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Harcèlement moral : le directeur de cabinet condamné

C.A. Grenoble (1re Ch. des appels correctionnels, sect. 1), 7 juin 2006 - R.G. n° 05/01138

Poursuivi pour harcèlement moral, ce directeur de cabinet du maire met en avant ses "idéaux humanistes". Les magistrats, pour leur part, qualifient son comportement de cruel et dédaigneux.


Après les élections de mars 2001, un nouveau directeur de cabinet est nommé dans une commune du Dauphiné (30 000 habitants). Dès sa prise de fonction il affiche sa volonté de "réaliser un vrai cabinet comme il n’en avait pas encore existé". Quatre ans plus tard, il est condamné pour violences volontaires (pour les faits antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi du 17 janvier 2002) et harcèlement moral sur plainte de trois subordonnées.

1° Violences volontaires :

Avant la loi du 17 janvier 2002, les faits de harcèlement moral ne constituaient pas une infraction à part entière. Cela ne veut pas dire qu’aucune qualification ne pouvait être retenue. En l’espèce c’est sous la prévention de violences volontaires ayant causé une interruption temporaire de travail supérieure à huit jours que le directeur de cabinet est poursuivi et condamné. En effet la loi pénale ne distingue pas selon la nature des violences exercées lesquelles peuvent être physiques mais aussi psychiques.
Dans cette affaire, c’est un coup de téléphone véhément à l’une des plaignantes (lui reprochant de s’être rendue d’initiative avec le chef de la police municipale sur un campement de nomade) qui est jugé constitutif des violences ainsi que "la brutale volonté" du prévenu "de modifier les habitudes de travail" ("interdiction de prévoir le déroulement d’une cérémonie de remise de décorations, rupture de communications téléphoniques professionnelles, interdiction de fermeture à clef du tiroir du bureau, remarques acerbes sur les suggestions d’une réorganisation du service, suppression de tâches"), le tout se soldant par un congé maladie d’une durée supérieure à huit jours puis par un départ du cabinet.
En outre une collègue de travail a rapporté avoir vu le prévenu "balancer" les dossiers de la plaignante peu avant le départ de celle-ci en congé maladie et il ressort des déclarations du directeur général des services que "le dépérissement physique et psychologique de [la requérante] n’a pour cause que les mauvaises conditions de travail que lui imposait le prévenu".

"L’incompatibilité d’humeur" invoquée par le directeur de cabinet ne convainc pas les magistrats qui soulignent que "par son comportement vexatoire et le caractère insidieux des décisions qu’il a prises dans la gestion de l’emploi du temps de [la plaignante], [le prévenu] a provoqué l’état d’incapacité de celle-ci (...) et s’est donc rendu coupable du délit de violences volontaires visé à la prévention".

2° Harcèlement moral

Retrait d’attributions, tentatives de déstabilisation, moqueries, injures, gestes déplacés, propos xénophobes, saut d’humeur, changement de bureau... Les accusations portées par les trois plaignantes sont lourdes.
Pour sa défense le prévenu insiste "sur ses idéaux humanistes et sur la volonté qui l’animait à son arrivée à la mairie d’imprimer un caractère novateur au fonctionnement du cabinet du maire". La Cour retient pour sa part que le prévenu "s’est comporté à l’égard des agents placés sous son autorité non seulement avec dédain mais encore avec cruauté dans un mouvement de défense destructeur de l’autre selon ce qu’a conclu l’expert psychologue". En répression le prévenu est condamné à 18 mois de prison avec sursis.
En revanche la peine complémentaire d’interdiction d’exercer pendant 5 ans des fonctions d’encadrement prononcée en première instance est jugée excessive par les magistrats de la Cour d’appel, le sursis constituant à leurs yeux "une mise en garde sérieuse contre la récidive d’une personne narcissique". Au civil le directeur de cabinet est condamné à payer 2 000 euros de dommages-intérêts à chacune des trois plaignantes.