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Station d’épuration qui déborde, directeur général qui trinque

Cass crim 16 janvier 2007 N° de pourvoi : 03-86502 Inédit

Est-il nécessaire d’établir un lien de causalité entre le décès de poissons dans un étang et le rejet de boues d’une station d’épuration pour caractériser le délit de l’article L216-6 du code l’environnement ?


Durant l’hiver 1997-1998, les boues d’une station de traitement des eaux (exploitée en Régie) d’une ville du sud-est de la France (40 000 habitants) se déversent à deux reprises dans un étang voisin.
L’expertise menée dans le cadre de l’information judiciaire ouverte contre X le 31 mai 1999 pour pollution conclut à l’implication de l’évacuation des boues par le système pluvial de l’usine dans la mortalité des carpes de l’étang.

Le directeur général de la régie est mis en examen en juin 2000. Soulevant l’hypothèse de l’intoxication du poisson par une algue, il demande une contre-expertise. Celle-ci est rejetée, faute d’utilité plusieurs années après les faits...

Considérant que c’est sa mise en examen tardive qui l’a privé d’une possibilité de contre-expertise, le directeur sollicite l’annulation des actes de la procédure antérieurs à sa mise en examen. Après avoir rejetée sa demande, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence le condamne pour pollution sur le fondement de l’article L. 216-6 du code de l’environnement à deux mois d’emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d’amende : "le prévenu, alors qu’il a été informé des écoulements, n’a pas pris les mesures immédiates qui s’imposaient pour les faire cesser" En effet alors que "les deux épisodes sont survenus à plusieurs mois d’intervalles (...) l’évacuation des eaux par le système pluvial, mis en cause dans ces déversements polluants, n’a été mis hors service que tardivement, après le dépôt de la plainte (...).

La circonstance que lors de la seconde visite de l’agent commissionné par le ministère de l’environnement, l’eau soit redevenue plus claire, peu après l’arrivée de celui-ci, démontre la pleine connaissance par le prévenu de l’origine de la pollution à laquelle il aurait pu être mis fin plus tôt".

Le directeur général se pourvoit en cassation en soulevant principalement que "le rejet des eaux sales dans les eaux pluviales avait été autorisé par l’arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 17 avril 1991 autorisant l’exploitation de l’usine de traitement de l’eau" et que l’hypothèse d’une intoxication du poisson par une algue était corroborée par des cas similaires dans d’autres étangs.

La Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme la condamnation dès lors que :
1° le prévenu "a indiqué aux services de police que les opérations de chargement sur des camions des boues destinées à être évacuées laissaient échapper des résidus qu’un préposé, à l’aide d’un jet d’eau, chassait vers le collecteur d’eaux pluviales" ;

2° "l’impact des effluents sur la flore, en l’espèce des joncs, est illustrée par les photographies jointes au procès-verbal de la direction départementale de l’agriculture et de la forêt".

Et les magistrats de conclure "qu’en l’état de ces seules constatations, procédant de pièces antérieures à l’ouverture de l’information, d’où il se déduit que des eaux boueuses, volontairement renvoyées vers le milieu naturel par les émissaires réservés aux eaux pluviales, ont souillé la végétation aquatique, la cour d’appel, qui n’était tenue de répondre, ni au moyen inopérant suivant lequel la mortalité des carpes serait due à une algue toxique, ni à une simple allégation de conformité de l’installation à son autorisation d’exploitation, a caractérisé en tous leurs éléments les délits reprochés au prévenu (...) En effet, l’article L. 216-6 du code de l’environnement punit les rejets intentionnels ou non intentionnels dans les eaux superficielles ou souterraines qui entraînent des dommages à la faune ou à la flore, à l’exclusion de la destruction du poisson, réprimée par l’article L. 432-2 du même code.