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Création d’une école de musique intercommunale sur les ruines d’une association en liquidation judiciaire : reprise obligatoire des contrats de travail ?

Cour de cassation, chambre sociale, 24 octobre 2012 N° 11-22206

Un EPCI qui crée une école de musique après la liquidation judiciaire d’une association subitement privée de subventions publiques est-il tenu de reprendre les contrats de travail des salariés de l’association ?

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Non sauf s’il est établi que la structure intercommunale a repris des éléments significatifs d’actifs corporels ou incorporels utilisés par l’association et nécessaires à la poursuite de l’activité. Peu importe que l’association ait dû cesser son activité en raison de l’interruption des subventions publiques.


Une école de musique gérée sous statut associatif est placée en liquidation judiciaire, la commune lui ayant coupé la subvention annuelle de 86000 euros qu’elle lui versait jusqu’alors. Les salariés sont licenciés par le liquidateur de l’association pour motif économique.

Deux ans plus tard, la communauté de communes, dont est membre ladite commune, crée une école de musique et de danse intercommunale. Estimant qu’il y avait eu transfert d’une entité économique autonome, les salariés demandent en justice que leurs licenciements soient privés d’effet.

La cour d’appel de Paris fait droit à leur demande :

 l’école intercommunale ayant le même objet et la même activité que l’école de musique liquidée, il y a bien eu transfert de l’entité économique autonome ;

 l’activité de l’école de musique n’a été interrompue que par la volonté de la communauté de communes qui, en la privant de la majeure partie de ses ressources, la conduisait inéluctablement à la fermeture, cette interruption ayant été mise à profit par la communauté pour organiser la reprise de l’activité de l’école de musique.

Les juges en déduisent que les salariés concernés ont été privés du transfert de leur contrat de travail et ont ainsi fait l’objet d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La Cour de cassation censure un tel raisonnement :

"en statuant ainsi, sans caractériser la reprise par la communauté de communes, d’éléments d’actifs corporels ou incorporels utilisés par l’association et nécessaires à la poursuite de son activité, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision".

En effet l’article L. 1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001, n’impose la reprise des contrats de travail qu’en cas de transfert d’une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise. Le transfert d’une telle entité ne s’opère que si des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l’exploitation de l’entité sont repris, directement ou indirectement, par un autre exploitant.

Cour de cassation, chambre sociale, 24 octobre 2012
N° 11-22206 11-22207 11-22208 11-22209 11-22210 11-22211 11-22212 11-22213 11-22214

[1Photo : © Tomasz Trojanowski