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Stérilisation de personnes majeures sous tutelle : violences sur personne vulnérable ?

Cass crim 10 juin 2008 N° de pourvoi : 07-86623 Non publié au bulletin

Depuis la loi du 4 juillet 2004 les stérilisations de personnes majeures handicapées mentales sont réglementairement encadrées. Quelle était la légalité de ces pratiques avant l’entrée en vigueur de cette loi ? [1]

Des parents de personnes handicapées mentales travaillant dans un CAT dénoncent des pratiques de stérilisation qui ont eu lieu de 1995 à 1998. Les familles se constituent partie civile et portent plainte des chefs de violences aggravées sur personnes vulnérables, non-dénonciation de crime et subordination de témoins. Le juge d’instruction rend une ordonnance de non lieu confirmée par la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris :

1° "Aux termes de l’article L. 2123-2 du code de la santé publique dans sa rédaction issue de la loi du 4 juillet 2004, la stérilisation à visée contraceptive de personnes majeures handicapées mentales placées sous tutelle peut, sauf refus ou révocation du consentement, être pratiquée lorsqu’il existe une contre- indication médicale absolue aux méthodes de contraception ou une impossibilité avérée de les mettre en oeuvre efficacement (...) ; il apparaît ainsi que le législateur entend autoriser les stérilisations pratiquées à but exclusivement contraceptif, y compris chez des personnes majeures handicapées mentales"
2° "Les faits dénoncés par les parties civiles ne sauraient constituer une infraction au seul motif que les opérations contestées ont été pratiquées sur des personnes n’ayant pu donner un consentement libre et éclairé (...) ; les opérations litigieuses ayant été pratiquées de 1995 à 1998, soit avant l’entrée en vigueur de l’article L. 2123- 2 du code de la santé publique issu de la loi du 4 juillet 2004 subordonnant l’intervention à une décision du juge des tutelles, il ne saurait être fait grief aux personnes mises en cause par les parties civiles de ne pas avoir alors demandé l’autorisation du juge des tutelles avant de procéder auxdites opérations médicales"
3°"Il résulte des pièces du dossier que les docteurs G... et F... ont recueilli le consentement des parties civiles sans qu’il apparaisse que l’une quelconque des jeunes femmes ait exprimé un refus formel ou ait retiré un consentement donné"
4° "les stérilisations par ligature des trompes pratiquées par le docteur F... paraissent fondées d’un point de vue médical, dès lors que ces interventions sont techniquement réversibles, ce qui implique que la stérilité des parties civiles est elle- même réversible"
5° "l’intention des docteurs G... et F... d’agir dans le seul intérêt des jeunes femmes n’apparaît pas sérieusement discutable compte tenu de l’extrême difficulté, voire de l’impossibilité pour les personnes dont les facultés mentales sont fortement diminuées d’assumer leur rôle parental vis- à- vis de leurs enfants éventuels"
6° "le recours à la stérilisation à visée contraceptive de personnes majeures handicapées mentales, comme en l’espèce, ne contrevient pas nécessairement par lui- même aux stipulations des articles 3, 8 et 12 de la Convention européenne des droits de l’homme et des articles 7 et 23 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966".

Les faits de subordination de témoins imputés à la direction du CAT ne sont pas plus caractérisés. Les parents d’une pensionnaire du centre invoquaient les brimades subies par leur fille (privation de gymnastique, de repas avec les autres et d’activités le samedi, absence de communication, menaces de changement d’établissement) "qui l’avaient fortement perturbée et qui constituaient autant de pressions sur la jeune femme ainsi que sur ses parents, susceptibles de témoigner dans la procédure en cours". Pour le magistrat instructeur, il ne résulte pas de l’information de charges suffisantes contre quiconque et la "plainte semble être surtout la conséquence d’une incompréhension et d’une absence de communication entre les deux parties civiles et la direction du CAT".
Le pourvoi des parties civiles est déclaré irrecevable.

[1Photo : © Pierre-Gilles Markioli