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Délit de favoritisme et délégation de signature

Cass crim 19 septembre 2007 N° de pourvoi : 06-85003 Publié au bulletin

Le fait pour un élu de déléguer sa signature pour un acte d’engagement procurant à autrui un avantage injustifié, lui permet-il de s’exonérer de sa responsabilité ?


En février 1991, la commission administrative du service départemental d’incendie et de secours d’un département du Centre (CASDIS), décide le lancement d’une procédure d’appel d’offres pour l’équipement d’un centre de traitement des alertes.
Le 1er août 1992, le président de la CASDIS, qui est par ailleurs président du Conseil général, signe l’acte d’engagement avec une société avant même que la commission d’appel d’offres n’ait choisi l’attributaire du marché ! Le groupe de travail, désigné par la commission d’appel d’offres, avait pourtant jugée cette offre" trop hasardeuse et comportant trop de risques ".

Sur injonction du préfet le président revient sur sa décision. Le 20 octobre 1992, la commission d’appel d’offres se réunit en bonne et due forme sous la présidence du vice-président du conseil général titulaire d’une délégation de signature pour exercer les fonctions de président de la CADSIS. C’est la même société qui est désignée comme attributaire du marché.

Les réserves exprimées par le groupe de travail quant aux compétences techniques du prestataire se révèlent fondées et l’autorité publique doit mettre en oeuvre la procédure administrative d’urgence d’exécution du marché par défaut aux frais et risques du titulaire initial. Suite à une dénonciation du président de l’Union départementale des sapeurs pompiers, le procureur de la République ordonne une enquête préliminaire et requiert l’ouverture d’une information judiciaire contre personne non dénommée des chefs de faux et usage, favoritisme et recel.

Dix ans après les faits, le président et le vice-président du Conseil général sont renvoyés devant le tribunal correctionnel du chef de tentative de favoritisme. Le président est reconnu coupable et condamné à 6 mois d’emprisonnement avec sursis et 5000 euros d’amende :

1°/ C’est lui qui a signé « l’acte d’engagement du 1er août 1992 qui confiait le marché du centre de traitement des alertes du SDIS à la société (X), avec, comme sous-traitant, la société (Y), alors que la commission d’appel d’offres ne s’était pas encore réunie pour choisir l’entreprise attributaire » ;

2°/ « A la suite de l’intervention du préfet de l’Indre lui ayant enjoint de retirer ce marché, le prévenu, qui suivait personnellement le déroulement de la procédure d’attribution de ce dernier et ne pouvait plus s’y impliquer directement, a demandé [au vice-président], titulaire d’une délégation de signature en vertu d’un arrêté du 17 juin 1985, de signer l’acte d’engagement du 5 novembre 1992 » ;

3°/ « Le choix des sociétés (...) avait été fait avant la réunion de la commission d’appel d’offres, qui devait formaliser ce dernier par un vote ».

Et les magistrats d’en conclure que sociétés retenues « ont été déclarées attributaires par préférence aux autres candidats et en dehors de toute considération technique ou technologique, pour favoriser des entreprises locales dont l’un des dirigeants entretenait des relations personnelles avec [le président du Conseil général] ».
La cour de cassation approuve cette condamnation dès lors « que le prévenu a participé personnellement aux faits, en signant ou faisant signer, sur ses instructions, les actes d’engagement litigieux ». Peu importe à cet égard « qu’il ait ou non valablement délégué sa signature ».