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La jurisprudrence de la semaine du 10 au 14 juin 2013

Association / Assurances / Conseil municipal / Fonction publique et droit social / Marchés publics et contrats / Pouvoirs de police

(dernière mise à jour le 16/12/2013)

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Association

 Une collectivité peut-elle refuser de verser une subvention promise à une association au motif que le département et la région, appelés à cofinancer la manifestation, se sont partiellement désengagés du projet ?

Oui si une réserve en ce sens a été exprimée dans la délibération octroyant la subvention. Attention : la réserve doit également porter sur le niveau de participation requis des autres partenaires de la manifestation. A défaut, si les autres subventions escomptées sont moins importantes que prévues (sans être remises en cause dans leur principe), la collectivité ne peut refuser de remplir ses propres obligations. Est ainsi condamnée à verser l’intégralité de la subvention promise à une association, une structure intercommunale qui avait conditionné l’octroi de la subvention à l’engagement financier conjoint du département et de la région, sans avoir exigé un niveau de participation minimum des ces collectivités.

Tribunal administratif de Rennes, 13 juin 2013, n° 1003046

Assurances

 La garantie est-elle immédiatement et automatiquement suspendue en cas de non paiement de la prime d’assurance ?

Non : à défaut de paiement d’une prime, ou d’une fraction de prime, dans les 10 jours de son échéance, et indépendamment du droit pour l’assureur de poursuivre l’exécution du contrat en justice, la garantie ne peut être suspendue que trente jours après la mise en demeure de l’assuré. Si la prime annuelle a été fractionnée, la suspension de la garantie, intervenue en cas de non-paiement d’une des fractions de prime, produit ses effets jusqu’à l’expiration de la période annuelle considérée.

Cour de cassation, chambre civile, N° 12-21019

Conseil municipal

 La distribution de tracts au cours d’un conseil municipal par des manifestants masqués peut-il constituer le délit d’entrave au déroulement des débats d’un organe délibérant d’une collectivité territoriale ?

Non dès lors que l’attitude des manifestants n’a fait que troubler quelques instants la réunion sans entraver en rien le déroulement des débats du conseil municipal. En effet "le simple trouble apporté à la délibération d’un conseil municipal ne saurait constituer une entrave au sens de l’article 431-1 du code pénal". Est ainsi confirmé la relaxe du leader d’un groupe qui, opposé à un projet de construction d’une mosquée conduit par la municipalité, s’est introduit le visage masqué en pleine séance du conseil municipal en criant et en distribuant des tracts.

Cour de cassation, chambre criminelle, 11 juin 2013, N° 12-85104

Fonction publique et droit social

 Un agent employé pendant neuf années consécutives en CDD peut-il rechercher la responsabilité de la collectivité pour l’avoir ainsi maintenu en situation de précarité ?

Oui mais l’agent commet une faute de nature à exonérer partiellement la collectivité en ne se présentant pas au concours alors que tous ses contrats de travail portaient une mention l’invitant à le faire. En l’espèce l’intéressé obtient 5000 euros en réparation de son préjudice moral.

Cour administrative d’appel de Marseille, 11 juin 2013, n° 10MA02802

 L’administration peut-elle écarter les accusations de harcèlement moral portées par un agent contre son supérieur sur la foi d’une enquête administrative interne ?

Oui dès lors que le rapport d’enquête relate avec précision les différentes démarches et auditions auxquelles il a été procédé pour appréhender de manière complète et objective les difficultés rencontrées au sein du service. En l’espèce, ce rapport a permis d’établir objectivement que la plaignante entretenait des relations tendues tant avec son supérieur hiérarchique qu’avec l’ensemble des agents de l’équipe administrative et technique, les personnels interrogés s’étant tous plaints des " relations déstabilisantes, culpabilisatrices et stressantes " qu’ils entretenaient avec elle. En outre les connaissances fondamentales insuffisantes en matière de gestion budgétaire et comptable rendaient les conditions de travail très difficiles avec l’intéressée. Enfin, le rapport d’enquête n’a pas permis d’établir que les remarques faites à la requérante ou les mesures de réaménagement de son poste auraient eu pour objectif d’entraver volontairement l’exercice de ses fonctions et de lui nuire intentionnellement, ou qu’elles n’auraient pas été justifiées par les nécessités du service. Aucune faute ne peut donc être reprochée à l’administration.

Cour Administrative d’Appel de Nancy, 13 juin 2013, N° 12NC00787

 L’appréciation d’une discrimination syndicale suppose-t-elle nécessairement une comparaison avec la situation d’autres responsables syndicaux ?

Non : l’existence d’une discrimination n’implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d’autres salariés. Ainsi la seule circonstance que des salariés exerçant des mandats syndicaux aient pu bénéficier de mesures favorables n’est pas de nature à exclure en soi l’existence de toute discrimination à l’égard d’autres salariés. Une cour d’appel ne peut ainsi
rejeter la demande de dommages-intérêts pour discrimination syndicale présentée par un salarié, au motif que si l’intéressé a bien fait l’objet d’un traitement désavantageux en matière de formation et de rémunération, la disparité ainsi constatée n’est pas fondée sur son appartenance syndicale, dès lors qu’il est établi que figurent parmi les salariés ayant bénéficié de formation et de promotion, des responsables syndicaux.

Cour de cassation, chambre sociale, 12 juin 2013, N° 12-14153

Hygiène et sécurité au travail

 La faute de l’agent qui s’introduit soudainement dans le périmètre de sécurité délimité autour d’un arbre en cours d’abattage est-elle de nature à exonérer la collectivité ?

Uniquement si cette faute est la cause exclusive de l’accident. Tel n’est pas jugé le cas s’agissant du décès d’un agent employé par une communauté de communes dès lors que des négligences ont été commises dans l’organisation du chantier : d’une part aucun chef d’équipe n’a été formellement désigné pour assurer le respect des règles de sécurité, d’autre part les agents n’ont pas été formés aux travaux d’élagage et d’abattage lesquels nécessitent pourtant des compétences techniques particulières. Il appartenait au président de la communauté de communes de s’assurer que les agents affectés à ces travaux disposaient d’une qualification adaptée et de veiller à l’encadrement et aux contrôle desdits agents.

Tribunal correctionnel de Cahors, 13 juin 2013, N° 331/2013

Pouvoirs de police

 Un maire peut-il mettre en demeure un particulier, sous peine d’exécution d’office par la commune, de retirer les canalisations d’évacuation d’eau pluviale installées sans autorisation sous le domaine public communal ?

Non : la mise en demeure ne peut être assortie d’aucune annonce de sanctions autres que celles susceptibles d’être prononcées après la caractérisation de l’infraction par l’autorité judiciaire. S’il appartient au maire, dans l’exercice de ses pouvoirs de police, de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à un empiètement sur la voie publique et de faire dresser procès-verbal d’une contravention de voirie à la suite d’une mise en demeure de démolir non suivie d’effet, la mise en demeure ne peut être assortie d’aucune annonce de sanctions autres que celles susceptibles d’être prononcées après la caractérisation de l’infraction par l’autorité judiciaire. Excède ainsi ses pouvoirs un maire qui prend un arrêté prévoyant qu’à défaut de suite donnée à la mise en demeure, les travaux seraient exécutés d’office aux frais des propriétaires et que la créance serait recouvrée par émission d’un titre de perception, sans préciser qu’une telle procédure ne peut être engagée qu’après que la juridiction judiciaire ait statué sur l’infraction.

Cour administrative d’appel de Bordeaux, 13 juin 2013, N° 12BX01140

Marchés publics et contrats

 Une commune peut-elle engager sa responsabilité contractuelle en raison du caractère illicite de la vente d’un bien du domaine public qui n’a pas été préalablement déclassé ?

Non : dès lors que le contrat est illicite, le litige né du défaut d’exécution de ce contrat ne peut être réglé sur le terrain contractuel. En revanche le cocontractant peut rechercher la responsabilité de la commune sur le terrain quasi-contractuel. Il peut ainsi obtenir le remboursement de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité. Dans le cas où la nullité du contrat résulte d’une faute de l’administration, il peut en outre, sous réserve du partage de responsabilité découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l’administration. A ce titre il peut demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l’exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé par sa nullité, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre (si toutefois l’indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l’exécution du contrat lui aurait procurée). Ainsi en en lançant une procédure d’appel à projets prévoyant la vente au candidat retenu d’une dépendance domaniale qu’elle avait seulement désaffectée et en signant un compromis de vente d’un terrain dont elle ne pouvait ignorer qu’il faisait partie de son domaine public et qu’il était par conséquent inaliénable en l’absence d’un déclassement préalable, sans non plus y inclure de clause suspensive relative au déclassement de la parcelle préalablement à la régularisation de la vente par acte authentique, la commune a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. Toutefois la société requérante a elle-même commis une faute, en ne vérifiant pas, alors qu’elle est un professionnel de l’immobilier ayant la pratique des transactions portant sur les biens des collectivités publiques, que le terrain en cause, dont elle connaissait l’affectation initiale au service public de l’enseignement, avait fait ou ferait l’objet avant la vente d’un déclassement préalable du domaine public communal. Cette faute est de nature à exonérer la commune à hauteur du tiers de sa responsabilité.

Cour Administrative d’Appel de Nancy, 10 juin 2013, N° 12NC00341

[1Photo : © Treenabeena