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Retrait de délégation d’un élu au sein d’un organisme extérieur

Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, 6 juin 2013, N°1200357

Un conseil municipal peut-il retirer à tout moment la délégation consentie à un conseiller pour représenter la commune au conseil communautaire ?

 [1]


Oui mais sous réserve que cette délibération ne soit pas prise pour des motifs étrangers au bon fonctionnement de l’administration communale ou aux conditions d’exercice de la mission confiée aux délégués. Doit être ainsi annulée la délibération retirant la délégation d’un élu au conseil communautaire au motif qu’il serait "sorti du cadre des idées pour s’attaquer aux personnes" sans que ces accusations ne soient suffisamment étayées. En effet l’intéressé a pu soutenir, sans être sérieusement contredit, qu’il n’a, à aucun moment, contrevenu au règlement intérieur de la communauté de communes, ni tenu de propos discourtois.

Le conseil municipal d’une ville champenoise [2] décide de retirer la délégation à un conseiller municipal en tant que délégué suppléant au conseil communautaire de la communauté de communes.

Il lui est reproché "d’être sorti du cadre des idées pour s’attaquer aux personnes". En effet, à une demande d’explication sur les craintes exprimées contre un projet de création d’une société publique locale (SPL), l’élu a répondu : « ce n’est pas l’outil qui fait peur, ce sont les pilotes. »

L’intéressé attaque la délibération devant le tribunal administratif. A l’appui de sa requête il invoque :

 une insuffisance des éléments fournis dans l’ordre du jour et la note de synthèse explicative pour permettre aux conseillers municipaux de se prononcer objectivement ;

 l’absence de compte-rendu mettant en évidence les faits qui lui sont exactement reprochés.

La commune lui objecte principalement que le code général des collectivités territoriales (CGCT) permet à tout moment au conseil municipal de procéder, en cours de mandat, au remplacement de ses délégués.

Certes, répond le tribunal administratif, mais ce pouvoir n’est pas discrétionnaire : s’il résulte effectivement de l’article L2121-33 du CGCT que les délégations des délégués communautaires peuvent être retirées à tout moment en cours de mandat, c’est sous réserve toutefois que cette décision ne soit pas inspirée "par des motifs étrangers au bon fonctionnement de l’administration communale ou aux conditions d’exercice de la mission confiée à ces délégués".

Or en l’espèce, poursuit le tribunal administratif, le maire ne peut se contenter d’invoquer "l’opposition violente et injurieuse" adoptée par l’intéressé. Pour le tribunal, la matérialité des faits reprochés au requérant n’est pas suffisamment rapportée dès lors que ce dernier soutient, sans être sérieusement contredit, qu’il n’a, à aucun moment, contrevenu au règlement intérieur de la communauté de communes, ni tenu de propos discourtois.

La délibération litigieuse est donc annulée et le tribunal administratif donne deux mois à la commune pour réintégrer l’intéressé en sa qualité de délégué suppléant. A moins d’un an des prochaines élections municipales, nul doute que les délégués titulaires y trouveront une motivation supplémentaire pour représenter avec assiduité la commune au conseil communautaire et neutraliser ainsi les effets du jugement...

Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, 6 juin 2003, N°1200357

[1Photo : © Alan Ottley

[2Sainte-Ménehoulde (5000 habitants)