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Prise illégale d’intérêts : quel lien de parenté ?

TC Cayenne 20 mars 2007 n° 607/2007

Le fait pour une commune de contracter avec le beau-père du frère du maire peut-il tomber sous le coup de l’article 432-12 du code pénal réprimant le délit de prise illégale d’intérêts ?


Sur plainte avec constitution de partie civile d’une association de contribuables et du nouvel élu qui lui a succédé, le maire d’une commune de 1000 habitants, est poursuivi pour favoritisme, prise illégale d’intérêts et détournement d’objets publics.

Il lui est reproché :
1° d’avoir fait réaliser des travaux (mairie annexe) pour un montant de 125 643 euros « sans passer par une procédure de marché public et en ne respectant pas la publicité de l’opération (publication dans un journal habilité à recevoir des annonces judiciaires ou légales ou au BOAMP) » ;

2° d’avoir confié ces travaux à une entreprise dirigée par le beau-père de son frère ;

3° d’avoir utilisé des fonds publics « à des fins étrangères à celles prévues pour le fonctionnement d’une commune dont notamment l’achat de bijoux pour 4155,50 euro en 2003, 3093 euro en 2002, et des sous-vêtements et effets féminins pour 1653 euro en 2002 ».

L’élu est condamné par le Tribunal correctionnel à six mois d’emprisonnement avec sursis, 3 000 euros d’amende et 3 ans d’inéligibilité. Au civil l’élu est condamné à rembourser à la commune les quelques 9000 euros détournés dès lors que les achats des bijoux et des sous-vêtements féminins sont manifestement étrangers à l’intérêt de la commune et ce, même si l’on admet, comme le prétend l’élu pour sa défense, qu’ils « étaient destinés au personnel de la commune » !

S’agissant du délit de favoritisme les magistrats ne se montrent guère plus réceptifs à l’argumentation de l’élu qui invoque son ignorance des procédures à respecter : « s’il prend prétexte d’avoir dû se séparer dès le début de son mandat du directeur général des services, il lui appartenait de le remplacer par une personne compétente, plutôt que de recruter des membres de sa famille, ou de se former lui même, et non de se targuer de sa propre incompétence ».

Concernant enfin le délit d’ingérence, « il doit être considéré que le beau-père du frêre du [maire] est un parent largement assez proche pour caractériser la prise illégale d’intérêts ». En effet « la Guyane est caractérisée par une petite population mais par de grandes familles qui se connaissent voire se fréquentent ». On aurait pu penser que ce particularisme local aurait pu jouer en faveur du prévenu : dès lors que tout le monde se fréquente il devient difficile de ne pas tomber sous le coup du délit sauf à faire appel à des entreprises métropolitaines ou étrangères. Pour le tribunal, au contraire, il s’agit d’un élément à charge supplémentaire prouvant que l’on peut remonter plus loin dans l’échelle de la parenté...