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Vétusté d’une église classée aux monuments historiques : défaut d’entretien normal de l’ouvrage public ?

Tribunal administratif de Poitiers, 13 octobre 2011, n°0901727

Une commune peut-elle être déclarée responsable de la chute d’un fidèle dans une église causée par la vétusté de l’édifice classé aux monuments historiques ?

 [1]


Potentiellement oui : les fidèles sont des usagers de l’ouvrage public, propriété de la commune, qui ont droit à la sécurité. Encore faut-il que l’accident trouve son origine dans un défaut d’entretien normal de l’ouvrage. Des défectuosités (ex : dalles descellées ou affaissées) inhérentes à la vétusté du bâtiment ne suffisent pas à caractériser un tel défaut d’entretien dès lors qu’elles n’excèdent pas celles auxquels les usagers doivent s’attendre à y rencontrer. Il appartient aux fidèles de prendre, lors de leurs déplacements dans l’église, les précautions rendues nécessaires par la vétusté du bâtiment.

A l’occasion d’obsèques religieuses, une personne âgée est victime d’une chute dans l’allée centrale de l’église en regagnant sa place après avoir béni le corps du défunt. Elle est grièvement blessée à l’œil droit, sa tête ayant heurté l’angle du dossier d’un banc.

Elle recherche la responsabilité de la commune [2] lui reprochant un défaut d’entretien normal de l’ouvrage public. Elle impute en effet sa perte d’équilibre au mauvais état du dallage de l’allée centrale, celui-ci présentant d’importants défauts de planéité [3].

De fait le prêtre officiant dans la paroisse avait vainement alerté la commune sur la dangerosité du sol, plus particulièrement pour les personnes âgées.

La commune se défend en relevant que le bâtiment étant très ancien et classé aux monuments historiques, il appartenait aux fidèles d’être vigilants dans leurs déplacements.

La Caisse primaire d’assurance maladie, qui s’est jointe à l’action de la victime, réplique qu’il ne saurait être demandé à un usager assistant à un office religieux de faire preuve d’une particulière vigilance puisque sa présence au sein de l’ouvrage n’est pas commandée par sa volonté d’en apprécier l’ancienneté ou la valeur historique mais d’assister audit office.

Le tribunal administratif de Poitiers rejette l’action de la victime et de la CPAM :


 les défectuosités constatées, "qui se caractérisent par un affaissement du sol de l’allée centrale de l’église et la présence de dalles en partie descellées ou fissurées, sont inhérentes à l’ancienneté et à la vétusté de cet édifice fondé au XIIè siècle et classé au monument historique" ;


 ainsi elles "n’excèdent pas, par leur nature ou par leur importance, les imperfections que les usagers d’un tel ouvrage, doivent normalement s’attendre à y rencontrer" ;


 "il appartenait à la requérante, qui reconnaît (...) avoir eu pleine conscience du caractère irrégulier du sol dans l’allée centrale, de prendre, lors de ses déplacements dans l’église, les précautions rendues nécessaires par la vétusté du bâtiment".

Tribunal administratif de Poitiers, 13 octobre 2011, n°0901727

[1Photo : © Podfoto

[23500 habitants

[3Jusqu’à 45 mm