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La jurisprudence de la semaine du 28 novembre au 2 décembre 2011

Fonction publique et droit social / Hygiène et sécurité au travail / Marchés publics et contrats / Pouvoirs de police / Responsabilités / Transports et voirie / Urbanisme

(dernière mise à jour le 4/06/2012)

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Fonction publique et droit social

 Un salarié peut-il invoquer l’absence de mise en place d’institutions représentatives du personnel pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur ?

Non : la carence fautive de l’employeur qui n’accomplit pas les diligences nécessaires à la mise en place d’institutions représentatives du personnel ne constitue pas un manquement de nature à fonder la résiliation judiciaire d’un contrat de travail à ses torts.

Cour de cassation, chambre sociale, 30 novembre 2011, N° 09-67798 et 10-17552


Hygiène et sécurité au travail

 Est-ce à la collectivité qui employait l’agent, à la date de l’accident de service dont il a été victime, de supporter les conséquences financières de la rechute consécutive à cet accident, alors même que cette rechute est survenue alors qu’il était au service d’une nouvelle collectivité ?

Oui : la collectivité qui employait l’agent à la date de l’accident doit ainsi prendre en charge non seulement les honoraires médicaux et les frais exposés par celui-ci qui sont directement entraînés par la rechute mais aussi le remboursement des traitements qui lui ont été versés par la collectivité qui l’emploie à raison de son placement en congé de longue maladie, dès lors que ce placement a pour seule cause la survenue de la rechute consécutive à l’accident de service. Si la collectivité qui l’emploie est tenue de verser à son agent les traitements qui lui sont dus, elle est cependant fondée à demander à la collectivité qui l’employait à la date de l’accident, par une action récursoire [2] le remboursement des traitements qu’elle lui a versés consécutivement à sa rechute, ce jusqu’à la reprise de son service par l’agent ou jusqu’à sa mise à la retraite.

Conseil d’État, 28 novembre 2011, N° 336635


Marchés publics et contrats

 Un acheteur public peut-il attribuer la même note en ce qui concerne le critère du prix à des candidats dont les offres sont très légèrement différentes ?

Oui. Est ainsi justifiée l’attribution d’une note identique à deux sociétés dès lors que la différence de prix séparant les offres est négligeable [3]

Conseil d’État, 30 novembre 2011 N° 350788

 Un marché signé pendant la durée de suspension (délai de standstill) est-il nécessairement nul ?

Non : le juge des référés contractuel peut, en pareilles circonstances, soit priver d’effets le contrat en l’annulant ou en le résiliant, soit prononcer une sanction de substitution consistant en une pénalité financière ou une réduction de la durée du contrat. Pour déterminer la mesure qui s’impose, le juge du référé contractuel peut prendre en compte, notamment, la nature et l’ampleur de la méconnaissance constatée, ses conséquences pour l’auteur du recours ainsi que la nature, le montant et la durée du contrat en cause et le comportement du pouvoir adjudicateur. Ainsi, en l’espèce, le Conseil d’Etat inflige une pénalité financière de 10 000 euros à un centre hospitalier qui a signé un marché deux jours seulement après la notification du rejet de l’offre d’un candidat. L’annulation du marché n’est pas jugée justifiée dès lors que la méconnaissance par le centre hospitalier de ses obligations, n’affectait pas la substance même de la concurrence.

Conseil d’État, 30 novembre 2011 N° 350788

 Le pouvoir adjudicateur peut-il, dans le cadre d’une procédure adaptée, décider d’engager une négociation avec les candidats ayant remis une offre irrégulière ?

Oui : "le pouvoir adjudicateur qui, dans le cadre d’une procédure adaptée, décide de recourir à une négociation, peut librement choisir les candidats avec lesquels il souhaite négocier et peut en conséquence, dans le respect du principe d’égalité de traitement entre les candidats, admettre à la négociation les candidats ayant remis des offres inappropriées, irrégulières ou inacceptables et ne pas les éliminer d’emblée". "Il doit cependant, à l’issue de la négociation, rejeter sans les classer les offres qui sont demeurées inappropriées, irrégulières ou inacceptables". Il s’agit d’une simple faculté ouverte à l’acheteur public : celui-ci n’est pas tenu d’engager une négociation avec les candidats ayant présenté une offre irrégulière.

Conseil d’État, 30 novembre 2011, N° 353121


Pouvoirs de police

 Les dispositions du code de la santé publique permettant que l’hospitalisation d’une personne atteinte de maladie mentale soit maintenue au-delà de quinze jours dans un établissement de soins sans intervention d’une juridiction de l’ordre judiciaire sont-elles conformes à la Constitution ?

Non. Les articles L. 337, L. 338, L. 339 et L. 340 du code de la santé publique, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 90-527 du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d’hospitalisation, sont déclarés contraires à la Constitution. En effet "la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible". Ainsi, pour les mêmes motifs que ceux retenus dans les décisions du 26 novembre 2010 et du 9 juin 2011, "les dispositions des articles L. 337 à L. 340 du code de la santé publique, qui permettaient que l’hospitalisation d’une personne atteinte de maladie mentale soit maintenue au-delà de quinze jours dans un établissement de soins sans intervention d’une juridiction de l’ordre judiciaire, méconnaissent les exigences de l’article 66 de la Constitution".

Conseil constitutionnel, 2 décembre 2011, n° 2011-202 QPC NOR : CSCX1132870S


Responsabilités

 La notion d’intérêt "quelconque" de l’article 432-12 du code pénal réprimant la prise illégale d’intérêts est-elle compatible avec les exigences de clarté et de prévisibilité de la loi pénale ?

Oui tranche laconiquement la Cour de cassation refusant de transmettre au Conseil constitutionnel une QPC posée par un élu poursuivi pour prise illégale d’intérêts : "la question posée ne présente pas, à l’évidence, un caractère sérieux dès lors que la rédaction du texte en cause est conforme aux principes de précision et de prévisibilité de la loi pénale dont elle permet de déterminer le champ d’application sans porter atteinte au principe constitutionnel de légalité des délits et des peines". Dont acte...

Cour de cassation, chambre criminelle, 30 novembre 2011
N° 11-90093


Transports et voirie

 Les plans d’alignement portent-ils une atteinte disproportionnée au droit de propriété ?

Non. Il résulte en effet de la jurisprudence constante du Conseil d’Etat que le plan d’alignement n’attribue à la collectivité publique le sol des propriétés qu’il délimite que dans le cadre de rectifications mineures du tracé de la voie publique. Ainsi il ne permet ni d’importants élargissements ni a fortiori l’ouverture de voies nouvelles. Il ne peut donc en résulter aucune atteinte importante à l’immeuble. En outre le plan d’alignement vise à améliorer la sécurité routière et à faciliter les conditions de circulation et répond à un motif d’intérêt général.

Conseil Constitutionnel, 2 décembre 2011, n° 2011-201 QPC NOR : CSCX1132869S

 Le propriétaire d’un immeuble bâti soumis à une servitude de reculement a-t-il droit à indemnisation ?

Oui. Il ressort du deuxième alinéa de l’article L. 112-2 du code de la voirie routière que, lorsque le plan d’alignement inclut des terrains bâtis, le transfert de propriété résulte de la destruction du bâtiment. Tant que que ce transfert n’est pas intervenu, les terrains sont soumis à la servitude de reculement, prévue par l’article L. 112-6 du code de la voirie routière, qui interdit, en principe, tout travail confortatif. La servitude impose ainsi au propriétaire de supporter la dégradation progressive de l’immeuble bâti pendant une durée indéterminée. Dans ces conditions, tranche le Conseil Constitutionnel, l’atteinte aux conditions d’exercice du droit de propriété serait disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi si l’indemnité due à l’occasion du transfert de propriété ne réparait également le préjudice subi du fait de la servitude de reculement. Sous cette réserve, les deuxième et troisième alinéas de l’article L. 112-2 du code de la voirie routière sont déclarés conformes à l’article 2 de la Déclaration de 1789.

Conseil Constitutionnel, 2 décembre 2011, n° 2011-201 QPC NOR : CSCX1132869S


 Une commune peut-elle exercer son droit de préemption sur un immeuble d’habitation en vente pour assurer le maintien dans les lieux des locataires ?

Oui. En cas de vente d’un immeuble à usage d’habitation, la commune peut faire usage de son droit de préemption pour assurer le maintien dans les lieux des locataires. Il n’y a pas lieu de distinguer selon le nombre de logements que contient l’immeuble préempté : la préemption est possible même si l’immeuble ne contient pas plus de 10 logements et échappe ainsi au champ d’application de la loi de 1975.

Conseil d’État, 2 décembre 2011, N° 343104


[1Photo : © Treenabeena

[2[Et non une action subrogatoire dès lors que la collectivité au service de laquelle se trouvait l’agent lors de son accident de service ne saurait être regardée comme le tiers ayant provoqué l’accident au sens des dispositions précitées du 2° de l’article 57 de la loi du 26 janvier 1984

[3Ecart de 109 euros pour un marché de 290 000 euros.