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Harcèlement : des "signes d’amitié sans arrière-pensées" ?

Cass crim 31 mai 2007 N° de pourvoi : 06-88468 Inédit

Des "signes d’amitié sans arrière-pensées" invoque ce maire poursuivi pour attouchements sexuels, harcèlements sexuel et moral, sur des agents de la collectivité. Au vu des témopignages, la Cour ne l’entend pas de cette façon.


Sur plainte de trois agents de la collectivité, le maire d’une commune d’Ile-de-France (1 800 habitants) est poursuivi pour attouchements sexuels, harcèlement sexuel et moral.

Condamné en première instance l’élu interjette appel en minimisant les faits qui lui sont imputés et en remarquant qu’aucun témoin n’a pu en attester. Pour confirmer la condamnation de l’élu (huit mois de prison avec sursis et 5 ans d’inéligibilité), les magistrats parisiens relèvent que :

1° le prévenu a reconnu avoir déclaré à l’une des plaignantes "pour lui remonter le moral" qu’elle était "attirante et qu’il ne dédaignerait pas avoir des relations sexuelles avec elle" ;

2° l’élu a admis devant les enquêteurs tenir souvent des propos à connotation sexuelle "sur le ton de la plaisanterie et sans arrière pensée" et avoir la réputation d’être "entreprenant et tactile" ;

3° l’élu a reconnu avoir touché "en chahutant" la poitrine de la plaignante même s’il prétend avoir fait ces caresses "sans arrière-pensées" ;

4° l’élu a revendiqué des baisers "chastes" (!) sur les lèvres (et non sur la bouche précise le prévenu...) de l’agent non consentante qui, bien que non donnés en public ("pour qu’ils ne soient pas mal interprétés") dépassent le cadre des "simples gestes d’amitié" allégués ;

5° les anciens collaborateurs conseillers et adjoints "ont décrit leur maire comme un homme exigeant, autoritaire, doté d’une forte personnalité, supportant difficilement d’être contredit, usant d’un langage tout le temps équivoque, et, surtout, "misogyne avec tendance tactile" aimant toucher ses secrétaires et leur passer la main dans le dos" ;

6° L’ancienne secrétaire générale a qualifié son ancien patron de "personne arrogante qui rabaisse en permanence les autres, cherchant toutes les occasions pour mettre plus bas que terre le personnel, traitant les agents de bourrins, grosses vaches".

Et la Cour de conclure que le maire "a non seulement abusé de son autorité pour se livrer par la contrainte psychologique à des allusions à caractère sexuel à l’égard de la plaignante, mais qu’il lui a en outre imposé des contacts charnels, dont la nature sexuelle est sans équivoque".

A noter que le maire est également condamné à verser une indemnité provisionnelle aux victimes en attendant une audience civile qui déterminera le montant définitif des dommages-intérêts. L’argument du maire invoquant l’incompétence des juridictions judiciaires pour statuer sur les dommages-intérêts est écarté dès lors que les faits qui lui sont imputés sont constitutifs d’une faute personnelle. C’est pour la même raison que le maire qui avait fait prendre en charge ses honoraires d’avocat par la commune (à hauteur de 180 000 euros !) va devoir se justifier devant la Chambre régionale des comptes saisie par le Procureur de la République (lui-même alerté par une partie des collaborateurs du maire).

La Cour de cassation rejette le pourvoi considérant que la Cour d’appel a "caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu’intentionnels, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l’allocation au profit de la partie civile, de l’indemnité propre à réparer le préjudice en découlant"