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Conformité des équipements de travail aux nouvelles normes de sécurité

Cour d’appel de Poitiers, 13 septembre 2012, N° 12/00586

Les équipements de travail doivent-ils être mis en conformité avec les dernières prescriptions techniques de sécurité ?

 [1]


Uniquement si le texte instaurant les nouvelles prescriptions le prévoit expressément. En principe les équipements de travail doivent "juste" être maintenus en état de conformité avec les règles techniques de conception et de construction applicables lors de leur mise en service dans la collectivité. Toutefois, un texte peut expressément imposer à l’employeur de mettre en conformité, dans un délai imparti, les équipements de travail avec de nouvelles prescriptions techniques de sécurité. Tel est le cas, par exemple, du décret du 2 décembre 1998 qui imposait, pour certains équipements de travail, une mise en conformité avant le 5 décembre 2002. En l’espèce, la cour d’appel de Poitiers relaxe néanmoins un élu poursuivi à la suite de l’accident dont a été victime un apprenti en utilisant un motoculteur non conforme à ces nouvelles prescriptions. Les magistrats ne retiennent en effet contre l’élu aucune faute délibérée ou caractérisée dès lors que le matériel était conforme aux normes applicables lors de son acquisition et que la défectuosité du matériel, consécutive à la nouvelle réglementation, ne lui avait pas été signalée.

Le maire d’une commune poitevine (7000 habitants), et la collectivité territoriale personne morale, sont poursuivis pour blessures involontaires après qu’un jeune apprenti se soit blessé en compactant des gravillons avec un motoculteur dans la cour d’une école [2].

Trois causes principales de l’accident sont identifiées par l’expert :

 l’absence de poignée "homme mort" du motoculteur imposée par le décret du 2 décembre 1998 ;

 l’utilisation inappropriée du motoculteur sur un terrain gravillonneux ;

 le caractère trop ample de la tenue fournie à l’apprenti dont le pantalon a été happé par les fraises de l’engin.

Le tribunal correctionnel de Poitiers relaxe la commune mais condamne le maire à une peine de 1500 euros d’amende avec sursis : en sa qualité de chef d’établissement le maire doit « s’assurer de la santé et de la sécurité au travail de ses préposés ». Peu importe, selon le tribunal, que l’attention du maire n’ait pas été attirée sur la défectuosité du motoculteur : à défaut d’avoir lui-même les compétences techniques, ou d’être entouré de subordonnés maîtrisant cette compétence, le maire pouvait tout à fait confier le contrôle du matériel, comme il l’a d’ailleurs fait après l’accident, à un prestataire extérieur.

Avis que ne partage pas la cour d’appel de Poitiers qui relaxe le maire. La cour d’appel concède bien qu’une faute a été commise dès lors qu’en vertu du décret du 2 décembre 1998, le motoculteur aurait dû être mis aux normes avant le 5 décembre 2002. Pour autant, les magistrats poitevins refusent d’y voir là une violation manifestement délibérée d’une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, ni même une faute caractérisée exposant autrui à un risque que l’élu ne pouvait ignorer.

En effet :

 la faute litigieuse concerne une "prescription extrêmement technique" [3] ;

 l’appareil était aux normes lorsque la collectivité en a fait l’acquisition ;

 aucun élément du dossier ne prouve que le maire ait été personnellement informé de la défectuosité du matériel.

Quant à la responsabilité de la commune, personne morale, elle ne peut davantage être retenue, les collectivités territoriales ne pouvant engager leur responsabilité que s’agissant des activités susceptibles de délégation de service public. Tel n’est pas jugé le cas en l’espèce au regard du critère de la rémunération du délégataire [4] :

"l’activité à l’occasion de laquelle l’accident s’est produit, qu’on la considère sous l’angle de l’apprentissage ou sous celui de l’entretien d’espaces verts, ne répond en rien à ce critère particulier du mode de financement qui fait la spécificité de la délégation de service public".

Cour d’appel de Poitiers, 13 septembre 2012, N° 12/00586

[1Photo : © Airwave

[2Sur les détails des circonstances de l’accident, voir le lien proposé en fin d’article

[3Il est vrai qu’il est parfois très difficile de s’y retrouver dans la réglementation applicable. Cet argument de la cour d’appel reste néanmoins surprenant dans la mesure où, par essence, les prescriptions de sécurité sont nécessairement techniques. Il serait contre-productif en terme de prévention, et périlleux juridiquement, d’en conclure que les collectivités peuvent s’en affranchir pour autant !

[4Qui doit être liée de manière substantielle aux résultats de l’exploitation du service