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Prise illégale d’intérêts par rachat d’un chemin rural déclassé

Cass crim 19 mars 2008 N° de pourvoi : 07-84288 Publié au bulletin

Le délit de prise illégale d’intérêts peut-il être constitué lorsque l’intérêt de l’élu et de la collectivité sont concordants ?


Pour permettre la réalisation d’une voie d’accès à un lotissement, le conseil municipal d’une ville savoyarde (6000 habitants) décide, courant 2003, la cession à un promoteur de deux parcelles communales, dont l’une est limitrophe de la propriété du maire. Il est également procédé au déclassement partiel d’un chemin rural et à l’abandon de la partie déclassée dudit chemin. Après avis favorable du commissaire enquêteur, le conseil municipal autorise, dans un premier temps, la cession à titre gratuit au maire de la commune de la partie déclassée du chemin rural non utilisée. Mais après que le préfet eut soulevé l’illégalité d’un tel don, le conseil municipal décide finalement, non plus de donner, mais de vendre au maire la partie du chemin déclassé.
En janvier 2005 un administré de la commune porte plainte contre le maire pour prise illégale d’intérêts. Il expose qu’en octobre 1997 "il avait signé un compromis de vente avec les propriétaires de l’une des parcelles litigieuses (..) avant d’être informé que cette dernière faisait l’objet d’une préemption par la municipalité". Il estime que le maire a tiré personnellement profit de l’opération puisqu’il a "agrandi la surface de sa propriété en construisant un mur qui englobait un reliquat des parcelles cédées (...) et non utilisé après les travaux de voirie".

Le maire est condamné par la Cour d’appel de Chambéry à 8 mois d’emprisonnement avec sursis, 10 000 euros d’amende et 3 ans d’interdiction des droits civiques, civils et de famille. L’enquête a pu établir en effet qu’un accord verbal a été passé entre le maire et le directeur de la société immobilière selon lequel les reliquats de parcelles restant après les travaux seraient revendus à l’élu, sous réserve que la société en devienne officiellement propriétaire. Dès lors en présidant la séance du conseil municipal qui portait sur la cession des parcelles au promoteur immobilier, le maire s’est rendu coupable de prise illégale d’intérêts "compte tenu de l’implantation de sa propriété par rapport aux travaux envisagés et de l’augmentation de celle-ci qui allait en résulter". Peu importe, dans ces conditions, qu’il n’ait pas participé à la seconde délibération par laquelle le conseil municipal a décidé finalement de lui vendre et non de lui donner le reliquat des terrains non utilisés : "tous les actes de régularisation sont sans incidence sur l’existence de l’infraction au moment de la délibération en cause (...) ; le délit est instantané et (...) ses effets ne peuvent disparaître rétroactivement par l’effet d’actes postérieurs, quels qu’ils soient". Peu importe également que l’opération ait été soumise à enquête publique et que le commissaire enquêteur ait donné son aval.

L’élu se pourvoit en cassation en relevant principalement que le délit ne saurait être constitué dès lors que la commune n’a subi aucun préjudice. La Cour de cassation confirme purement et simplement la condamnation en rappelant à l’élu par un attendu de principe que "l’article 432-12 du code pénal n’exige pas que l’intérêt pris par le prévenu soit en contradiction avec l’intérêt communal".