N° 10-20507

 Un salarié qui a engagé des frais professionnels peut-il exiger leur remboursement intégral en contestant le barème forfaitaire opposé par l’employeur ?

Oui : les frais qu’un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur, doivent être remboursés sans qu’ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due. Si le remboursement des frais professionnels peut-être fixé contractuellement de manière forfaitaire, c’est à la double condition :

1° d’une part, que cette somme forfaitaire ne soit pas manifestement disproportionnée au regard du montant réel des frais engagés ;

2° d’autre part, que la rémunération proprement dite du travail reste chaque mois au moins égale au SMIC.

Cour de cassation, chambre sociale, 20 juin 2013, N° 11-19663


Hygiène et sécurité au travail

 Le non port des équipements individuels de sécurité peut-il justifier un licenciement pour faute grave ?

Oui dès lors que le non respect des consignes de sécurité est réitéré et délibéré. Est ainsi justifié le licenciement pour faute grave d’une cadre d’une entreprise privée, qui bien que mise en garde par avertissement et par courrier, sur le caractère impératif des consignes de sécurité en matière d’équipements individuels de sécurité, n’a pas respecté de manière réitérée et délibérée l’obligation de porter les chaussures, les gants, la casquette et le gilet de sécurité. Ce d’autant que l’intéressée était tenue, de par ses fonctions, de donner l’exemple aux membres de l’équipe dont elle était responsable. Ainsi, nonobstant son ancienneté, la salariée s’est rendue coupable d’une faute grave rendant impossible son maintien dans l’entreprise.

Cour de cassation, chambre sociale, 19 juin 2013, 12-14246

Responsabilité pénale

 Un conseiller municipal sans délégation peut-il engager sa responsabilité pénale sur le fondement d’une délégation de fait ?

Non : seule une délégation de fonction en bonne et due forme (par un arrêté municipal) peut opérer transfert de responsabilité pénale. Doit être ainsi cassé l’arrêt qui retient la responsabilité pénale pour homicide involontaire de deux conseillers municipaux sur la base d’une délégation de fait qui leur aurait été consentie tacitement. Relevons cependant qu’un tel raisonnement ne vaut que si est en jeu une abstention fautive : un élu qui participe de manière active (et non passive) à la commission d’une infraction engage sa responsabilité pénale indépendamment de toute délégation.

Cour de cassation, chambre criminelle, 18 juin 2013, N° 12-84368


Voirie

 Une entreprise victime d’un dommage en participant à l’exécution de travaux publics peut-elle rechercher la responsabilité de la personne publique ?

Oui, mais uniquement si il elle rapporte la preuve d’une faute de la personne publique (le régime de responsabilité sans faute ne concernant que les tiers à l’ouvrage public). En l’espèce, un engin de chantier d’une société effectuant des travaux d’enfouissement de canalisations a fait une chute suite à l’effondrement d’un mur de soutènement. L’entreprise de travaux publics recherchait la responsabilité du département reprochant au président du conseil général de ne pas avoir utilisé ses pouvoirs de police pour interdire l’accès temporaire ou permanent de cette route de montagne aux véhicules de fort tonnage. Son action est rejetée, les juges estimant que les caractéristiques de l’ancienne route départementale, d’une largeur suffisante pour permettre le croisement des véhicules, bordée par un parapet et soutenue par un mur, répondaient aux exigences de la sécurité routière et ne nécessitaient pas une interdiction de circulation aux poids lourds. Ce d’autant, ajoute la cour administrative d’appel, que la société ne peut utilement faire valoir que son propre engin aurait dû se voir interdire l’accès au chantier sur lequel il travaillait... Enfin, les juges retiennent que le conducteur de l’engin avait une parfaite connaissance des lieux et de l’état d’avancement des travaux, et ne pouvait ignorer que, sur cette partie spécifique de la chaussée, le sol était meuble et donc instable.

Cour administrative d’appel de Marseille, 17 juin 2013 n°11MA00316

[1Photo : © Treenabeena