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Stagnation d’eaux usées sur les filtres d’une station d’épuration : désordres rendant l’ouvrage impropre à sa destination

Tribunal administratif de Poitiers, 19 septembre 2012, N°1002686

Une collectivité ayant confié une mission de maîtrise d’œuvre à la DDE pour la construction d’une station d’épuration peut-elle se retourner contre l’Etat si elle constate une stagnation des eaux usées rendant l’ouvrage impropre à sa destination ?

 [1]


Oui au titre de la garantie décennale, dès lors que les désordres, non apparents lors de la réception de l’ouvrage, sont imputables à plusieurs erreurs ou omissions dans le cahier des charges techniques de la station, fourni par la DDE, maître d’œuvre. La présence d’effluents stagnant à la surface des filtres et causant des débordements est bien de nature à rendre la station d’épuration impropre à sa destination, justifiant ainsi la mise en jeu de la garantie décennale. L’Etat est condamné à verser plus de 120 000 euros HT à une communauté de communes pour la dédommager des frais qu’elle a dû engager pour remédier aux désordres.

Un peu plus d’un an après avoir réceptionné sans réserves les travaux de construction d’une station d’épuration par filtres à sable sur tertre, une communauté de communes [2] constate une stagnation d’eaux usées sur l’un des filtres.

L’expert désigné par le juge des référés constate que les compartiments du lit de la station sont recouverts d’effluents stagnant à la surface des filtres causant des débordements comme l’atteste notamment la présence d’eau stagnante dans le fossé qui ceinture la station.

La communauté de communes actionne la garantie décennale et demande à l’Etat de l’indemniser, la DDE ayant assuré la mission de maîtrise d’œuvre. Le tribunal administratif de Poitiers lui donne raison.

Les désordres constatés sont en effet "principalement imputables à plusieurs erreurs ou omissions dans le cahier des charges techniques de la station, fourni par le maître d’œuvre concernant le mode d’alimentation de la station d’épuration, par pompage et non gravitaire, et le débit de pointe".

Rendant l’ouvrage impropre à sa destination, ces désordres sont bien de nature à engager la responsabilité décennale du constructeur sur le fondement des principes dont s’inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil. En effet cette garantie :


 s’applique aux "désordres qui, n’étant pas apparents au moment de la réception, sont de nature à rendre l’ouvrage impropre à sa destination ou affectent la solidité de ce dernier" ;


 "est due par les constructeurs, en l’absence même de faute imputable à ces derniers, dès lors que les désordres peuvent être regardés comme leur étant imputables au titre des missions qui leur ont été confiées par le maître de l’ouvrage dans le cadre de l’exécution des travaux litigieux".

L’Etat est en conséquence condamné à verser plus de 120 000 euros à la communauté de communes en dédommagement des sommes qu’elle a dû engager pour remédier aux désordres [3] et procéder aux études supplémentaires.

Tribunal administratif de Poitiers, 19 septembre 2012, N°1002686

[1Photo : © Matthew Cole

[2Communauté de communes Coeur du Poitou (79)

[3Abandon de la filière de traitement par décanteur-digesteur et transformation de la station en filtre à sable planté de roseaux.