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Annulation en justice d’une subvention versée à une association : quelle responsabilité de la collectivité ?

Conseil d’État, 20 juin 2012, N° 342666

Une association peut-elle obtenir réparation du préjudice résultant de l’annulation d’une délibération octroyant une subvention, faute pour la commune d’avoir respecté les formes requises par le code général des collectivités territoriales ?

 [1]

Oui dès lors qu’aucun principe ni aucune disposition ne faisaient obstacle, sur le fond, à l’octroi de la subvention litigieuse. Engage ainsi sa responsabilité la commune dont la subvention à une association a été annulée (et donc remboursée) au motif que la note explicative de synthèse prévue par les dispositions du premier alinéa de l’article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales n’a pas été remise aux membres du conseil municipal. En effet il n’est pas démontré que les membres du conseil municipal n’auraient pas alloué la subvention litigieuse s’ils avaient reçu la note de synthèse imposée par les textes. L’association est ainsi fondée à réclamer non seulement le montant de la subvention annulée mais également les intérêts de l’emprunt que l’association à dû souscrire pour son remboursement.

En novembre 1999, une commune accorde à une association catholique d’éducation populaire une subvention d’un million de francs [2] affectée au financement des travaux de délocalisation et d’extension des locaux de cet établissement d’enseignement supérieur. Mais un an plus tard, le tribunal administratif de Dijon annule cette délibération au motif que la note explicative de synthèse prévue par les dispositions du premier alinéa de l’article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales n’a pas été remise aux membres du conseil municipal.

Petit problème : l’association a déjà utilisé les fonds... Elle se trouve ainsi contrainte de souscrire un emprunt pour rembourser la subvention à la commune. Elle se retourne ensuite contre la commune, estimant que celle-ci a commis une faute en ne respectant les formes requises par le code général des collectivités territoriales et lui réclame, outre le montant de la subvention initiale, le remboursement des intérêts de l’emprunt.

Les juridictions administratives lui donnent raison et condamnent la commune à verser à l’association la somme de 174 052,89 euros incluant, d’une part, le montant de la subvention litigieuse et, d’autre part, des frais financiers [3] liés au reversement de la subvention.

Après un premier arrêt de cassation et un renvoi devant la cour administrative d’appel, l’affaire ne revient devant le Conseil d’Etat qu’en juin 2012, soit 13 ans après l’attribution de la subvention litigieuse.

Le Conseil d’Etat siffle la fin de la partie et confirme la condamnation de la commune :

 dès lors que la subvention litigieuse a exclusivement pour objet de contribuer au financement de l’extension de bâtiments destinés à l’enseignement supérieur, la délibération du conseil municipal n’a pas méconnu " le principe de laïcité de l’Etat et des collectivités publiques défini par la loi du 9 décembre 1905 ". Peu importe que cette association aurait par ailleurs des activités cultuelles et que ses biens seraient susceptibles, à terme, de devenir la propriété de l’Eglise catholique ;

 ainsi sur le fond, "aucun principe ni aucune disposition ne faisaient obstacle à l’octroi de la subvention litigieuse" ;

 il n’est pas démontré que les membres du conseil municipal auraient pu ne pas allouer la subvention litigieuse s’ils avaient reçu la note de synthèse prévue par l’article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales ;

 la perte par l’association de la subvention litigieuse résulte directement de la méconnaissance fautive, par la commune, des dispositions de l’article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales sans qu’aucune imprudence imputable à l’association ne soit susceptible d’atténuer la responsabilité de la commune.

Conseil d’État, 20 juin 2012, N° 342666

[1Photo : © Elena Elisseeva

[2153856 euros

[3Intérêts versés par l’association au titre de l’emprunt souscrit pour son remboursement