Le portail juridique des risques
de la vie territoriale & associative

Défaut de contrôle de certificats de paiement présentés par une entreprise : faute personnelle ou faute de service ?

Cour administrative d’appel de Marseille, 13 décembre 2011, N° 09MA03184

Un agent qui valide sans contrôle et sans être habilité des certificats de paiement que lui présente une entreprise peut-il être déclaré civilement responsable du préjudice subi par la collectivité ?

 [1]


Oui : reconnu coupable de complicité d’escroquerie au préjudice de la collectivité, il commet ainsi une faute personnelle excluant le bénéfice de la protection fonctionnelle. Il n’est donc pas fondé à demander à la collectivité le remboursement des condamnations civiles (plus de 300 000 euros en l’espèce) prononcées contre lui. Peu importe que la faute ainsi commise ne soit pas dépourvue de tout lien avec le service.

Un agent territorial [2] se rend complice d’escroquerie au profit d’une SARL. Il lui est reproché d’avoir apposé sa signature et les timbres de l’administration sur des certificats pour paiement que lui présentait un gérant de la SARL sans procéder au moindre contrôle, notamment en ne s’assurant pas que lesdits certificats correspondaient à des travaux réels. Le tout en sachant qu’il n’avait pas qualité pour le faire.

Les juges en déduisent que l’agent a profité de ses fonctions pour commettre des faux et se rendre complice d’une escroquerie afin de satisfaire un intérêt personnel étranger au service. Condamné pénalement, il est aussi condamné au civil à verser plus de 300 000 euros de dommages intérêts.

Il demande à la ville la prise en charge de sa condamnation civile sur le fondement de la protection fonctionnelle. Il invoque à ce titre les dispositions de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 aux termes desquelles « lorsqu’un fonctionnaire a été poursuivi par un tiers pour faute de service et que le conflit d’attribution n’a pas été élevé, la collectivité publique doit, dans la mesure où une faute détachable de l’exercice de ses fonctions n’est pas imputable à ce fonctionnaire, le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui ».

Demande infondée lui rétorque la ville, approuvée en cela par les juridictions administratives : pour que la protection fonctionnelle puisse être invoquée encore faut-il que en effet que l’agent n’ait pas commis de faute personnelle.

Or en l’espèce, l’agent a poursuivi un intérêt propre étranger au service :

« il n’est pas fondé, eu égard aux faits ainsi constatés par le juge pénal caractérisant l’intérêt propre qu’il a retiré à l’occasion de la fraude dont il est l’auteur, à soutenir qu’il n’aurait pas profité personnellement des sommes indûment versées, ni qu’il pouvait ignorer la probabilité élevée que l’adjoint au maire (…) ordonne le paiement des certificats qu’il avait ainsi visés et qu’ainsi, la société d’affacturage règle au gérant de la société à responsabilité limitée les sommes mentionnées dans les certificats qui étaient revêtus de tous les signes habituels de leur authenticité ».

Peu importe que cette faute ne soit pas dépourvue de tout lien avec le service :

« la circonstance, invoquée par M. A, que les faits reprochés ont été commis dans le cadre du service ou ne sont pas dépourvus de tout lien avec le service est inopérante, dès lors que les faits sus-décrits caractérisent une faute personnelle imputable à l’agent ».

Par ailleurs la collectivité n’a commis aucune faute justifiant un recours de l’agent contre cette dernière :

« la collectivité, en mettant à la disposition du requérant des certificats pré-imprimés que des tiers pouvaient assimiler à des bordereaux de mandatement de dépenses n’a commis aucune faute de service ».

Il appartient donc à l’agent, et à lui seul, d’assumer les conséquences de ses turpitudes.

Cour administrative d’appel de Marseille, 13 décembre 2011, N° 09MA03184

[1Photo : © Alex Kosev

[2Responsable d’une subdivision au sein de la direction générale de l’architecture et des bâtiments communaux d’une ville du Sud-Est.