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La jurisprudence de la semaine du 7 au 11 mai 2012

Contentieux et procédures / Fonction publique et droit social / Marchés publics et contrats / Responsabilités / Urbanisme

(dernière mise à jour le 11/07/2012)

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Contentieux et procédures

 Les membres de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) peuvent-ils accéder à des locaux professionnels en dehors de leurs heures normales de fonctionnement et en l’absence du responsable du traitement informatique ?

Oui mais sous réserve d’y avoir été autorisé par le juge judiciaire ou, à défaut, d’avoir reçu l’accord du responsable des locaux préalablement informé de son droit de s’opposer à une telle visite :

"en raison tant de l’ampleur de ces pouvoirs de visite des locaux professionnels et d’accès aux documents de toute nature qui s’y trouvent que de l’imprécision des dispositions qui les encadrent, cette ingérence ne pourrait être regardée comme proportionnée aux buts en vue desquels elle a été exercée qu’à la condition d’être préalablement autorisée par un juge ;

(...), toutefois, la faculté du responsable des locaux de s’opposer à la visite, laquelle ne peut alors avoir lieu qu’avec l’autorisation et sous le contrôle du juge judiciaire, offre une garantie équivalente à l’autorisation préalable du juge ;

(...) une telle garantie ne présente néanmoins un caractère effectif que si le responsable des locaux ou le représentant qu’il a désigné à cette fin a été préalablement informé de son droit de s’opposer à la visite et mis à même de l’exercer".

Conseil d’État, 7 mai 2012, N° 327995


Fonction publique et droit social

 Les agents travaillant à temps partiel ont-ils droit au paiement intégral de la prime de fin d’année ?

Non : les primes de fin d’année versées aux fonctionnaires d’une commune constituent des primes afférentes à l’emploi auquel ils ont été nommés. Il en résulte qu’elles doivent être calculées au prorata du temps de travail effectué.

Conseil d’État, 7 mai 2012, N° 337077

 Les fonctionnaires territoriaux ont-ils droit au maintien des avantages collectivement acquis, avant l’entrée en vigueur de la loi de 1984, pris en charge par des organismes à vocation sociale ?

Non : le maintien des avantages collectivement acquis posé par l’article 11 de la loi du 26 janvier 1984 ne s’applique que lorsque les avantages étaient pris en compte, avant l’entrée en vigueur de la loi, dans le budget de la collectivité. Tel n’est pas le cas des primes versées par un organisme à vocation sociale.

Conseil d’État, 7 mai 2012, N° 337077

 L’employeur peut-il, en l’absence du salarié, contrôler les fichiers présents sur l’ordinateur professionnel mis à sa disposition ?

Uniquement pour les fichiers qui ne sont pas expressément identifiés comme étant personnels. La seule dénomination « Mes documents » donnée à un fichier ne lui confère pas un caractère personnel. L’employeur est donc en droit de le consulter hors la présence du salarié.

Cour de cassation, chambre sociale, 10 mai 2012, N° 11-13884


Marchés publics et contrats

 La circonstance qu’une conseillère municipale entretienne des liens étroits avec une entreprise candidate à un marché public justifie-il le rejet, par principe, de l’offre de cette société ?

Non dès lors que l’élue intéressée ne siège pas à la commission d’appel d’offres et n’exerce aucune influence ni dans la définition des besoins de la collectivité, ni dans le choix du candidat. Porte ainsi atteinte au principe de libre accès des candidats à la commande publique, une commune qui rejette par principe, et sans examen, l’offre d’une entreprise au motif que la conseillère municipale déléguée à l’urbanisme est la sœur du président de cette société dont elle est par ailleurs actionnaire.

Conseil d’État, 9 mai 2012, N° 355756


 Une collectivité peut-elle favoriser les produits issus du commerce équitable en établissant cette origine comme critère d’attribution d’un marché de fourniture de café et de thé ?

Oui sur le principe : les pouvoirs adjudicateurs sont autorisés à choisir des critères d’attribution fondés sur des considérations d’ordre social, lesquelles peuvent concerner les utilisateurs ou les bénéficiaires des travaux, des fournitures ou des services faisant l’objet du marché, mais également d’autres personnes. Il n’est en effet pas requis qu’un critère d’attribution porte sur une caractéristique intrinsèque d’un produit, c’est-à-dire un élément qui s’incorpore matériellement dans celui-ci. Rien ne s’oppose dès lors, en principe, à ce qu’un tel critère vise le fait qu’un produit soit issu du commerce équitable.

Mais l’acheteur public ne peut en revanche imposer le respect d’un label particulier (en l’espèce le label "MAX HAVELAAR") dans le cahier des charges et prévoir que le fait que certains produits à fournir soient munis de labels déterminés donnerait lieu à l’octroi d’un certain nombre de points dans le cadre du choix de l’offre économiquement la plus avantageuse, sans avoir énuméré les critères sous-jacents à ces labels ni autorisé que la preuve qu’un produit satisfait à ces critères sous-jacents soit apportée par tout moyen approprié.

Cour de justice de l’Union européenne, 10 mai 2012, C-368/10


Responsabilités

 Une commune peut-elle être déclarée responsable de la lecture en fin de séance du conseil municipal d’une lettre collective par laquelle dix conseillers municipaux critiquent de manière virulente l’attitude et les propos d’un conseiller municipal, membre de la majorité ?

Oui tranchent les magistrats de la cour administrative d’appel de Bordeaux : cette démarche, qui ne peut se rattacher à l’ordre du jour de la séance du conseil municipal, méconnait ainsi l’article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales relatif au respect de l’ordre du jour. Ainsi cette illégalité, commise par des conseillers municipaux, dans l’exercice de leurs fonctions, et avec les moyens de la commune, constitue une faute non dénuée de tout lien avec le service, de nature à engager la responsabilité de la commune, les critiques portées excédant les limites de la polémique électorale.

Cour administrative d’appel de Bordeaux, 10 mai 2012, N° 11BX03199


 Un défaut d’entretien de l’ouvrage public peut-il être invoqué sur l’ensemble du domaine public ?

Non : en l’absence d’ouvrage public, le moyen tiré de la seule appartenance des lieux au domaine public ne permet pas de rechercher la responsabilité de la collectivité sur le fondement du défaut d’entretien d’un ouvrage public. Un syndicat mixte gérant une de loisirs de l’accident survenu à un visiteur qui a chuté d’un rocher. En effet l’accident se situe, certes sur le domaine public, mais dans une zone d’accès libre, à l’extérieur du centre de détente payant et clôturé, placé sous la seule responsabilité des usagers ainsi que cela est précisé sur le plan du site mis à la disposition de ces mêmes usagers. Le rocher duquel est tombé la victime résulte de la configuration naturelle du terrain situé en forêt et ne saurait par conséquent être assimilé à un ouvrage public, ni à une dépendance d’un ouvrage public dont le défaut de signalisation serait de nature à engager la responsabilité du gestionnaire de la base de loisirs.

Cour administrative d’appel de Paris, 10 mai 2012, N° 11PA03184


Urbanisme

 Le maire d’une commune peut-il imposer des teintes plus respectueuses du site à l’occasion d’un ravalement de façade ?

Uniquement si de telles teintes constituent une caractéristique remarquable des lieux. Est ainsi jugée illégale, l’opposition d’un maire au ravalement en jaune ocre d’une façade en violation des dispositions du POS imposant le choix d’enduits ou de peintures « de ton clair neutre (en référence aux couleurs des enduits traditionnels à la chaux) ». Peu importe que la maison d’habitation soit située sur une avenue proche de la mer essentiellement bordée de maisons aux enduits blancs ou blanc cassé. Cette circonstance n’est pas suffisante pour considérer que de telles teintes constituent une caractéristique remarquable des lieux.

Conseil d’État, 9 mai 2012, N° 343721


[1Photo : © Treenabeena