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La jurisprudence de la semaine du 9 au 13 avril 2012

Assemblée délibérante / Contentieux et procédures / Hygiène et sécurité au travail / Marchés publics et contrats / Responsabilités

(dernière mise à jour le 13/06/2013)

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Assemblée délibérante

 Les conseillers municipaux d’opposition disposent-ils d’une immunité lorsqu’ils critiquent, même violemment, la politique de la majorité municipale ?

Aucun texte ne le prévoit expressément mais la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) estime que le débat démocratique exige une plus large liberté d’expression au sein des assemblées délibérantes. Les décideurs publics s’exposent en effet à un contrôle attentif de leurs faits et gestes et doivent montrer une plus grande tolérance aux critiques, mêmes virulentes, dont ils peuvent être l’objet. La CEDH juge ainsi contraire à la liberté d’expression la condamnation pour diffamation d’un élu d’opposition qui, à l’occasion d’un conseil municipal, a porté des accusations de corruption contre un adjoint.

Cour Européenne des Droits de l’Homme, 12 avril 2012, no 54216/09


Contentieux et procédures

 Le président d’une intercommunalité peut-il se constituer partie civile au nom de l’EPCI du chef de diffamation sans délibération préalable du conseil communautaire ?

Non : aux termes de l’article 48, premier alinéa, de la loi du 29 juillet 1881, en matière de diffamation envers un corps constitué, la poursuite ne peut avoir lieu que sur une délibération prise en assemblée générale et requérant les poursuites. Ainsi la plainte assortie de constitution de partie civile déposée par le président d’une communauté d’agglomération, au nom de la personne morale, doit préalablement avoir été autorisée par une décision du conseil communautaire, sans possibilité de régularisation a posteriori.

Cour de cassation, chambre criminelle, 11 avril 2012, N° 11-86331


Hygiène et sécurité au travail

 Un maire peut-il être déclaré responsable de l’accident survenu à un apprenti qui s’est blessé en utilisant un motoculteur non conforme bien que l’élu n’ait pas été personnellement informé de la défectuosité du matériel ?

Oui s’il n’ a pas délégué ses pouvoirs en matière d’hygiène et de sécurité à une personne dotée de l’autorité, des compétences et des moyens nécessaires à l’exercice de ses missions. En sa qualité de « chef d’établissement » il appartient en effet au maire de s’assurer de la santé et de la sécurité au travail de ses préposés, y compris des apprentis qui effectuent un stage dans la commune. Peu importe que l’attention du maire n’ait pas été attirée sur la défectuosité du matériel à l’origine de l’accident. L’élu ne saurait pas plus invoquer sa méconnaissance des textes pour tenter de s’exonérer : à défaut d’avoir lui-même les compétences techniques, ou d’être entouré de subordonnés maîtrisant cette compétence, il lui appartient de confier le contrôle du matériel, comme cela a d’ailleurs été fait après l’accident, à un prestataire extérieur.

Tribunal correctionnel de Poitiers, 12 avril 2012, n° 604/12


Marchés publics et contrats

 La qualité de candidat évincé est-elle réservée aux entreprises qui ont présenté une offre ?

Non : la "qualité de concurrent évincé est reconnue à tout requérant qui aurait eu intérêt à conclure le contrat, alors même qu’il n’aurait pas présenté sa candidature, qu’il n’aurait pas été admis à présenter une offre ou qu’il aurait présenté une offre inappropriée, irrégulière ou inacceptable."
Tout candidat ainsi évincé est "recevable à former devant le juge du contrat, dans un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées, un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant de demandes indemnitaires".

Conseil d’Etat, 11 avril 2012, N° 355446


Responsabilités

 Le maire qui reçoit sous pli confidentiel des courriers privés à caractère diffamatoire dont il est l’unique destinataire peut-il poursuivre au pénal leur auteur ?

Non : "les imputations diffamatoires contenues dans une correspondance personnelle et privée, et visant le seul destinataire de la lettre qui les contient, ne sont punissables, sous la qualification de diffamation non publique, que si ladite lettre a été adressée dans des conditions exclusives de tout caractère confidentiel". Doit ainsi être rejetée l’action pour diffamation non publique introduite par le maire d’une commune (12 500) qui a été destinataire de courriers revêtant le caractère de correspondances personnelles et privées et qui ont conservé une nature confidentielle. Peu importe qu’ils contiennent des assertions à caractère diffamatoire.

Cour de cassation, chambre criminelle, 11 avril 2012, N° 11-87688

 Un journaliste qui se contente de relayer le contenu d’une lettre anonyme adressée à des élus peut-il être condamné pour diffamation bien qu’il s’abstienne de toute prise de position ?

Oui s’il n’est pas en mesure d’établir sa bonne foi : "si la présomption d’intention de nuire, résultant des imputations diffamatoires elles-mêmes, peut être combattue et éventuellement détruite par la preuve de l’existence de faits justificatifs suffisants de nature à faire admettre la bonne foi, c’est à la personne poursuivie et à elle seule qu’incombe cette preuve devant la juridiction de jugement". Doit être ainsi cassé l’arrêt qui relaxe un journaliste au motif que son article n’a fait que relayer le contenu d’une lettre adressée à 97 élus, et qui a nécessairement été rapportée par d’autres moyens que la presse parmi la population. Peu importe que le journaliste ait pris soin d’indiquer dans son article qu’il reprenait le contenu d’une lettre anonyme, qu’il n’a cité que certains passages dont le contenu n’excède pas les limites acceptables de la liberté d’expression, et qu’il se soit abstenu de prendre position.

Cour de cassation, chambre criminelle, 11 avril 2012, N° 11-86331


[1Photo : © Treenabeena