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Amiante : une faute inexcusable de l’employeur

TASS de l’Yonne 20 février 2007

A partir de quelle date un employeur est-il réputé avoir eu conscience des risques liés à l’exposition de ses salariés à l’amiante ?


Au printemps 2004 un électromécanicien, qui travaille depuis 15 ans dans un théâtre, décède des suites d’un cancer broncho pulmonaire déclenché 6 mois plus tôt. Exposé à l’inhalation de poussières d’amiantes à l’occasion de l’exercice de ses fonctions (intervention sur des appareils d’éclairage équipés de plaques d’amiante et dans des locaux couverts de flocage d’amiante), sa pathologie est reconnue en maladie professionnelle.

Après une tentative de conciliation infructueuse, ses ayants-droits recherchent la responsabilité de l’employeur sur le fondement de la faute inexcusable. La CPAM demande, pour sa part, le remboursement des prestations versées. Pour sa défense l’employeur relève que la victime n’a effectué au cours de sa carrière "aucun travaux susceptibles de l’exposer directement au risque d’inhalation de poussières d’amiante" et que les mesures nécessaires pour préserver la santé des salariés avaient été prises (la salle à l’italienne du théâtre et son plafond en coupole classés au monument historique avaient fait l’objet d’un flocage à l’amiante dans un but de protection contre l’incendie deux ans avant l’interdiction, en 1978, des flocages amiantés ; par la suite, au fil des analyses, des travaux d’encapsulage, puis d’enlèvement et de dépoussiérage ont progressivement été effectués pour obtenir, fin 1994, des taux conformes à la réglementation).

Le Tribunal aux affaires de sécurité sociale de l’Yonne déclare inopposable à l’employeur la déclaration de reconnaissance de la maladie professionnelle et rejette donc le recours de la CPAM, faute pour elle d’avoir informé l’employeur de l’avis favorable rendu par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

En revanche, le TASS accueille la demande des ayants-droits de la victime sur la base d’une faute inexcusable de l’employeur. En effet "le devoir de sécurité absolu induit l’existence d’une obligation de résultat à laquelle l’employeur ne saurait déroger sauf à prouver qu’il ne pouvait avoir connaissance du danger auquel il exposait ses salariés notamment en fonction des données de la science (...) En l’espèce, [l’employeur], dont le degré de connaissance ne peut être assimilé à celui des industriels de l’amiante, pouvait dans un premier temps, avant 1977, ignorer les risques liés à l’inhalation de poussières d’amiante (...)

Cependant, l’état de la connaissance scientifique, qui a débouché la réglementation issue du décret du 17 août 1977, démontrait l’existence d’un risque médiatisé par les scientifiques et les médecins du travail, dont [l’employeur] ne pouvait ignorer l’existence depuis 1977. En outre [l’employeur] reconnaît s’être préoccupé dès 1979 de la situation des flocages, du fait de leur interdiction par le décret n°78-394 du 20 mars 1978 (...) Par conséquent, les risques liés à l’inhalation des poussières d’amiante, qui ne peuvent être limités aux seules entreprises utilisatrices de l’amiante dans un processus industriel, étaient connus de [l’employeur] (...). Contrairement aux affirmations de l’employeur, il résulte des attestations des anciens collègues de la victime, que [la victime] se rendait dans les locaux de la coupole (...) et que les techniciens sont exposés plusieurs heures par jour à cette pollution pour régler et vérifier les différents paramètres d’une installation vieillissante, également l’entretenir et la dépanner (...)

En l’absence de toute mesure de concentration d’amiante dans l’atmosphère des locaux concernés, entre 1984 et 1993, [l’employeur] ne peut raisonnablement soutenir que les travaux réalisés en 1984 ont donné satisfaction, d’importants taux de pollution ayant été révélés en 1993 (...) [L’employeur] ne s’est pas ainsi préoccupé pendant près de 9 ans, de la protection de ses salariés face au danger de l’amiante et plus particulièrement de la réalisation d’analyses de contrôle de l’atmosphère pourtant obligatoires et dont la nécessité lui a été rappelée par l’ingénieur conseil de la CRAM dès 1984".