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La jurisprudence de la semaine du 1er au 5 octobre 2012

Elections / Etat civil / Fonction publique et droit social / Marchés publics et contrats / Pouvoirs de police / Responsabilités / Transports et voirie

(dernière mise à jour le 3/07/2013)

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Elections

 La diffusion d’un courriel diffamatoire entre les deux tours d’une élection est-il de nature à altérer la sincérité du scrutin ?

Oui mais encore faut-il que le candidat battu puisse démontrer, si l’écart des voix est important, que la diffusion du message litigieux a été suffisamment large pour jouer sur les résultats. Ainsi la diffusion entre les deux tours d’un long message électronique anonyme comportant notamment une présentation critique du parcours politique d’un candidat et des insinuations relatives à son honnêteté et à celle de sa famille, ainsi qu’une invitation à le transmettre largement à d’autres correspondants, n’est pas, eu égard à l’écart de voix entre le requérant et le candidat élu, de nature à altérer la sincérité du scrutin. En effet, "si ce message était susceptible de discréditer le requérant dans l’esprit des électeurs, il n’est cependant pas allégué qu’il aurait fait l’objet d’une diffusion sous forme de tracts imprimés ni établi que sa diffusion par voie électronique aurait été importante".

Conseil constitutionnel, 4 octobre 2012, n° 2012-4599 AN

 L’obligation faite aux gens du voyage de justifier de trois ans de rattachement ininterrompu dans la même commune pour leur inscription sur la liste électorale est-elle contraire au principe d’égalité des citoyens devant la loi ?

Oui : les principes constitutionnels "s’opposent à toute division par catégories des électeurs ou des éligibles". En effet la qualité de citoyen doit ouvrir "le droit de vote et l’éligibilité dans des conditions identiques à tous ceux qui n’en sont pas exclus pour une raison d’âge, d’incapacité ou de nationalité, ou pour une raison tendant à préserver la liberté de l’électeur ou l’indépendance de l’élu". Ainsi en imposant aux personnes circulant en France sans domicile ou résidence fixe de justifier de trois ans de rattachement ininterrompu dans la même commune pour leur inscription sur la liste électorale, les dispositions du troisième alinéa de l’article 10 de la loi du 3 janvier 1969 sont contraires à la Constitution.

Conseil constitutionnel, 5 octobre 2012, n° 2012-279 QPC


Etat civil

 L’obligation faite aux personnes sans domicile ni résidence fixe d’être munies d’un titre de circulation est-elle contraire au principe d’égalité des citoyens devant la loi ?

Non. En effet :

 le but législateur est de "permettre, à des fins civiles, sociales, administratives ou judiciaires, l’identification et la recherche de ceux qui ne peuvent être trouvés à un domicile ou à une résidence fixe d’une certaine durée, tout en assurant, aux mêmes fins, un moyen de communiquer avec ceux-ci" ;

 "ces dispositions sont fondées sur une différence de situation entre les personnes, quelles que soient leurs nationalités et leurs origines, qui ont un domicile ou une résidence fixe de plus de six mois et celles qui en sont dépourvues" ;

 "la distinction qu’elles opèrent repose sur des critères objectifs et rationnels en rapport direct avec le but que s’est assigné le législateur" et "n’instituent aucune discrimination fondée sur une origine ethnique".

En outre, "l’atteinte portée à la liberté d’aller et de venir qui en résulte est justifiée par la nécessité de protéger l’ordre public et proportionnée à cet objectif".

Conseil constitutionnel, 5 octobre 2012, n° 2012-279 QPC

 L’obligation faite aux gens du voyage d’être munis d’un livret spécial de circulation est-il contraire au principe d’égalité ?

Non : en distinguant, parmi les personnes n’ayant ni domicile ni résidence fixe depuis plus de six mois celles qui pratiquent un mode de vie itinérant en logeant de façon permanente dans un abri mobile pour les soumettre à des règles particulières de délivrance et de visa des titres de circulation, les dispositions de la loi du 3 janvier 1969 instituent une différence de traitement fondée sur une différence de situation en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit et, par suite, ne méconnaissent pas le principe d’égalité. En outre, l’obligation de prorogation périodique de la validité de ces titres ne porte pas une atteinte inconstitutionnelle à la liberté d’aller et de venir.

Conseil constitutionnel, 5 octobre 2012, n° 2012-279 QPC

 L’instauration de deux régimes différents de titres de circulation selon que les gens du voyage justifient ou non de ressources régulières est-elle conforme à la Constitution ?

Non : "une telle différence de traitement n’est pas en rapport direct avec les fins civiles, sociales, administratives ou judiciaires poursuivies par la loi". Elle est ainsi déclarée contraire à la Constitution. En outre "en imposant que le carnet de circulation soit visé tous les trois mois par l’autorité administrative et en punissant d’une peine d’un an d’emprisonnement les personnes circulant sans carnet de circulation, les dispositions de l’article 5 de la loi du 3 janvier 1969 portent à l’exercice de la liberté d’aller et de venir une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi ."

Conseil constitutionnel, 5 octobre 2012, n° 2012-279 QPC

 L’obligation faite aux gens du voyage de choisir une commune de rattachement est-elle contraire à la liberté d’aller et de venir ?

Non :

 "l’obligation de rattachement à une commune imposé aux personnes dépourvues de domicile ou de résidence fixe depuis plus de six mois est destinée à remédier à l’impossibilité, pour elles, de satisfaire aux conditions requises pour jouir de certains droits ou de remplir certains devoirs" ;

 "cette obligation ne restreint ni la liberté de déplacement des intéressés, ni leur liberté de choisir un mode de logement fixe ou mobile, ni celle de décider du lieu de leur installation temporaire" ;

 "elle ne restreint pas leur faculté de déterminer un domicile ou un lieu de résidence fixe pendant plus de six mois" et "n’emporte pas davantage obligation de résider dans la commune dont le rattachement est prononcé par l’autorité administrative".

Conseil constitutionnel, 5 octobre 2012, n° 2012-279 QPC


Fonction publique et droit social

 Le fait d’affubler une personne d’un sobriquet associé à son origine étrangère et de lui donner pour instruction de ne pas faire usage de son nom patronymique pour ne pas déplaire à la clientèle (ou aux usagers) peut-il être constitutif de harcèlement moral ?

Oui : l’infraction de harcèlement moral est constituée en cas d’agissements de cette nature ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité de la personne visée, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. La Cour de cassation annule la relaxe d’un employeur s’étant comporté de la sorte, reprochant à la cour d’appel d’avoir considéré que ces agissements, même s’ils sont avérés, ne présentaient pas le caractère de répétition exigé par l’article 222-33-2 du code pénal, s’agissant de faits ponctuels.

Cour de cassation, chambre criminelle, 2 octobre 2012, 11-82239


Hygiène et sécurité au travail

 Le défaut de formulation d’observations par les autorités administratives chargées du contrôle de la conformité des équipement de travail est-elle de nature à exonérer l’employeur en cas d’accident ?

Non. En l’espèce un employeur poursuivi pour blessures involontaires avait été relaxé au motif que l’absence de conformité de la machine à l’origine de l’accident ne pouvait être tenue pour fautive, dès lors que ni les agents de la Caisse régionale d’assurance maladie ni ceux de l’inspection du travail qui étaient venus dans l’entreprise n’avaient relevé sur la machine des anomalies en matière de sécurité. La Cour de cassation censure cette position dès lors que le défaut de formulation d’observations de la part des autorités administratives est impropre à exonérer la société poursuivie de son obligation de veiller à la stricte et constante application des règles de sécurité.

Cour de cassation, chambre criminelle, 2 octobre 2012, N° 11-83228


Marchés publics et contrats

 Un guide d’utilisation d’une plate-forme dématérialisée a-t-il une valeur juridique opposable aux candidats ?

Oui si le respect de ce guide est imposé par le règlement de la consultation. Une entreprise dont la candidature a été rejetée ne peut ainsi reprocher à un acheteur public de ne pas s’être assuré qu’un courriel l’invitant à compléter son dossier a bien été réceptionné. En effet le guide d’utilisation de la plate-forme dématérialisée, dont le respect était imposé par le règlement de consultation, mettait seulement à la charge de l’acheteur le soin d’adresser aux candidats, à l’adresse électronique indiquée par eux, un message d’alerte les invitant à se rendre sur cette plate-forme pour prendre connaissance des compléments d’information demandés et y répondre (à charge pour les candidats d’activer le lien électronique pour pouvoir accéder au contenu de ce message et compléter le dossier de candidature dans le délai imparti).

Conseil d’État, 3 octobre 2012, N° 359921

 Une entreprise dont la candidature a été rejetée peut-être admise à la négociation lorsque le pouvoir adjudicateur a décidé, après avoir constaté le caractère infructueux de l’appel d’offres, de recourir à une procédure négociée ?

Non : les négociations ne peuvent être engagées qu’avec les seuls candidats ayant, dans le cadre de l’appel d’offres, déposé une offre, qu’elle ait été écartée comme irrégulière ou inacceptable. Une entreprise dont la candidature a été écartée doit être considérée comme n’ayant pas déposé d’offre.

Conseil d’État, 3 octobre 2012, N° 359921


Pouvoirs de police

 Une commune peut-elle être responsable de l’accident survenu à des randonneurs, qui sortant d’un sentier officiel balisé, se sont aventurés dans le lit d’une rivière pour accéder à un site pittoresque en suivant les indications d’un balisage sauvage ?

Oui répond le tribunal administratif de Saint-Denis (un appel est en cours) dès lors que le site, très fréquenté et dûment répertorié par les principaux guides touristiques et de randonnée, est particulièrement dangereux, son accès n’étant possible qu’en traversant des terrains extrêmement instables. La commune ne peut ignorer l’existence du sentier permettant d’y accéder, lequel est doté, d’une esquisse de marquage de nature à inciter le public à l’emprunter. Peu importe que ce balisage ne résulte pas d’une initiative officielle. En s’abstenant de toute mesure destinée à informer le public ou à interdire l’accès à ce site présentant un danger particulier et connu, le maire a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune.

Tribunal administratif de Saint-Denis, 4 octobre 2012, N°1000710


Responsabilités

 Des jeunes qui s’introduisent clandestinement dans une école peuvent-ils, en cas d’accident, rechercher la responsabilité de la commune ?

Potentiellement oui puisque les intrus sont assimilés à des usagers de l’ouvrage public. Pour autant la commune peut s’exonérer de sa responsabilité en rapportant la preuve d’un entretien normal de l’ouvrage public ou un usage anormal de l’ouvrage par les victimes. Une commune n’est ainsi pas jugée responsable de l’accident survenu à un adolescent qui s’est introduit de nuit dans une école maternelle et qui a chuté du toit sur lequel il était monté après s’être assis sur un skydome qui a cédé sous son poids. Attention cependant : la responsabilité de la commune peut également être recherchée pour défaillance du maire dans l’exercice de son pouvoir de police si l’ouvrage public est réputé être un lieu de rassemblement clandestin et qu’aucune disposition n’a été prise pour y mettre un terme.

Cour administrative d’appel de Douai, 2 octobre 2012, N° 11DA01921


Transports et voirie

 L’absence de détermination par le législateur des modalités particulières de la participation financière susceptible d’être réclamée en contrepartie du transfert de biens entre la Société du Grand Paris et le Syndicat des transports d’Ile-de-France (STIF) est-il contraire au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales ?

Non répond le Conseil constitutionnel qui juge conformes à la Constitution les dispositions du II de l’article 20 de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris :

 d’une part la loi renvoie à un décret en Conseil d’Etat le soin de préciser, notamment, les conditions de rémunération de la Société du Grand Paris pour l’usage ou le transfert de propriété de ses lignes, ouvrages, installations ainsi que de ses matériels ;

 d’autre part "les dispositions contestées n’ont pas pour effet de priver de garanties légales les exigences découlant du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales qui composent le Syndicat des transports d’Ile-de-France".

Conseil constitutionnel, 5 octobre 2012, n° 2012-277 QPC


[1Photo : © Treenabeena