Le préfet peut-il déclarer démissionnaire d’office un élu condamné à une peine d’inéligibilité bien que la condamnation ne soit pas encore définitive ?
Un maire, par ailleurs conseiller communautaire, est condamné en première instance du chef de favoritisme et de détournement de biens publics. Il lui est notamment reproché d’avoir :
– favorisé une entreprise dans l’attribution d’un marché public en lui confiant la rédaction du cahier des charges ;
– confié à des fonctionnaires municipaux la réalisation de travaux à son domicile [1].
En répression l’élu est condamné à douze mois d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 10 000 euros. Le tribunal correctionnel prononce également une peine complémentaire de privation de ses droits électoraux et de son droit d’éligibilité pour une durée de 5 ans. Il déclare cette dernière peine, comme l’y autorise l’article 471 du code de procédure pénale, exécutoire par provision.
Sur la base de ce jugement non définitif, un appel ayant été interjeté, le préfet engage une procédure de démission d’office à l’encontre de l’élu. Nul ne peut en effet exercer un mandat électif alors qu’il est privé de ses droits civiques.
L’élu conteste une telle procédure, la cour d’appel pouvant encore le relaxer des chefs de la prévention ou, en cas de confirmation de sa culpabilité, ne pas juger adaptée la peine d’inéligibilité prononcée par le tribunal correctionnel. Il soulève une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la faculté laissée ainsi au juge pénal de déclarer exécutoire par provision une peine d’inéligibilité.
Le Conseil d’Etat botte en touche, les dispositions contestées [2] ne pouvant être regardées comme applicables au litige dont le juge administratif est saisi. Or il s’agit là de l’une des trois conditions autorisant le Conseil d’Etat à saisir le Conseil constitutionnel d’une QPC [3].
Il faudra donc attendre une éventuelle transmission d’une QPC présentée devant les juridictions répressives pour connaître la position du Conseil constitutionnel sur ce point.
Le Conseil d’Etat valide en conséquence la procédure de démission d’office engagée par le préfet :
Le tribunal correctionnel d’Aix-en-Provence ayant décidé l’exécution par provision de la peine complémentaire de privation des droits électoraux et d’éligibilité, c’est à bon droit que le préfet a constaté que l’intéressé était privé du droit électoral et, en application de l’article L. 236 du code électoral, l’a immédiatement déclaré démissionnaire de ses mandats de conseiller municipal et de conseiller communautaire.
[1] Ce qui a d’ailleurs valu au directeur des services techniques d’être également poursuivi et condamné.
[2] Quatrième alinéa de l’article 471 du code de procédure pénale
[3] Il résulte en effet des dispositions de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité par le Conseil d’Etat à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux