Le portail juridique des risques
de la vie territoriale & associative

Protection fonctionnelle : décision ferme et définitive ?

CE 22 janvier 2007 N° 285710

Une collectivité qui accordé sa protection fonctionnelle à un agent mis en cause peut-elle revenir sur sa décision ?

La responsabilité financière d’un fonctionnaire est recherchée devant la Cour des comptes. L’administration dont il relève, lui accorde en juillet 2001, le bénéfice de la protection fonctionnelle, avant de revenir sur sa décision en juin 2002 relevant qu’une procédure devant la Cour des comptes n’est pas une "poursuite pénale" au sens de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983.

 

Le fonctionnaire attaque ce revirement devant les juridictions administratives et obtient gain de cause : la décision initiale de l’administration d’accorder sa protection à l’agent est créatrice de droits et ne peut être retirée, si elle est illégale, que dans le délai de 4 mois. Une telle solution qui s’inscrit dans la jurisprudence classique du Conseil d’Etat relative aux décisions créatrices de droit ne manque pas de soulever des questions d’application pratique en matière de protection fonctionnelle.

 

En effet une collectivité ne doit payer les frais d’avocat à l’agent poursuivi pénalement que si celui-ci n’a pas commis de faute personnelle. Or par respect pour le principe de la présomption d’innocence, et faute d’éléments lui permettant de conclure que l’agent à commis une faute personnelle, une collectivité peut décider, dans le doute, d’accorder sa protection à l’agent.

 

Si, en cours ou en fin de procédure, la collectivité recueille des éléments lui permettant de conclure que l’agent a commis une faute personnelle, il apparaît logique que la collectivité puisse revenir sur sa décision initiale. C’est du moins ce qu’avait jugé, dans une autre espèce, la Cour d’appel de Lyon (CAA Lyon 15 juillet 2003, N 99LY02659) :

 
« si ces éléments conduisent l’autorité administrative à décider d’accorder le bénéfice de la protection prévue par ces dispositions, en l’absence de toute faute personnelle de l’agent, cette décision peut ultérieurement être abrogée s’il apparaît que celui-ci s’est rendu coupable d’une telle faute".
 

Cette position est-elle conciliable avec la jurisprudence du Conseil d’Etat relative au retrait des décisions créatrices de droit ? Dans le doute les collectivités ne seront-elles pas tentées de n’accorder leur protection qu’avec la plus grande parcimonie de peur de ne pas pouvoir revenir ensuite sur leur décision ? Rappelons, en tout cas, que selon une autre jurisprudence du Conseil d’Etat (CE 28 décembre 2001 n° 213931) 

 
aucun principe ni aucune règle n’impose à l’administration de procéder à une enquête contradictoire avant de prendre sa décision, laquelle d’ailleurs ne constitue pas une sanction disciplinaire".
 

L’administration peut donc librement "se fonder sur des faits dont elle dispose pour rejeter la demande dont elle est saisie", et ce nonobstant le principe de la présomption d’innocence posé à l’article 9 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.