Le portail juridique des risques
de la vie territoriale & associative

Alcoolémie, inaptitude au travail et responsabilité de l’employeur

Cass crim 20 mars 2007 n° de pourvoi 06-85638

Quelles sont les conséquences juridiques d’une demande de reclassement d’un agent par la médecine du travail ? L’état d’ébriété de la victime constitue-t-elle une cause d’exonération pour l’employeur ?


Cette affaire produite dans une entreprise privée aurait pu se produire dans les mêmes circonstances dans une collectivité. Un bûcheron décède des suites d’un accident du travail. L’enquête permet d’établir que l’agent était en état d’ébriété au moment des faits et qu’il a commis une faute de négligence en passant sous un arbre encroué. Le chef d’entreprise est poursuivi pour homicide involontaire. Il lui est reproché de ne pas avoir tenu compte d’un avis du médecin du travail recommandant le reclassement de l’agent à la suite d’un premier accident du travail qui lui avait valu 18 mois d’arrêt de travail.

Le chef d’entreprise est condamné à 6 mois d’emprisonnement avec sursis, ce que confirme la Cour de cassation dans son arrêt du 20 mars 2007 :
 Il « appartient au chef d’entreprise de veiller personnellement et à tous moments à la stricte et constante application des dispositions réglementaires destinées à assurer la sécurité de son personnel, de prévoir et éventuellement de pallier les risques particuliers auxquels il expose ses salariés ».

 « Il ne peut être exonéré de sa responsabilité pénale que s’il apporte la preuve que la victime a commis une faute imprévisible, cause unique et exclusive de l’accident ou s’il est constaté qu’il a délégué de manière certaine et non ambiguë la direction du chantier à une personne investie par lui, pourvue de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires à ses obligations ».

 « En effet si l’article L. 230-3 du même code prévoit qu’il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa sécurité et de sa santé ainsi que celle des autres personnes concernées du fait de ses actes ou de ses omissions, l’article L. 230-4 prévoit que les dispositions de l’article précédent n’affectent pas le principe de la responsabilité des employeurs ou chefs d’établissement ».

 « S’ il est certain que la victime a commis des fautes en relation de causalité avec l’accident, à savoir, d’une part, qu’elle est passée sous un arbre encroué, d’autre part, qu’elle était sous imprégnation alcoolique (...) pour autant, il incombe à la cour de rechercher si l’employeur n’a pas lui aussi commis une ou plusieurs fautes (entrant dans les prévisions de l’article 121-3 du code pénal) qui ont concouru à la réalisation de l’accident. »

Or lorsque le salarié a repris son travail en avril 2000 à la suite du premier accident du travail dont il avait été victime, aucune visite médicale de reprise n’a été sollicitée par l’employeur en violation des articles R. 241-51 et R. 241-51-1 du code du travail. Ce n’est que le 26 mai 2000, soit près de deux mois après sa reprise, que le salarié a fait l’objet d’une visite médicale. A cette occasion « le médecin du travail, s’il n’a pas estimé qu’il y avait danger immédiat, a néanmoins fait connaître à l’employeur que les séquelles présentées par le salarié étaient difficilement compatibles avec son poste de bûcheron débardeur, son handicap entraînant une augmentation de la pénibilité et un risque d’accident important en terrain accidenté et pentu (ce qui est fréquent dans la région) et a indiqué, tout en précisant qu’il pouvait travailler en terrain plat, qu’il fallait envisager un reclassement et demandait à l’employeur de lui répondre dans les quinze jours pour lui permettre de prendre position sur l’aptitude pour la seconde visite ». L’employeur n’ayant pas répondu à cette demande, « la victime a repris son travail dans les mêmes conditions qu’avant son premier accident ».